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Publié le 28/03/2023Télécharger la version pdf



La gestion des limaces en ACS

Les adhérents de l’APAD au cœur de la réflexion sur ce ravageur

  En agriculture de conservation des sols, le travail du sol est réalisé par les multiples micro et macro organismes du sol.  Si la très grande majorité d’entre eux sont bénéfiques ou neutres pour les cultures, certains peuvent avoir des impacts importants, en particulier au démarrage des cultures.  Il est donc important d’anticiper ce risque et d’élaborer une stratégie.  Cet instant technique fait le point sur les limaces, l’un des ravageurs emblématiques de l’ACS grâce à la collaboration de nombreux adhérents. 




Rappel de la biologie de la limace




Les limaces et escargots sont composés à plus de 80% d'eau et sont très sensibles à la dessiccation. Leur corps est constamment humide et ils secrètent en permanence un mucus les protégeant de la sécheresse et servant également de défense immunitaire. Une glande spéciale sous le pied secrète un mucus leurs permettant la locomotion. Leur tête est équipée de 2 paires d'antennes, une paire portant les yeux (antennes supérieures), une autre paire servant d'appendices de préhension et d'organes sensoriels (antennes inférieures).

La limace, comme tous les gastéropodes, est hermaphrodite. La reproduction est cependant croisée, avec échange en premier lieu des spermatozoïdes entre deux individus différenciés mâles, puis différenciation de la structure génitale pour la production d'ovules. Les œufs sont généralement pondus dans le sol à l'automne et au printemps. La vitesse d’éclosion dépend de la température et de l’humidité du sol (pour la limace grise, les œufs peuvent éclore en 2 à 3 semaines si la température est autour de 20°C, et peuvent attendre plus de 3 mois en cas de conditions trop froides). Il y a souvent 2 générations présentent en même temps. En 2022, il y même eu une 3ème éclosion d’œufs en décembre ce qui faisait 3 générations en simultanée : ceci explique en partie les dégâts sur culture observés cet hiver.


Les 2 limaces les plus présentes : la limace grise et noire

Ce sont les 2 types de limaces impactant le plus les cultures.




La limace grise fait de 4 à 5 cm. Elle est peu sensible au stress hydrique. Elle vit à la surface et dans les 7 premiers cm du sol et résiste au froid jusqu'au point de gel. Son alimentation est très variée et les dégâts s'observent sur toutes les parties des plantes, notamment les racines, tubercules et germes, selon le climat. En sécheresse, elle se déplace plutôt dans l'horizon de surface du sol où elle se nourrit des parties souterraines de la plante. La ponte est d'environ 300 œufs par individu, déposés en différents endroits, sous forme de paquets de 20-30 œufs. La maturité est atteinte en 3 à 4 mois, et la durée de vie est de 9 à 13 mois.
La limace noire lui ressemble beaucoup sauf qu’elle est légèrement plus petite (3 à 4 cm) et vit quasiment exclusivement sous le sol d’où un repérage plus difficile. Elle se nourrit donc principalement de racines et des germes des graines.


Un rôle de décomposeur

Outre une alimentation à base de végétaux vivants, ce sont des organismes importants de la dynamique de dégradation de la matière organique. En consommant les résidus végétaux, les petits animaux morts et des excréments, elles contribuent au premier maillon de la chaîne de dégradation des MO. Elles ont également, de par leur activité digestive, un grand intérêt dans la minéralisation de l'humus et dans la diminution de la pression dû aux champignons décomposeurs des végétaux.


Alimentation et climat impactent le développement

La limace est dotée de sens olfactif et gustatif bien développés, qui lui permettent de trouver la nourriture de façon spécifique afin de se constituer un régime alimentaire adapté. De plus, la limace est capable de mémoriser ses expériences alimentaires et, lorsqu’elle est habituée à un type de plante, elle en change lentement. Sans que l’on sache exactement pourquoi, certaines variétés dans une même espèce, peuvent avoir sa préférence d’où l’intérêt du mélange variétal pour essayer de diminuer les dégâts.

