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Publié le 14/04/2022Télécharger la version pdf



Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE)

 

Avec le développement de la méthanisation, la question se pose dans les réseaux d’agriculteurs en ACS de l’impact des Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE) sur leurs sols. Quelles espèces choisir, quelles pratiques de fertilisation, quels impacts sur la culture suivante, et surtout quelle conséquence a l’introduction d’une CIVE sur la matière organique de leurs sols ?

Dans cet Instant Technique, nous tenterons d’apporter des réponses à ces questions, grâce à différentes études et témoignages d’experts et d’agriculteurs du réseau APAD qui cultivent des CIVE.





Les Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique

Les Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE), sont des cultures dérobées ayant pour objectif d’être exportées pour être valorisées dans des unités de méthanisation. D’après une enquête de 2021 de l’Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France (AAMF), 90% des sondés produisent des CIVE d’hiver et 67% des CIVE d’été afin d’alimenter leur méthaniseur.
L’enjeu principal des CIVE est le suivant : produire un maximum de biomasse tout en maitrisant les coûts de production et en impactant au minimum la culture suivante. La CIVE doit donc être conduite comme une culture à part entière : fertilisation, irrigation et désherbage ne sont pas à négliger.


Les CIVE d’hiver

Comme évoqué précédemment, il existe deux types de CIVE : Les CIVE d’hiver et les CIVE d’été.
Les CIVE d’hiver sont des intercultures implantées après une culture d’automne (céréales, colza, pois…) ou un maïs ensilage. Elles précédent des cultures semées au printemps comme le maïs, sorgho, ou tournesol. Pour réussir une CIVE d’hiver, le semis doit se faire avant le premier octobre, afin d’avoir une interculture déjà bien développée avant l’hiver.


Arvalis préconise le seigle, en pur ou en mélange (80% de seigle, 20% de légumineuses), ou bien le triticale comme espèces pour les CIVE d’hiver. L’orge d’hiver est aussi souvent utilisée. Les semis étant plus précoces que pour une conduite en culture principale, le choix de variétés résistantes à la JNO, précoce et peu sensibles à la verse et au gel est recommandé.



Figure 1 : Espèces ou mélanges d’espèces utilisés majoritairement pour produire des CIVE d’hiver (Source : Association Française d'Agronomie)



Il ressort des résultats de nombreux essais menés notamment par Arvalis et ses partenaires dans le cadre du projet OPTICIVE qu’une fertilisation, même réduite : 60 à 100 unités d’azote (selon les reliquats), au plus tôt en sortie d’hiver est valorisée par les CIVE d’hiver. L’étude d’Arvalis ci-dessous présente un gain d’au moins 1,5 t de MS/ha avec une fertilisation de 80U. L’accès au digestat permet de couvrir tout ou partie des besoins en azote de la CIVE.

Figure 2 : Biomasse produite par les CIVE d'hiver,
avec ou sans fertilisation (source : Arvalis projet OPTICIVE)



D’après l’AAMF, le rendement moyen d’une CIVE d’hiver se situe à 8,7t de MS/ha. Ces intercultures sont réussies 4 années sur 5. On considère que si une CIVE avec un rendement inférieur à 4t de MS/ha, il n’est pas rentable de la récolter.
Un point d’attention doit également être porté à la date de récolte. En effet, la majorité de la biomasse d’une CIVE d’hiver est produite dans les dernières semaines du mois d’avril ce qui peut impacter la date de semis d’une culture de printemps à suivre. L’expérience issue de l’introduction d’une CIVE (avoine) avant un maïs sur la plateforme Syppre® Béarn1 a montré que le semis de ce dernier était retardé de quinze jours. En moyenne sur trois ans, l’impact sur le rendement du maïs a été de 9 q/ha malgré le changement d’indice de précocité.


