Publié le 14/04/2021Télécharger la version pdf



La culture du tournesol



La culture du tournesol en semis direct : si compliqué ?


Le tournesol est souvent considéré comme une culture très compliquée à réussir en semis direct. Il est vrai que les témoignages d’insatisfaction sont fréquents. Pourtant c’est sûrement une culture qui demande juste davantage de points de vigilance pour la réussir. Nous faisons le point dans cet Instant Technique avec une partie sur l’itinéraire technique général puis le témoignage de 3 agriculteurs qui mettent tout en œuvre pour réussir une culture rentable.  



La place dans la rotation

Le tournesol est souvent considéré comme une tête de rotation car c’est un bon précédent pour les céréales à paille : il libère le sol suffisamment tôt pour une implantation dans les meilleures conditions. Il introduit une rupture dans le cycle des maladies des graminées et il permet d’alterner les matières actives utilisées en désherbage. L’état du sol est en général très satisfaisant et il ne laisse pas trop de débris au sol pouvant pénaliser la céréale qui suit. Il est également possible d’implanter un couvert végétal pour une autre culture de printemps dans la majorité des Régions françaises ; dans d’autres régions (nord est par exemple) la récolte est souvent trop tardive.

La physiologie du tournesol

Le tournesol est une plante à racine pivotante et à cycle court. Ces deux caractéristiques en font une culture exigeante vis-à-vis de la structure du sol. C’est donc une culture qui a des fortes exigences par rapport à la qualité du lit de semences (présence de terre fine nécessaire) et le moindre obstacle au développement racinaire peut occasionner des pertes importantes en rendement et une dégradation de la qualité. Il est donc impératif de vérifier la bonne structure de son sol pour que le pivot descende correctement. Il ne faut jamais oublier que la profondeur à laquelle descendent les racines est gage d’une bonne alimentation hydrique : les besoins du tournesol en eau sont estimés à 480/500 mm sur un cycle. 
Contrairement aux autres grandes cultures, il ne peut compenser des manques à la levée qu’au travers d’une augmentation de la surface foliaire. Or la levée conditionne directement la régularité du peuplement, qui doit être bonne pour permettre au tournesol de donner le meilleur de lui-même. Un peuplement compris entre 55 et 60 000 de plantes levées par ha permet d’obtenir le rendement et la teneur en huile maximum. L’écartement idéal est de 40 à 60 cm, néanmoins, un semis à 75 cm permet d’utiliser le matériel existant. Comme souvent en ACS, il est préférable de semer lentement, aux alentours de 5 km/heure pour la régularité de la profondeur de semis, de l’écartement entre graines et la bonne fermeture du sillon. Le petit coutre derrière le disque ouvreur apporte un plus dans la régularité du semis. Le strip till à dent fine est aussi utilisé par certains : c’est bien un outil à utiliser en sol suffisamment ressuyé car il peut faire plus de mal que de bien en cas de mauvaise utilisation. Il peut permettre de sécuriser l’implantation dans un sol en début d’ACS. 

La problématique des ravageurs

Oiseaux et limaces représentent le risque majeur de la prédation pour la culture du tournesol. L’ACS, de par la biodiversité qu’elle favorise, peut donc augmenter les pertes. Ces ravageurs entraînent une vigilance stricte par la pause de piège pour les limaces et de leurres pour les oiseaux. L’APAD poursuit son travail de suivi des impacts des limaces sur les cultures avec la société de Sangosse pour les cultures de printemps. En attendant de mieux comprendre la dynamique de population et de dégât, il est conseillé de protéger le germe avec, au minimum, de l’anti limace mis dans et sur la ligne de semis : si le germe est coupé, la plante meurt. La pose de pièges avant et après le semis permet aussi de mieux prendre en compte le risque et de traiter à bon escient.
Pour les oiseaux, en particulier pigeons et corbeaux, la mise en place des leurres habituels comme les épouvantails, les pièges ou les canons, montrent leurs limites. En 2 à 3 jours, les oiseaux s’habituent et l’efficacité baisse sensiblement. La piste la plus prometteuse est de les perturber avec du végétal soit vivant soit en décomposition : ils ont encore du mal à bien identifier les parcelles semées en tournesol au milieu d’autres plantes. 2 des 3 témoignages suivants permettent de voir des exemples de réussite. Terre Innovia a également travaillé le sujet et la féverole semé en février à 100 kg / Ha (25 grains / m²) est un procédé qui fonctionne. (Voir les détails des résultats de cette étude en suivant ce lien :(Lutte contre les dégâts d’oiseaux : résultats des travaux 2016-2019 - Terres Inovia ). Par contre, elle doit être détruite absolument au plus tard au stade 1 paire de feuilles du tournesol.
Quoi qu’il en soit, la majorité des ACSistes préfèrent semer plus tard pour que la levée soit la plus rapide possible : c’est encore aujourd’hui le meilleur remède aux différentes attaques ! Le risque de sécheresse est augmenté mais le fait de ne pas travailler le sol permet de mieux garder l’eau du sol et donc de limiter ce risque. Pour prendre la décision du semis, rappelons que maïs et tournesol ont besoin d’un cumul de température d’environ 90° jours base 6°C entre le semis et la levée. Il est alors possible de faire la moyenne des températures mini et maxi du sol (prendre la température à 8h00 et à 14h00) et retrancher 6 °C. Puis faire le cumul des moyennes de températures journalières en fonction des températures prévues. Il est recommandé de semer lorsque le cumul des températures atteint 90° jours en 10 à 15 jours maximum.