Les limaces sont très sensibles aux aléas du climat. L'activité de la limace est optimale entre 1°C et 20°C et elles sont capables de survivre plusieurs jours dans des conditions plus difficiles. Néanmoins, une période de gel prolongée peut entraîner une mortalité complète d'une population de limaces et de ses œufs. Les hivers étant de moins en moins froids, ce ne sont plus forcément des moyens de baisser la pression. A l'autre extrémité, la chaleur, associée à de faibles précipitations, est également un facteur pouvant entraîner la baisse d'activité, et la mort des populations de limaces. Ce phénomène est surtout dû à la sécheresse et donc au manque d'eau, ralentissant son métabolisme et l'empêchant de se déplacer. Cependant, nous avons bien vu l’automne dernier, malgré un été sec et chaud, que les limaces étaient bien de retour ! et affamées !



Les résultats de l’enquête APAD


Pour les adhérents qui ont déjà comptabilisé les limaces à l’aide de piège (50 % des répondants), le nombre varie de 0 à 40 limaces / m² dans la majorité des cas avec des pointes à 60 voire 80 limaces ! Et cependant, plus des ¾ expliquent que les dégâts sont très aléatoires et sans corrélation avec le nombre de limace ! Voici un résultat qui montre toute la complexité de leur gestion !

Ce sont 54 adhérents de l’association qui ont répondu au questionnaire proposé par le comité technique. Voici la répartition des adhérents :




Et l’ancienneté :





Impact de l’ancienneté en ACS

Nous entendons régulièrement que plus le nombre d’année d’ancienneté en ACS est important moins les limaces sont un problème. Les choses ne sont pas si simples puisque, en croisant les données avec les problèmes que les limaces peuvent engendrer, on obtient les valeurs suivantes :


Même si la diversité des organismes vivants s’accroit avec le nombre d’années d’ACS, ce n’est pas suffisant pour gérer complètement les limaces : des cultures restent sensibles, en particulier lors de levée difficile comme nous le verrons par la suite.
Les limaces arrivent rapidement sur les parcelles non travaillées et c’est un sujet qui peut rendre difficile la transition vers l’ACS. D’où l’importance d’être vigilant dès le début de l’arrêt du travail du sol pour sécuriser les cultures.




Argile et limon hydromorphe favorisent les limaces



Les données ne sont pas assez nombreuses pour l’affirmer mais ces résultats sont en corrélation forte avec la difficulté de mise en place de l’ACS en sols argileux et limon hydromorphe. Il serait intéressant à l’avenir d’approfondir ces résultats et de voir si la problématique des limaces n’est pas juste une problématique de bien réussir l’ACS ! Ce n’est aussi simple vu le graphique précédent mais c’est sûrement une piste de réflexion !


Seigle, colza et tournesol, les cultures préférées des limaces !

Même si, comme on l’a vu, de nombreux facteurs influent sur les dégâts causés par les limaces, le type de culture est prépondérant : certaines cultures ne semblent pas poser de problème quand d’autres sont à surveiller et à protéger dès le semis.




Globalement, les protéagineux sont moins sensibles aux limaces. Quant au blé semé derrière colza, nous verrons plus bas, que la gestion des repousses sont une des solutions pour limiter les dégâts potentiels.


Le couvert impacte les dégâts :


Pensez-vous que le couvert impacte le nombre de limaces dans la culture suivante ?


Même si les agriculteurs ont du mal à expliquer les impacts réels du couvert, ils estiment que nourrir et abriter les limaces est source d’une certaine prolifération ; dans le même temps, ils reconnaissent qu’affamer une limace n’est pas une solution efficace car elles n’en deviennent que plus voraces !


Grâce à ces résultats, on peut conclure que, même si les espèces présentes dans le couvert ont un impact, ses modalités de destruction sont les plus importantes : Un végétal qui meure doucement et qui continue de nourrir les limaces est un moyen très efficace pour limiter les dégâts sur la culture : là encore, un travail de comptage plus précis permettrait de préciser cette information. De même, il vaut mieux ne pas broyer le couvert car ça empêche les limaces de s’en nourrir.


L’anti limace largement utilisé mais à dose faible



Quant à la quantité utilisée, elle est assez variable et à 90 % à moins de 5 kg (pour rappel, la dose homologuée du Sluxx HP est de 7 kg / Ha et du Métarex Duo de 5 kg / Ha)


La forme utilisée est le phosphate ferrique à 50 % et un mélange avec du métaldéhyde pour 40 %.