1 Projet Syppre® inter-instituts (Arvalis, Terres Inovia, ITB) : cinq plateformes réparties dans toute la France (limons profonds de Picardie, terres de craie de Champagne, argilo-calcaires superficiels du Berry, argilo-calcaires des coteaux du Lauragais et terres humifères du Béarn) avec co-conception des systèmes de culture étudiés avec des réseaux d’agriculteurs et d’acteurs locaux et un observatoire des pratiques. Inscrit dans la durée, jusqu’en 2025, il doit faire émerger les systèmes de culture de demain en alliant les sciences de l’agronomie et de l’écologie dans une approche de développement durable.




Les CIVE d’été

Concernant les CIVE d’été, elles sont faites en dérobées derrières des céréales (orge d’hiver principalement, blé, colza ou pois) ou des méteils. Elles doivent être semées avant le 10 juillet pour avoir assez d’eau au semis (humidité résiduelle du sol) et assez de temps pour se développer avant la récolte. Contrairement aux couverts d’interculture classiques, il est déconseillé de faire des mélanges d’espèces pour une CIVE d’été. Les espèces les plus fréquemment utilisées sont le maïs, le sorgho fourrager et le tournesol. Pour des cycles encore plus courts, le moha peut être utilisé.

Pour les CIVE d’été, le facteur limitant est l’eau. Les sécheresses estivales limitent la réussite de ces intercultures à 1 an sur 2 en moyenne. L’irrigation est donc un atout dans la conduite de cette interculture. Le rendement moyen d’une CIVE d’été se situe autour de 7,7t de MS/ha. Pour les CIVE d’été, la fertilisation est aussi recommandée : au moins 60U d’azote doivent être apportée pour assurer le développement maximum de la biomasse. Tout comme les intercultures « classiques », les CIVE d’été ont une forte variabilité de production, et dépendent de la climatologie de l’année.



Figure 3 : Espèces ou mélanges d’espèces utilisés majoritairement pour produire des CIVE d’été
(Source : Association Française d'Agronomie)




CIVE et potentiel méthanogène  

En plus des intérêts agronomiques de couverture apportés par cette interculture (structuration du sol, limitation du risque de lixiviation des nitrates, stockage de carbone, concurrence aux adventices…), les CIVE ont un objectif de production énergétique. Ce potentiel de production énergétique s’exprime par le potentiel méthanogène (quantité maximale de méthane pouvant être produite par un substrat, exprimé en Nm3 de CH4/ t de MS).
Plusieurs projets menés par Arvalis comme OPTICIVE (2019) ou RECITAL (en cours) ont montré que le potentiel méthanogène des CIVE se situe entre 200 Nm3/tMS et 310Nm3/tMS. A titre de comparaison, le potentiel méthanogène d’un fumier de bovin frais se situe autour de 170 Nm3/tMO.
Le potentiel du maïs, de 298 Nm3/tMS en moyenne, est le plus élevé, et se démarque donc des autres espèces cultivées en CIVE. Les autres espèces, qu’elles soient d’été ou d’hiver, ont un potentiel méthanogène moyen très proche, autour de 250 Nm3/tMS. Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, les graminées d’automne semées en pur ont une plus grande variabilité de potentiel méthanogène.


Figure 4 : Potentiel méthanogène de différentes CIVE, Compilation des données des projets
RECITAL, OPTICIVE et CIBIOM (Source : Perspectives Agricoles)


Plus important que le potentiel méthanogène, c’est le rendement méthanogène d’une CIVE qui fait sa rentabilité. Le rendement méthanogène (exprimé en Nm3/ha) est lié à la biomasse produite et augmente donc dans le temps. Le potentiel méthanogène, lui, est directement lié aux stades des cultures et notamment à la lignification des végétaux : plus une culture est mature, plus son potentiel méthanogène diminue. Il est donc important de viser une production optimale de biomasse (notamment grâce à la date de récolte), sans pour autant trop impacter le potentiel méthanogène de la CIVE et surtout la culture suivante.

