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Publié le 17/09/2021 Télécharger la version pdf



La gestion des graminées d'automne en système ACS

   

Ray-Grass et vulpin vont-ils devenir ingérables en agriculture ?

Dans ce blé, il est déjà trop tard pour gérer les ray-grass

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Malgré les avantages indéniables de l’ACS dans la gestion des adventices, il existe des situations où les agriculteurs sont démunis face aux problématiques rencontrées.  Celles-ci pouvant aller jusqu’à remettre en cause le système sur la ferme.    En particulier, les graminées d’automne comme le ray-grass et vulpin deviennent de plus en plus compliqués à gérer à cause du manque d’efficacité des herbicides encore homologués et du manque de nouveautés techniques.  Cet Instant Technique souhaite apporter un éclairage grâce à des retours d’expériences potentiellement pertinents.

La gestion des adventices est l’une des problématiques les plus souvent évoquées par les agriculteurs en Agriculture de Conservation des Sols.  En effet ne pas toucher le sol évite de favoriser la germination des adventices mais peut aussi sélectionner des espèces différentes des systèmes conventionnels.  De plus, voulant copier le système naturel tout en produisant des matières premières de qualité, les agriculteurs essaient de diminuer au maximum tout intrant chimique de synthèse.  Les nombreuses formations et les échanges en groupe permettent de s’échanger des pratiques vertueuses pour limiter la présence d’adventices.  

Cependant, il existe aujourd’hui des impasses techniques pour quelques adventices et il faut actionner de nombreux leviers pour obtenir une situation gérable.  Cet Instant Technique souhaite apporter un éclairage sur 2 de ces adventices à problème : les Ray-Grass et les vulpins.
Nous ne pouvons pas, en quelques pages, faire le tour de toutes les solutions existantes, en particulier herbicides.  Des spécialistes existent sur ce thème avec de la publication pertinente.  Nous avons souhaité axer la réflexion sur les solutions originales, innovantes qui ont permis d’obtenir dans un contexte pédoclimatique particulier, des résultats intéressants.  Ils demandent donc à être confirmés mais peuvent servir de réflexion à chaque agriculteur confronté à ces problèmes. 

Nous profitons tout d’abord d’un travail de réflexion menée par l’APAD Perche, le 21 juin dernier, pour lister les solutions envisageables.  Nous aurons ensuite 3 témoignages d’agriculteurs qui partagent leurs expériences.  Enfin, les Etablissements Pohu, par l’intermédiaire d’Aurélien Bourrier, nous font part de leur expertise. 

Atelier Graminées par l’APAD Perche


Lors de cette rencontre qui avait pour objectif principal de lister les outils non chimiques à disposition de l’agriculteur pour gérer les ray-grass et vulpins, plusieurs approches ont été évoquées dont nous faisons ici la synthèse :

1-    Gérer les graminées avant et dans la culture

En culture (céréales notamment), plusieurs leviers peuvent être envisagés pour gérer le ray-grass : 
- Mettre en place des couverts étouffants / allélopathiques, pour semer sa culture sur une parcelle propre. En été, utiliser des couverts comme du sarrasin (allélopathie) ou du sorgho fourrager (étouffant). 
- Choisir des variétés à développement rapide et à port couvrant.
- Fertiliser au semis (sur le rang) pour booster la culture au détriment des adventices.
- Retarder les dates de semis pour casser les cycles (/!\ Attention aux dates de récoltes !) 
- Passer une herse étrille (s’il n’y a pas trop de débris végétaux en surface !). Pour trouver le bon timing, on peut positionner une vitre (ou un plexiglass) dans la parcelle pour accélérer la levée des plantes. Ce micro « effet de serre », permet de préparer 2 à 3 jours à l’avance le passage de la herse.
- Anticiper les désherbages : Dans les céréales, désherber dès la sortie de la première feuille, pour toucher des plantes encore fragiles. Appliquer un antigerminatif en 2 fois (à l’automne, puis en sortie d’hiver, avant la fertilisation), permet de contrôler les germinations de ray-grass au printemps.