La fertilisation

​Avec un semis souvent tardif et une minéralisation du sol qui a reprise, l’engrais starter est rarement valorisé par le tournesol. Peut-être nécessaire en phase de transition ou en semis précoce, son impact est faible après quelques années d’ACS et l’augmentation du taux de matière organique. De plus, comme le tournesol est une plante mycorhizienne, le starter pourrait être plus nocif qu’utile dans un sol riche en de tels champignons. Des observations d’agriculteurs montrent également que la mycorhization du tournesol semblent réduire significativement leur infection par l’orobanche : c’est donc un paramètre très important à prendre en ligne de compte.
Pour la majorité des éléments fertilisants, les besoins de la culture sont faibles voire nocifs en cas d’excès d’apports. Un apport d’azote de 40 à 50 unités est suffisant. Cet apport doit être réalisé soit au semis, voire avant, s’il y a un couvert à décomposer, soit un peu plus tard, juste avant une pluie, si le couvert a déjà disparu. Le tournesol est une culture moyennement exigeante en potasse et peu exigeante en phosphore : il supporte assez facilement une impasse d'apport en ces deux éléments même si plusieurs observations montrent que la potasse apportée sous forme de sulfate a un impact positif sur le rendement. Est-ce que c’est le soufre ou la potasse qui apporte ce plus, difficile à dire mais c’est peut-être une piste à creuser.
Enfin, ne pas oublier que le bore est un élément indispensable au tournesol et que toute impasse est à proscrire : 500 grammes en fertilisation foliaire suffisent au stade 8 à 10 paires de feuilles.

Des pistes d’innovation

Comme le tournesol est une plante de printemps, ça peut être l’occasion de semer avec le tournesol une autre plante de printemps qu’on souhaite conserver par la suite. On connaît tous des situations où les semis de luzerne n’ont pas fonctionné en fin d’été : l’implanter avec le tournesol en semis direct peut être une solution car c’est la période optimale pour sa germination. Le trèfle blanc et violet peuvent aussi être semés avec le tournesol. Evidemment, le programme de désherbage sera adapté à cette contrainte supplémentaire. Les résultats obtenus sont très souvent satisfaisants avec peu d’impacts de la légumineuse sur le tournesol et la possibilité de la valoriser pour des animaux en automne. Il est également possible de garder ce couvert pluriannuel avec un blé qui suit le tournesol.
D’autres idées existent d’association de plantes pour mieux gérer l’enherbement : les lentilles fourragères par exemple, en poussant dans les espaces laissés libres entre tournesol, évitent le salissement. On le voit encore ici et avec les témoignages qui suivent, l’ACS est un système qui favorise les innovations en particulier pour travailler avec les atouts de la Nature : chacun doit pouvoir trouver des solutions aux problèmes rencontrés !


Témoignage d’Emmanuel Boblet, agriculteur à Torcé en Vallée (72), en ACS depuis 2004


Orge et tournesol lèvent ensemble


La culture du tournesol est, à mon avis, l’une des plus difficiles en ACS. Il faut être très vigilant sur certains critères de réussite. Voici les 4 points sur lesquels je suis intransigeant :

1)    La gestion des limaces.
Même dans mon système ACS depuis 17 ans, j’ai encore trop de limaces pour la culture de tournesol. Je commence à les gérer 15 jours avant le semis en mettant des pièges : dès que j’en trouve plus de 10 au m², je traite avec environ 4 kg de produit. Au moment du semis, je mets systématiquement 1.2 kg dans la ligne de semis et 1.2 kg sur la ligne. Je continue la surveillance jusqu’à la levée. J’utilise également la technique du semis d’orge au moment du semis du tournesol : je sème au semoir à céréale 40 kg d’orge.