CIVE et matière organique

Bien que cultures intermédiaires répondant à ce titre à tous les bénéfices environnementaux attendus d’un couvert d’interculture, les CIVE sont conduites en vue d’optimiser leur biomasse et vouées à être exportées contrairement à une interculture classique. La question peut dont se poser de l’impact de l’introduction et exportation d’une CIVE dans une rotation sur le stock de matière organique et de la gestion du risque de la diminution du carbone organique restitué. Plusieurs études ont été menées par Arvalis et l’INRAE pour répondre à cette question (projet Opticive, projet Solébiom sur les plateformes Syppre® Béarn et Syppre® Coteaux Argilo-calcaire du Sud-Ouest, projet CarboCIMS…).

Les conclusions de ces différentes études permettent d’apporter des éléments de réponses : tout d’abord en comparaison à un système avec CIPAN, la biomasse restituée au sol à la récolte d’une CIVE d’hiver (chaumes : 1 à 2 t MS/ha) équivaut à la biomasse produite par des CIPAN (Culture Intermédiaire Piège à Nitrates) détruites en sortie d’hiver. En effet, les CIVE ayant pour objectif de produire de la biomasse et de rester en place plus longtemps qu’une CIPAN produiront de ce fait plus de matière sèche mais également plus de racines (dans les essais menés par Arvalis, celles-ci ont été évaluées à près de 2tMS/ha sur les trente premiers centimètres). Or les racines ont un rôle fondamental tant dans la production de carbone et d’azote organique que dans la structuration des sols.


Figure 5 : Production de biomasse aérienne et racinaire de CIVE d’hiver en 2017
répartition de la biomasse aérienne par tranches de hauteur (source : Arvalis)



Ces premiers résultats ne prennent pas en compte le retour au sol des digestats dans le cadre d’exploitations produisant du méthane à partir de CIVE. Le modèle AMG2 a été utilisé afin d’estimer les impacts de l’introduction d’une CIPAN et d’une CIVE, avec et sans retour de digestats, sur les évolutions du stockage de carbone dans différents types de sols.
Tout d’abord, il est à noter que l’évolution du stockage du carbone dans le sol dépend du type de sol et de la teneur en matière organique initiale mais également du contexte pédoclimatique. Les résultats de la simulation présentés dans la figure ci-dessous (figure 6) sont donc à lire au regard du type de sol mais également de la rotation simulée.


2 AMG (du nom de ses auteurs : Andriulo, Mary et Guérif) est un modèle crée en 1999 qui simule l’évolution du stock de carbone organique du sol au pas de temps annuel, sous l’effet des pratiques culturales.



Ainsi, en comparaison avec un système avec CIPAN restituée au sol, la CIVE exportée permet un stockage de carbone du fait de la présence des racines et des chaumes, mais ce stockage est inférieur. En revanche, dans le cas d’un retour de digestat au sol pour fertiliser une CIVE, le stockage de carbone augmente au-delà de ce qu’une CIPAN produisant 2tMS/ha pourrait permettre. Toutefois, l’analyse des simulations réalisées met en évidence qu’une CIPAN produisant une forte biomasse (4 tMS/ha) stocke plus qu’une CIVE exportée, même si son rendement est élevé.

Figure 6 : Evolution du stock de carbone organique du sol sur 0-30cm de profondeur
pour une rotation blé/orge d’hiver/maïs grain irrigué avec une CIVE d’hiver,
une CIPAN ou un sol nu avant le maïs grain, en sol de terreforts



Ces résultats sont corroborés par un premier résultat du projet CarboCIMS dont l’objectif est d’étudier les impacts des Cultures Intermédiaire Multi-Services (CIMS) sur le stockage du carbone organique dans les sols agricoles, dans le contexte de la méthanisation.



Figure 7 : Stock de carbone avec CIVE et CIPAN simulé via AMG
(Source : Kouakou, Levavasseur et al., en cours)




Ressources bibliographiques


Batel, 06 mai 2021 - CIVE : l’espèce et l’itinéraire technique sont les clés d’un bon rendement. Arvalis-Infos. https://www.arvalis-infos.fr/cive-l-espece-et-l-itineraire-technique-sont-les-cles-d-un-bon-rendement-@/view-34894-arvarticle.html

Marsac et al. 01 septembre 2021 - Cultures de biomasse : zoom sur le potentiel méthanogène des CIVE. Perspectives Agricoles, n°491, pp 33-36.