2-    Diminuer la pression grâce à la rotation

La rotation est l’approche agronomique la plus pertinente pour gérer le salissement à long terme. Pour les ray-grass et vulpins, le retour trop régulier de céréales à pailles induit un salissement. Casser les cycles de levées et les périodes de destructions en utilisant des cultures différentes permet de limiter voire de réduire le salissement des parcelles. Deux cultures d’été à suivre (Maïs/Maïs, Tournesol/Maïs) vont permettre de très bien gérer les graminées d’automne et ça, deux années de suite. Même approche pour une succession Protéagineux/Colza : La date de semis tardive du protéagineux permet de détruire au semis une bonne partie des levées qui ont déjà eu lieu. La date de semis précoce du colza suivant permet de jouer sur la concurrence entre le colza et les graminées. Dans ce cas, les herbicides en cultures font aussi partie de la gestion long terme (Anti graminées foliaires). 

3-    Optimiser le fonctionnement du sol (d’après les travaux de G.Ducerf)

D’après Gérard Ducerf, la présence des adventices est souvent due à des déséquilibres chimiques ou des problèmes de structure du sol. Pour ce qui est du vulpin, sa présence est due à des sols dégradés, lourds, et en excès de magnésium (Mg). Le ray-grass se retrouve dans les sols limoneux, humides, compactés. En effet, la compaction de surface ne gêne pas le RG car son système racinaire chevelu et dense rétablit une structure aérée « couscous ». 
Finalement, le RG est souvent vu comme une problématique mais il apporte des solutions agronomiques sur certains sols, car il ramène et surtout maintient une structure de surface qu’aucun matériel de travail mécanique ne pourras fournir aussi finement… 

Mais il est également possible, pour remédier à la compaction de surface, d’apporter du calcaire actif (CaCo3), un amendement cru, à raison de 1 tonne pour 10% d’argile, afin d’alléger les sols et réduire l’anaérobie, propice à la levée de dormance des ray-grass et vulpins. 
Le rapport Potasse sur Magnésium (K20/Mg2) doit être égal à 2 pour limiter l’enherbement.

4-    Revoir son système pour contrôler le salissement

Au cours de cette après-midi d’échange, le groupe s’est accordé à dire que les systèmes les plus résilients en termes de gestion de l’enherbement sont les systèmes d’élevages. L’intégration de prairies permet de gérer les populations d’adventices par la fauche et diminue la pression. Une rotation 4 ans de prairies / Maïs /Maïs / Blé /Orge limite le salissement des parcelles.  S’il n’y a pas d’élevage sur la ferme ou dans les environs, il est aussi possible d’essayer une valorisation par la méthanisation.
Sans aller jusqu’à faire tourner des prairies de 4 ans sur sa ferme, la gestion ponctuelle d’une situation grave peut s’envisager avec une année de mise en herbe : Le semis de ray-grass cultivé est un bon moyen de diminuer la pression. Le ray-grass semé (hybride ou italien) va concurrencer le ray-grass sauvage et limiter son développement, tout en étant plus facile à détruire quand c’est nécessaire. Faire 3 à 4 fauches sur l’année épuise les ray-grass sauvages résistants, qui deviennent plus sensible à la destruction chimique. Une fois le ray-grass récolté et détruit, faire suivre une culture de printemps ou un protéagineux, pour pouvoir gérer les éventuelles repousses. Dans le même esprit que l’utilisation du ray-grass cultivé, la mise en place de cultures pérennes (porte-graines ou fourragères) peuvent aider à diminuer la pression : Trèfles, luzerne, dactyle, fétuque…
D’après plusieurs retours d’expériences (pionniers du système, plateformes d’essais…) la mise en place de système en couverts permanents de légumineuses permet de limiter le salissement des parcelles par la concurrence forte des plantes pérennes. Attention cependant à bien choisir son couvert permanent pour ne pas pénaliser les cultures. 