Ce semis multiplie le nombre de plantules à disposition des limaces diminuant d’autant les dégâts sur le tournesol. Cette méthode doit également perturber les oiseaux.

2)    La qualité du semis.
Le sol doit être bien ressuyé avec le sillon correctement fermé. J’ai adapté mon semoir NG+3 avec une dent uniquement sur la ligne de semis qui travaille 2 – 3 cm. J’ai également équipé le semoir avec une roue de jauge RID, un ressort de pression renforcé et une roue de fermeture fine et chaine de draguage pour ramener la terre fine dans le sillon. Il faut que le sol soit assez réchauffé et mon indicateur est la floraison du lilas soit vers le 15 – 25 avril. Je sème 75000 graines et j’obtiens entre 68 et 70000 pieds. Je sème une variété Clearfield très précoce pour une récolte fin septembre : en effet, le tournesol démarre plus lentement qu’en conventionnel et reste vert plus longtemps en fin de cycle.

3)    Le désherbage.
Ma rotation est du type Blé – tournesol – maïs. Après le blé, je sème un couvert à base de radis fourrager, vesce et trèfle. Ce couvert a donc fini son cycle en fin d’hiver tout en continuant à protéger le sol. Je détruis de toute façon toute adventice présente dans le couvert 1 mois avant semis. Grâce à cette méthode, j’ai une humidité du sol plus régulière sur toute la parcelle. Je sème donc sur un sol sans adventice. L’orge doit être détruite absolument avant qu’elle dépasse le tournesol (en général à 2 – 3 paires de feuilles mais il faut être vigilant) : pour cela je passe un Pulsar à 2 x 0.625 l à 10 jours d’intervalle suivant la météo.


La fameuse cuve à fioul aménagée


4)    Vigilance sur les corbeaux.
Ces oiseaux sont intelligents et il faut les surprendre. C’est une lutte qui commence dès l’hiver. Je viens avant la levée du jour et je me cache dans une cuve à fioul aménagée, dos au soleil, positionnée en milieu de parcelle. J’ai bien sûr une autorisation de les tirer car il faut les éliminer. Je viens toutes les 2 à 3 semaines pour les tirer et c’est une méthode vraiment efficace.
Enfin, concernant la fertilisation, j’apporte 8 tonnes de fumier de volaille quelques semaines avant le semis quand le sol porte. Je ne mets pas de starter car je n’ai jamais vu l’utilité.
En conclusion, grâce à ces points de vigilance, je réussis bien la culture du tournesol qui me donne des résultats qui me satisfont avec une moyenne de rendement de 26 quintaux.


Témoignage de François Hodille, agriculteur à Cornot (70), en ACS depuis 2014





Les premières années où j’ai semé du tournesol en direct, j’ai connu de grosses difficultés. Depuis, j’ai sécurisé l’implantation qui est la phase compliquée. Je sais que ma façon de faire est atypique mais elle me convient bien. 
Tout d’abord j’ai choisi le semoir Maxemerge 1780 et son châssis lourd, écartement de 38 cm et ses roues de fermeture de type pneu cranté en plastique : la ligne de semis est bien refermée même dans un couvert vivant.


​Ma rotation est maïs – tournesol – blé – colza – blé. Je sème le tournesol dans un couvert vivant à base de triticale (90 kg) et féverole (30 kg) implanté fin octobre à la volée et épandage dans la foulée de 8t/ha de compost solide de méthanisation sur le semis. J’ai un rouleau type FACA puis le semoir : le couvert est donc bien plaqué au sol. Je passe le glyphosate pour détruire toutes les adventices. 

J’ai décidé de semer maintenant dans un couvert vivant car les limaces attaquent moins le tournesol même si je mets quand même 4 kg de Sluxx dans la ligne de semis puis 3 kg juste avant la levée du tournesol. Les oiseaux ne m’ennuient pas trop car ils ne doivent pas se repérer dans le couvert.
J’ai aussi reculé la date de semis au 15 mai pour que le tournesol lève en 5 à 10 jours maximum. Ça m’oblige à prendre des variétés très précoces avec une très bonne vigueur de départ. Je sème 75000 graines pour obtenir 60000 pieds levés. Semer plus dense à cette date, peut exposer à un plus gros risque de déficit hydrique sachant que le potentiel est moindre qu’un semis de mi-avril.