Marsac, 16 mars 2021 – Webinaire RECITAL

ADEME Bourgogne. Novembre 2013 - Méthanisation de fumiers bovin et volaille Impact du stockage du fumier, Essais pilote et potentiel énergétique. 12p.

Marsac, 13 juin 2019 - Une interculture particulière pour produire de l’énergie. Arvalis-infos. https://www.arvalis-infos.fr/une-interculture-particuliere-pour-produire-de-l-energie-@/view-26937-arvarticle.html

Aliaga, mai 2019 – Réseaux Syppre : introduire une céréale dans une monoculture de maïs. Perspectives Agricoles, n°466, pp 71-73.

Lagrange, janvier 2020 - Les CIVE contribuent aux apports de matière organique. Perspectives Agricoles, n°573, pp 51-54.

Projet CarboCIMS, INRAE. Impacts des Cultures Intermédiaire Multi-Services (CIMS) sur le stockage du carbone organique dans les sols agricoles, dans le contexte de la méthanisation.

Pellerin et al., 2019 - Stocker du carbone dans les sols français, quel potentiel au regard de l’objectif 4 pour 1000 et à quel coût ? Synthèse du rapport d'étude, INRAE (France), 114 p.

Bes de Berc, Juin 2021 - Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique : la biomasse au service de l’Environnement et de l’Agriculture. Revue AE&S 10-1 Agronomie et méthanisation, 8 p. https://agronomie.asso.fr/aes-10-1-19

Webinaire « Les cultures intermédiaires à vocation énergétique et leur rôle dans le changement climatique ». YouTube : https://youtu.be/Cfi_SBHVafM

Vrignaud, mars 2022 – Méthanisation et rotations longues améliorent les performances des exploitations. Perspectives Agricoles, n°497, pp 34-39.





Epandages de Digestat : Damien THIEBLEMONT, Agriculteur à Bouzancourt (52110)

Avant le méthaniseur, nous faisions déjà des intercultures avant nos cultures de printemps. L’objectif était alors d’assurer une couverture minimale du sol pendant l’hiver. Aujourd’hui, l’objectif est différent : nous semons des intercultures de seigle ou seigle/vesce, avant maïs, soja ou sorgho, pour produire un maximum de biomasse afin d’alimenter le méthaniseur.

Dans la gestion des épandages de digestat, l’idée est de l’apporter au moment où il sera le plus valorisé. Comme le digestat a un effet « starter » sur les cultures, il est épandu avant le semis, à l’automne (Pour les CIVE et céréales) et au printemps (Pour les cultures d’été). Pour la fertilisation des CIVE, nous apportons le digestat le plus tôt possible, à la sortie de l’hiver, dès que les sols portent. Nous épandons la phase liquide sur les parcelles les plus proches (moins de 10km), et la phase solide pour celles plus loin. Même si les parcelles avec plusieurs années d’ancienneté en ACS sont toujours assez portantes, et se remettent bien en état toutes seules (passages des crampons décompactés par les vers de terre), il ne faut pas faire n’importe quoi sur l’épandage. 

Pour l’automne prochain, nous sommes en réflexion sur le dégroupage, c’est-à-dire séparer le transport de l’épandage, plutôt que de faire des allers-retours avec les épandeurs entre la ferme et les parcelles. Une fois le digestat arrivé dans les parcelles, nous pourrions l’épandre avec des matériels plus petits, de 12m3 à 14m3 maximum, pour limiter le tassement. 


Témoignage de Laurent PARISOT, Agriculteur à Aisey Richecourt (70150). En ACS depuis 10 ans.

Nous sommes 3 associés, polyculteurs-éleveurs laitiers sous l’IGP Gruyère, sur 387 hectares. Nous cultivons blé, orge, soja, maïs et betteraves fourragères. Un tiers de l’exploitation est en prairie ou en ray-grass/luzerne pour les montbéliardes. 