5-    La gestion des menues pailles pour contenir le salissement.

Le dernier point abordé a été sur la gestion des menues pailles. Plusieurs propositions de gestion ont été suggérées :
-    La récupération lors de la moisson, très efficace mais qui nécessite un fort investissement sur la moissonneuse. 
-    Le broyage des menues pailles à la sortie du batteur, qui peut être efficace mais nécessite là aussi des adaptations (deuxième broyeur)
-    L’export des menues pailles avec la paille, en recrachant les menues pailles sur l’andain. Cette méthode nécessite aussi une adaptation sur la moissonneuse, mais moins couteuse et plus simple que les deux précédentes.
-    Faucher haut, pour avoir moins de paille, et donc moins de menues-pailles issues de la culture (débris). En réduisant le volume de menues pailles, les graines d’adventices seront alors mieux éparpillées, et donc mieux prédatées/détruites. 

Les différents leviers abordés lors de cette après-midi d’échanges sont bien sûr à combiner pour une gestion optimale des adventices. Ces propositions ne sont pas des méthodes miracles, mais bien des pistes à travailler pour obtenir des résultats sur le long terme.  Ce sont les essais menés par les agriculteurs qui permettront de cibler de mieux en mieux les pratiques les plus pertinentes.
Merci à Thibaud François, salarié de l’APAD, et aux adhérents et adhérentes de l’APAD Perche pour leur contribution à ce travail de synthèse.  


Focus glyphosate

Comme vous le savez, le glyphosate est autorisé aujourd'hui en intercultures à la dose annuelle de 1080g/ha/an avant semis en l'absence de labour.
Vous êtes nombreux à vous interroger sur la possibilité ou non de fractionner l'utilisation du glyphosate.
Pour une formulation dosée à 360g/l de substance active, fractionner permet par exemple d'appliquer 1.5l/ha avant les semis d'octobre puis 1.5l/ha avant les semis de printemps, tout en respectant la dose annuelle maximale de glyphosate 1080g/ha.
Cette pratique est souvent adoptée notamment pour éviter de traiter à 3l/ha alors qu'une dose de 1.5l/ha suffirait au regard de l'infestation de mauvaises herbes, tout en se laissant la possibilité d'appliquer à nouveau cet herbicide plus tard dans l'année en fonction des besoins.
Aujourd'hui, certaines formulations à base de glyphosate sont limitées à une seule application par année culturale. D'autres n'ont pas de contraintes en termes de nombre d'applications maximales.
Il vous suffit de vérifier les conditions d'utilisation indiquées sur l'étiquette de vos produits et sur e phy (ephy | (anses.fr))  pour identifier si le produit à base de glyphosate que vous utilisez peut-être appliqué en plusieurs fois, tout en respectant bien-sûr la dose maximale annuelle homologuée. En cas de doute, n'hésitez pas à consulter votre conseiller 

Témoignage d’Adrien Beau, agriculteur à Ligny le Chatel (89), en ACS depuis 2017

Nous sommes dans un secteur de polycultures avec un historique de céréales d’automne (50-60% de la ferme) et de potentiels moyens (60 quintaux en blé sur 10 ans) sur sols superficiels.  Nous avons ici une forte problématique de vulpin qui impacte vraiment les cultures.  Depuis mon passage en ACS, j’essaie différents leviers pour gérer un stock semencier acceptable.

Le premier levier c’est la rotation : en sol moyennement profond (30% de la ferme), je cultive du sorgho grain – féverole (ou tournesol) – blé – orge (ou blé).  Cette rotation me permet de ne revenir en céréales d’automne que tous les 3 ans.  Avec un programme chimique rigoureux, je maintiens le salissement à un niveau correct.  Par contre, je perds financièrement car le sorgho et la féverole ne sont pas des cultures qui me donnent autant de marge que le blé. C’est maintenant la deuxième année que j’utilise cet enchainement. En sol superficiel, il est plus difficile de pouvoir enchainer deux dicots. L’orge de printemps, le colza et les fèveroles permettent de « couper » le cycle des céréales d’automne.