Tournesol avec le lotier: non désherbé, le lotier fait 60 cm et concurrence le tournesol



Ensuite, je fais un désherbage classique avec 1 litre de Mercantor et 1.5 l de Challenge. Je suis assez léger en désherbage car j’ai un couvert pluri annuel de lotier que je souhaite conserver. Il est implanté depuis le colza et il m’apporte un plus sur la vie du sol et la mise à disposition d’azote pour la culture. Quant à la fertilisation, j’apporte juste 80-100 kg de sulfate de potasse (environ 30 unités de SO3 et 30 unités de K2O) au semis, puis 40 unités d’azote en plein à 5 feuilles, 250 grammes de Bore et Molybdène avec un produit organique chélaté en foliaire. Je ne mets pas de starter car je n’ai jamais vu de différence.


Mon rendement est de 13 à 26 quintaux : ça peut sembler faible mais j’ai une bonne valorisation économique avec la fabrication d’huile à la ferme et valorisation en oisellerie. De plus, je trouve que le tournesol est un très bon précédent pour le blé qui suit. C’est donc aussi la place dans la rotation qu’il faut analyser.

Témoignage de Jacky Berland, agriculteur à St Martin de Fraigneau, en ACS depuis 2001


Je cultive du tournesol en dérobé. C’est une culture facile à faire et qui me laisse une marge satisfaisante. Je le sème soit derrière pois soit derrière blé tendre ou blé dur. C’est mieux derrière une céréale car les pailles font un mulch et limitent l’évaporation. La stratégie de la dérobée s’anticipe dès le choix de la variété de la céréale en prenant une variété très précoce dite 100 jours : il faut absolument que le tournesol soit récolté vers le 20 octobre au plus tard. Donc chaque jour gagné au semis est important. Par contre l’inconvénient des pailles est qu’il faut que le semoir les écarte bien de la ligne de semis donc j’utilise mon semoir monograine même si l’écartement est un peu élevé à 75 cm. Ça peut augmenter les levées d’adventices mais, d’un autre côté, je trouve le tournesol mieux développé. Au niveau fertilisation, j’apporte 100 kg d’urée au stade 3 à 4 paires de feuilles ou 17 m3 de lisier de porc.​

En semant en décalé, je ne rencontre aucun problème avec les limaces ou les oiseaux qui sont partis sur d’autres cultures. Le seul ravageur qui peut faire un peu de dégâts, ce sont les campagnols : j’essaie de les gérer tout au long de l’année.



La réussite du tournesol en dérobé tient en 4 points de vigilance : 

Le premier est d’avoir de l’irrigation : c’est indispensable car il faut arroser dès le semis pour faire lever. J’apporte 4 à 6 tours d’eau : au semis, deux fois en cours de montaison et 3 fois en post floraison pour 130 mm au total (en 2020 avec un été sec donc ça dépend évidemment de la pluviométrie).

Le 2ème point de vigilance est de semer une variété très précoce qui fait son cycle en 110 – 120 jours et peu sensible au sclérotinia du capitule qui pourrait fortement impacter le rendement vu la période de récolte.

Le 3ème point est le désherbage : les sols sont en général exempts d’adventice au semis donc pas besoin de passer un glyphosate. Par contre, il y a des relevés de céréales qui peuvent être très impactantes donc je suis vigilant. Je réfléchis à ne désherber que l’inter rang pour gérer les dicotylédones et le broyage de cet inter rang donne des résultats intéressants dans les essais que j’ai pu faire.

Enfin, le dernier point de vigilance est le séchage : l’humidité à la récolte peut être très variable et il faut toujours sécher. Le mieux est de le faire à plat avec un système de chauffage par le dessous. Le séchage avec séchoir classique est beaucoup trop risqué avec les risques d’incendie. Il faut donc être sûr de pouvoir sécher. J’ai aussi trouvé un débouché avec la méthanisation : dans ce cas, le tournesol est ensilé et ça simplifie le travail en libérant le sol plus tôt et en évitant les frais de séchage. C’est une autre façon, parmi d’autres, de valoriser le tournesol !
Mon rendement moyen est de 15 à 25 quintaux. Cette culture est aussi intéressante pour la biodiversité et, en particulier les abeilles. Les fleurs arrivent à une période où il y en a très peu dans la nature et c’est une source de nourriture que les abeilles apprécient.

Article écrit par le comité technique de l’APAD.
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