Nous avons monté le méthaniseur en 2016, après 2 ans de réflexion, lors de l’installation de deux jeunes associés.  Il est alimenté principalement par le fumier et le lisier des bovins (Vaches sur logettes paillées et caillebotis). Pour complémenter, nous utilisons les premières coupes de luzernes (nettoyage), du maïs ensilé, des CIVE d’hiver ou bien du regain quand les stocks de fourrages sont pleins. 
Concernant le maïs, la moitié de la surface est récoltée en grain, pour l’alimentation du troupeau, et l’autre moitié en ensilage, pour le méthaniseur. Nous utilisons de préférence de variétés allemandes. La dose est un peu plus chère, mais les semences sont déjà traitées, et enrobées avec de l’engrais starter. Ce qui est intéressant, c’est surtout leurs potentiels méthanogènes, plus élevés que les variétés du marché français, et leurs résistances à la sécheresse : il n’y a pas d’irrigation sur la ferme. 

Les CIVE d’hiver sont faites uniquement avant soja, car elles assèchent trop le sol et pénalisent le maïs. Nous semons un mélange de seigle (40kg/ha), d’orge (40kg/ha) et de vesce (10kg/ha) dans la deuxième quinzaine de septembre, après avoir apporté 20m3/ha de digestat, soit environ 20 unités d’azote. A la sortie de l’hiver, nous repassons une ou deux fois 20m3/ha de digestat. La CIVE reçoit donc 60 unités du semis à la récolte. 
La récolte se fait avant le 1er mai, dès que les conditions sont bonnes, afin de garder une bonne structure de sol pour le semis du soja suivant en direct. L’année dernière, grâce aux très bonnes conditions, nous avons récolté autour de 40t de matière fraîche/ha. En moyenne, nous sommes sur un rendement de 25 à 30 tMF/ha.


 

 




Témoignage de Grégory VRIGNAUD, gérant de la société ACE Méthanisation. 



Pour Grégory Vrignaud, gérant de la société ACE Méthanisation basée à Thouars qui accompagne, forme et conseille des groupements d’agriculteurs ayant un projet de méthanisation, il est important d’inscrire la méthanisation dans une approche globale de l’agriculture et de trouver les bons équilibres entre la gestion du carbone et de la photosynthèse et l’objectif nourricier de l’agriculture ou encore le bon fonctionnement du sol et la production d’énergie. Si l’on s’intéresse spécifiquement au cas des CIVE, couverts destinés à alimenter un méthaniseur, ces cultures intermédiaires présentent de nombreux avantages : structuration du sol, mobilisation de l’azote, concurrence aux adventices, couvert mellifère. Au travers d’exemple d’expérimentations, plusieurs de ces avantages vont être détaillés.

 

A chaque objectif, sa CIVE

L’objectif premier d’une CIVE est de produire de la biomasse pour fournir un méthaniseur. Dans cette optique, une graminée pourra être choisie (seigle par exemple) et conduite selon les préconisations listées précédemment. Si la partie aérienne de ce couvert est exportée, celui-ci aura pu se développer jusqu’à une récolte en avril/mai et laissera donc des chaumes importantes au sol (de l’ordre de 2tMS/ha, cf partie CIVE et matière organique) ainsi que du « carbone racinaire » (racine et rhizodéposition) dont il a été estimé qu’il était 2,4 fois plus important que le carbone de la biomasse aérienne (Rasse et al., 2005).
En vue d’optimiser encore les services rendus par une CIVE, celle-ci pourra être implantée avec un mélange à base de légumineuse qui viendra restituer de l’azote à la culture suivante (de l’ordre de 40 unités d’azote suite à un seigle associé à de la vesce et du trèfle. Pour plus d’informations se référer aux résultats du projet PAMPA 3) et sera également favorable à la biodiversité grâce à une floraison au printemps. Pour atteindre ces objectifs il faut viser une densité de 20-25 pieds au m² pour une vesce ou une féverole.