Lotier et trèfle couvrent bien le sol en interculture

Le 2ème levier que j’actionne, c’est un partenariat avec un éleveur.  Je sème un méteil fourrager fin septembre à base de seigle, féverole, vesce, lotier et trèfle blanc. Le vulpin lève dans le méteil au cours de l’automne.  J’ensile le tout en avril-mai. Le vulpin est exporté avant d’être à graine.  Il ne reste alors que le lotier et le trèfle blanc. Je broie dans l’été pour gérer les éventuelles graminées qui repartent du pied.  Juste avant de semer mon blé, je fais un herbicide total qui va détruire les vulpins présents et je pars ensuite sur un programme herbicide avec 2 traitements en automne.
 
Mon 3ème levier pour lequel je ne suis qu’à la phase de test, est dans mes terres argileuses, drainées et avec une forte infestation en vulpin.  Il y a souvent trop de magnésie, qui provoque des anaérobioses.  J’apporte du carbonate pour essayer d’« aérer » les sols et baisser le taux de magnésie sans augmenter le pH qui est élevé naturellement (7.5-8).  Certains chercheurs (cf Gérard Ducerf) pensent que l’excès de magnésie par rapport à la potasse favorise les vulpins. Je vais voir ainsi si les résultats sont satisfaisants.



Sarrazin en double densité

Enfin, dans le cadre du p​rojet SolutionsACS, j’ai accepté d’avoir sur la ferme une plateforme dite satellite : c’est-à-dire que je peux tester un levier potentiellement intéressant dans le secteur avec un suivi réalisé entre autres avec Marine Descamps, animatrice de l’APAD Centre Est.  Cette année, après un blé qui a produit 65 quintaux et avant une orge de printemps qui sera semée fin février ou début mars, je teste différents couverts :
Sans couvert – mélange de couvert classique d’été simple et double densité – sorgho simple et double densité – sarrazin simple et double densité et caméline simple et double densité.  Le sorgho et le sarrazin sont testées pour leurs propriétés à limiter la pousse des vulpins : on verra les résultats cet automne !


​En conclusion, tous ces leviers que j’active, c’est grâce aux échanges qu’on a dans notre groupe.  Même si un levier semble fonctionner dans une région, j’essaie chez moi pour voir si j’obtiens les mêmes résultats ou non.  On progresse ainsi toujours pour trouver des solutions aux problématiques qu’on rencontre.
 

Témoignage d’Olivier Boucherit, agriculteur à St Simon de Pelouaille (17), en ACS depuis 2015 

L’adventice la plus problématique sur la ferme c’est le ray-grass, résistants à de nombreuses familles d’herbicide.  On commence même à voir des ray-grass résistant au glyphosate quand il est bien développé avec beaucoup de réserve racinaire.  On soupçonne une capacité de détoxification suffisamment rapide pour lui permettre de repartir de la souche.  Aujourd’hui, c’est une tolérance 0 sur toutes les graminées d’automne.  Grâce à l’ACS, mes sols sont plus résilients et, même sans irrigation, j’arrive à faire des cultures de printemps dans les sols profonds.

J’ai accepté en 2019 de mettre en place sur la ferme une plate-forme dans le cadre du programme SolutionsACS.  C’est un investissement important en temps de travail mais c’est très utile pour essayer de nouveaux leviers de gestion des adventices.  L’objectif de ces plateformes est d’essayer de voir comment se passer de glyphosate et cette démarche nous oblige à repenser l’ensemble du système.  Le projet se termine au printemps prochain mais on commence à observer les premiers résultats significatifs.