Photo © CIVE et mélange de légumineuses / Grégory Vrignaud


3  PAMPA : Promouvoir Agroécologie & Méthanisation Par les Associations Culturales - CRA Nouvelle Aquitaine, Chambres d’Agricultures Départementales et ACE Méthanisation 


Enfin, Grégory Vrignaud mène des essais sur l’association CIVE-plantes compagnes poursuivant cette fois un objectif de restitution de carbone au sol encore plus importante et toujours dans le but de nourrir les pollinisateurs avec des plantes qui fleurissent au printemps. Un seigle est donc associé à des légumineuses, des crucifères (navette par exemple) mais également à des plantes compagnes (sarrasin, tournesol, phacélie, lin) qui viendront restituer du carbone au sol au moment de leur destruction. Dans l’essai 2021 le mélange suivant a été semé : 80kg de seigle, 12kg de vesce, 2kg de navette, 2kg de lin, 3kg de phacélie, 15 kg de tournesol, 20kg de sarrasin. Le semis est effectué de fin août à début septembre afin de permettre aux plantes compagnes de se développer rapidement. Il faut viser une variété peu sensible à la JNO (jaunisse nanisante de l’orge) et porter une attention particulière aux limaces si un seigle est implanté. Il est possible que cette dernière stratégie résulte en une perte d’environ 1tMS/ha de rendement pour la CIVE mais en contrepartie le couvert permet de maximiser les services environnementaux.

 

Gestion des adventices et CIVE

Grégory Vrignaud a pu observer au long de nombreux essais menés que la densité de la CIVE a un impact sur la densité des adventices, notamment des ray-grass. De même, un semis tôt permet de limiter la densité de ray-grass.
Des essais concluants concernant la gestion des adventices, en particulier des ray-grass, ont été menés : une CIVE associée de légumineuses est implantée puis récoltée et un sorgho multicoupe à destination du méthaniseur est implanté en suivant (rappel : seuil maximal de 15% autorisé pour l’incorporation dans les digesteurs de cultures alimentaires et énergétiques cultivées à titre principal). Le sorgho multicoupe produit un paillis énorme pour une biomasse d’environ 7tMS/ha en moyenne. Le sorgho n’est pas désherbé et est fertilisé avec du digestat. Il est récolté mi-septembre et repart avant le semis du blé en octobre, ce qui permet une couverture du sol qui n’impactera pas le blé puisque les repousses sont gélives. Le blé après une CIVE et un sorgho biomasse exportés est très propre et cette stratégie peut donc apporter ponctuellement une solution à un salissement en ray-grass important.


Photo © Blé dans les chaumes de sorgho en décembre /Grégory Vrignaud



Introduction d’une CIVE dans un couvert permanent de luzerne


Introduire une CIVE a également l’avantage de permettre de faire évoluer des rotations. C’est le cas de l’introduction d’une CIVE dans une rotation de colza, blé, orge, rotation dans l’impasse tant économique et technique qu’agronomique. Un groupe d’agriculteurs a choisi d’intégrer une luzerne dans la rotation pour une durée de deux ans au moins, luzerne dans laquelle une CIVE est sursemée. La luzerne est semé sous couvert de tournesol ou au mois de mai après récolte d’une CIVE en avril. Une CIVE (seigle ou triticale) vient y être semée en septembre pour être récoltée en avril. La première coupe, un mélange de graminée, luzerne et adventices permet d’alimenter le méthaniseur tout en nettoyant la parcelle. La seconde coupe de luzerne en été sera destinée à l’alimentation animale. Ce schéma est reproduit l’année suivante et permet à la céréale à paille qui sera implantée après destruction de la luzerne en année deux ou trois de bénéficier de reliquats azotés élevés et d’adventices maitrisées.



Photo © CIVE sursemée dans une luzerne / Grégory Vrignaud





Article écrit par le comité technique de l’APAD.
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comite.technique.apad@gmail.com