Comme je l’ai dit, ma plus grosse problématique est la gestion des ray-grass.  On actionne 3 leviers principaux pour essayer de les limiter :

1)    La rotation : on est parti sur une rotation de 4 ans avec 1 seule céréale d’automne.  Comme ça, le blé en l’occurrence ne revient qu’une fois tous les 4 ans.  Les autres années, j’utilise les molécules homologuées qui ont encore une bonne efficacité sur RG.  La rotation que j’ai mise en place est donc : blé, colza, maïs, soja.
2)    Le travail mécanique sur 2 modalités : scalpage et rouleaux type FACA.
3)    Le couvert d’interculture

On travaille aussi sur les équilibres d’éléments fertilisants dans le sol mais on attend les résultats de cette modalité plutôt sur du moyen à long terme : aujourd’hui, on ne voit pas de différence significative dans cette modalité.

Exportation du blé envahi par le RG pour éviter la grenaison

​La première année, le ray-grass m’a impacté dans 2 cultures principalement : le blé et le maïs où le couvert n’avait pas assez étouffé les adventices.  En blé, les modalités sans glyphosate (rouleau, scalpage) ont dû être fauchées fin mai puis broyage à la mi-juin car il y avait trop de RG et je ne voulais pas qu’il graine.  En maïs, même avec un programme herbicide conséquent, j’ai dû broyer en hauteur car les RG empêchaient le maïs de se développer et de voir la lumière.
 
En blé, le programme herbicide qui me parait le plus pertinent est glyphosate (720 g / Ha) quelques jours avant semis puis Compil (0.5 l) + Défi (3l) juste après semis puis chlortoluron (3l) trois semaines après.  S’il y a encore des levées en sortie hiver, je passe Axéo (0.8l).


Broyage du RG qui a envahi le maïs : il  va s'en sortir !

Grâce à cette stratégie, je suis passé d’une problématique importante en RG à la maîtrise dès cette 2ème année.  Bien sûr, je suis très vigilant sur les autres cultures en n’hésitant pas à traiter contre les RG dès qu’ils apparaissent.
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Dans les leviers, c’est la rotation qui me semble le plus pertinent : le scalpage est aléatoire en fonction des conditions climatiques principalement et les couverts ne sont pas assez étouffants, d’autant plus qu’on ne peut pas les aider à mieux se développer par de la fertilisation : dès qu’il y a des manques, le RG s’installe.






Témoignage de Marc Lefebvre, agriculteur à Guines (62) en ACS depuis 20 ans

J’ai récupéré, il y a 4 ans, une parcelle d’un voisin.  Je ne me suis pas méfié et j’ai cultivé du blé tendre.  J’ai eu un envahissement par des vulpins car je suis sur des programmes de désherbage de printemps (à base d’Archipel et Octogon).  Devant cette situation ingérable, j’ai décidé de semer un maïs.  En interculture, j’ai semé un couvert à base d’avoine pour nettoyer la parcelle.  J’ai mis 1 litre de glyphosate avant semis pour éliminer les vulpins déjà levés.  J’ai ensuite roulé l’avoine et mis à nouveau 1 litre de glyphosate pour éviter la mise à graine de l’avoine.


J’ai donc semé mon maïs dans un champ exempt d’adventice puis j’ai appliqué un programme herbicide pour ne pas avoir de vulpin dans le maïs : les produits sur maïs sont d’autant plus efficaces qu’il n’y en avait jamais eu de fait dans cette parcelle : je pense que ça joue un rôle dans l’efficacité des produits.

Après la récolte du maïs, j’ai semé du blé tendre en direct, bien sûr, à 500 grains / m² en fin novembre pour limiter le risque de levée de vulpin.  J’ai également mis 1 l de glyphosate avant le semis pour semer dans une parcelle « propre ».  Je n’ai eu aucune levée de vulpin et j’ai cultivé mon blé sans anti-graminée en vérifiant qu’il n’y avait pas de levée tardive.

Après l’orge de printemps, très peu de graminées sont présentes

Après la moisson, j’ai semé un couvert à base d’avoine à forte densité (130 kg / Ha) pour passer en orge de printemps semé fin février.  L’avoine n’est pas le couvert idéal mais je trouve que pour lutter contre une graminée, il vaut mieux semer une autre graminée.   La parcelle est restée exempte de vulpin et, pour la 2ème culture consécutive, je n’ai pas appliqué d’antigraminées. 
Enfin, cet automne, je vais semer un triticale et essayer de ne pas appliquer d’antigraminées pour la 3ème année consécutive.


Pour moi, ce qui a permis ce résultat positif est dû à 5 raisons principales :

Sous l'andain de paille d’escourgeon, aucun vulpin n'a pu germer

1)    En Maïs, j’ai appliqué des herbicides efficaces permettant de gérer complètement les vulpins : il n’y a donc pas eu de grenaison ;
2)    Ce même maïs a laissé au sol une belle biomasse riche en carbone limitant les reliquats d’azote ;
3)    La lutte graminée contre graminée grâce à l’avoine
4)    Le semoir à double disque et semis à vitesse lente pour bouger le moins de terre possible et éviter ainsi les mises en germination
5)    La surdensité de semis : je le vois cette année derrière une parcelle d’escourgeon où, derrière les rangs de moissonneuse, il n’y aucun vulpin (ni autres adventices) et un glyphosate à 0.5 l suffit à gérer les repousses d’escourgeon : dès qu’on laisse un peu de terre nue, le vulpin germe.

En conclusion, je dirai que le maïs m’a permis de gérer une situation compliquée.  Face à une problématique, il faut mettre en place une vraie stratégie quitte à perdre un peu d’argent l’année où l’on doit semer une récolte nettoyante (le maïs pour moi) : on en regagne ensuite sur le poste herbicide.  De même, la rotation ne doit pas être fixe : on l’adapte face à la contrainte rencontrée.
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Témoignage d’Aurélien Bourrier, technico-commercial aux Etablissements Pohu

Notre zone de travail s’étend principalement dans les Mauges (Maine et Loire) et les départements limitrophes (44, 79, 85).  Notre négoce travaille depuis 15 ans avec des agriculteurs en ACS pour leur apporter des produits et des solutions techniques adaptés à ce système.  Nous avons également participé à la création de l’association AC des Mauges, partenaire de l’APAD Centre Atlantique.  Pour communiquer auprès du grand public et commencer à valoriser les produits issus de l’ACS, nous avons créé une bière locale « Mémé germaine » issue d’orge produite en ACS.  
Dans notre secteur, la majorité des fermes sont en polyculture élevage avec des structures agricoles intensives.  L’élevage est une donnée importante dans la gestion des adventices car il permet souvent d’allonger les rotations et d’intégrer, dans des situations complexes, des prairies d’une durée de 18 à 24 mois à 5 ans qui « nettoient » les parcelles.  


Les adventices présentes
Les adventices problématiques que l’on rencontre dans notre secteur sont assez communes et non spécifique à l’ACS : le Ray-Grass, assez peu de vulpin et plus récemment le séneçon commun résistant aux ALS : c’est une plante à cycle très court qui commence à être présente en forte densité.  On peut également rencontrer des bromes par secteur qu’il s’agit de gérer rapidement pour ne pas les laisser envahir les parcelles.  D’autres problématiques existent comme le liseron des champs et des haies qui sont habituellement gérés l’été : comme un couvert est souvent implanté à cette époque en ACS, il faut faire un choix entre la gestion des liserons et l’implantation d’un couvert.


Les outils de gestion non chimiques
Dans nos conseils agronomiques, on insiste sur les pratiques qui perturbent la flore adventice.  Voici les 3 plus efficaces à mon avis :


1)    La rotation avec la diversité des dates de semis et le choix de molécules herbicides à modes d’actions différents.  Organiser la succession de cultures qui permettent de bien gérer ces graminées durant 3 ans limite ensuite les risques de prolifération.
2)    La gestion des couverts d’interculture : plus ils se développent rapidement en été, plus ils gêneront la germination des ray-grass et vulpin.  De plus, en ayant un sol couvert, on peut se permettre de reculer la date de semis de la culture suivante et donc de ne plus être dans la période idéale de levée des RG et vulpin (septembre, octobre).
3)    Enfin, la gestion de la fertilisation est importante pour éviter de laisser trop d’azote à des adventices qui en sont friandes : il vaut mieux privilégier une fertilisation localisée au plus près des besoins des cultures.
Il existe aussi d’autres moyens comme :  
-    Les rouleaux FACA mais leur efficacité est très faible sur graminées ;
-    Le passage d’une écimeuse avant moisson pour éviter la grenaison.


La solution chimique
La première évidence est de semer la culture sur une parcelle exempte de toute adventice : aujourd’hui, il n’existe pas d’autre choix pertinent économiquement que le glyphosate.  S’il n’y a que des graminées à gérer, les doses appliquées sont faibles et permettent de partir sur de bonnes bases.
On sait également que plus les adventices se développent plus elles sont compliquées à détruire.  Il faut donc, dans les situations à risque, passer en post semis – prélevée.  Ce sont des produits racinaires donc l’efficacité peut varier en cas de mulch épais.  Cependant, on connait de mieux en mieux les molécules et celles qui sont les moins impactées par le mulch.  Même avec une moindre efficacité, ce premier passage est indispensable. Il faut également privilégier les bonnes conditions d’application : semis à minimum 2 cm de profondeur, roulage avant traitement et non après, pas de traitement au stade pointant de la céréale. 
Ensuite, en fonction de la situation, il faudra repasser avec un produit foliaire dès le stade 3 feuilles de la céréale.  Il existe plusieurs molécules (flufenacet, Pinoxaden, mesosulfuron, iodosulfuron, DFF (qui apporte un peu plus d’efficacité sur graminée), chlortoluron (pour les variétés résistantes)).  Pour chacun des produits contenant ces molécules, les contraintes réglementaires sont de plus en plus fortes, en particulier en sols drainés et avec des DVP importantes : c’est une limite à leur utilisation.
Voici donc une possibilité de programme sur blé tendre: 
En cas de RG : 2.5 l d’Aranda ou Trooper (60 g/L flufenacet, 300 g/L pendimethaline) puis 2.5 l de DEFI (800 g/lprosulfocarbe) + 0.4 l de Fosburi (diflufénicanil 200 g/l, flufénacet 400 g/l,)
En cas de vulpin : 2 l d’Aranda + Défi (2l) puis Fosburi (0.3 à 0.4l).  Possibilité de remplacer Aranda + Défi par 2 l de Mateno (aclonifène 450 g/l, flufénacet 75 g/l, diflufénicanil 60 g/l,) mais avec interdiction sol drainé et DVP 20 m.
Pour tous ces produits, il est indispensable de vérifier leurs conditions d’application.
On peut considérer qu’une graminée qui a dépassé le stade 2- 3 feuilles devient difficilement contrôlable d’où ces programmes d’automne.

Les pistes d’avenir
On voit aujourd’hui les limites de la gestion chimique, aussi bien limite d’efficacité que limite réglementaire.  Il est donc indispensable de réfléchir à d’autres pistes de gestion qui en sont aujourd’hui à leur balbutiement :

-    Travail sur le Rédox : un déséquilibre pourrait favoriser les mises en germination ou freiner le développement des cultures ;
-    Améliorer la qualité de l’eau de pulvérisation : l’eau est le vecteur des herbicides dans la plante : sa qualité peut permettre à la molécule de pénétrer plus facilement dans la plante ;
-    Un déséquilibre entre éléments du sol pourrait favoriser la germination de telle ou telle adventice ;
-    Implanter des cultures nettoyantes comme les prairies avec valorisation en élevage ou la méthanisation dans les zones où l’élevage a disparu.

Ce qui est sûr c’est que la lutte contre les adventices est une lutte de tous les ans et le moindre échec se paie de longues années : le sérieux est indispensable !  Et 2ème certitude, la réussite de l’implantation de la culture est la meilleure solution herbicide car cette culture couvre le sol rapidement.

Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com