Résultats des comptages de l’automne 2022


L’activité des limaces étant très dépendante du climat, il est utile, avant de présenter le bilan des comptages effectués l’automne dernier, de se remémorer du temps printanier et estival 2022.
Comme on le voit sur ce graphique, le printemps est le 3ème plus sec depuis 1959 après 2011 et 1976. C’est aussi le 2ème plus chaud.




Quant à l’été, ce sont surtout les températures qui sont remarquables puisque quasiment au niveau de 2003. La pluviométrie est plus importante que de nombreuses autres années mais la pluie est surtout arrivée en toute fin de mois d’août donc avec des conséquences fortes sur les cultures, les levées de colza et de couverts.



Sur ce dernier graphique, on voit que 2022 se détache vraiment en étant beaucoup plus sèche et chaude que toutes les autres années depuis 1959.



Les résultats présentés ici sont issus du réseau de piégeurs de la société de Sangosse dont l’APAD est partenaire. Malheureusement le nombre de piégeur en ACS reste faible et les résultats obtenus doivent être considérés comme des tendances.

Cliquez sur le graphe pour le voir en grand



Pour les semis de colza, la pression est faible au démarrage car on sort de plusieurs mois secs. Dès fin septembre, le nombre augmente fortement ; cependant, les colzas sont, dans la plupart des cas, déjà à un stade suffisamment avancé pour ne pas être trop impactés par la reprise de l’activité des limaces.

Cliquez sur le graphe pour le voir en grand



Pour les semis d’automne, l’activité des limaces est forte dès le début de la période de semis et va se poursuivre tout l’automne. Pour les céréales qui peinent à démarrer, les conséquences ont pu être importantes avec des surfaces importantes où les pieds ont disparu. La douceur de l’automne a permis cette activité avec, comme on l’a déjà dit, des éclosions d’œufs en novembre d’où une 3ème génération de limaces !





Les pratiques des adhérents



Lutte physique :


• Une limace ne sait pas forer le sol : moins il y a d’interstices, plus elle a de mal à s’enfouir la journée : roulage systématique post semis
• La paille fait le même effet que les mottes en la protégeant de la déshydratation : moins de problème en élevage où les pailles ou les méteils sont exportés
• La qualité du semis : vigilance sur l’ « autoroute » à limaces = ligne de semis mal refermée et/ou lissée
• Le pâturage du couvert limite fortement les limaces et diminue les anfractuosités dans lesquelles les limaces se réfugient


Lutte biologique :


• Les prédateurs des limaces : les limaces elles-mêmes !
• Les carabes, les staphylins
• Différents animaux : hérissons, crapaud, sangliers, oiseaux
• Gestion de l’interculture (mort lente de la plante)
• Semis d’un leurre avant la culture (seigle dans tournesol – colza dans maïs ou blé)
• Avoir des végétaux ou du broyat en décomposition


Lutte chimique :


Pour rappel, Un appât c’est

• 1 support (95 à 97,5 %) :

• Matière première (Son, gruau, farine meunière, colza…) pour attirer et consommer
• Résistance à la casse + Résistance à la pluie pour gagner en persistance
• Forme (Cylindre, bille, ovoïde…) + Granulométrie pour gérer l’épandage

• 1 matière active (2,5 à 5%):

• Métaldéhyde (2,5 à 5%)
• Phosphate de fer (Plusieurs formules) (3%)
• Un mélange des 2

Le métaldéhyde agit sur 2 types de cellules productrices de mucus : peau et système digestif : action rapide et bloque l’appétit
Le phosphate ferrique perturbation du métabolisme du calcium par accumulation dans l’intestin et la glande digestive : la limace continue à s’alimenter 1 à 2 jours et mortalité en 3 jours (en moyenne)

Exemple de pratiques d’agriculteurs ayant répondu au questionnaire :

• En cas de forte infestation, positionner de l’anti limaces en plein 15 jours avant le semis.
• Anti limace à automne systématique sur les couverts en argile irriguée
• Apport d’anti limace dans la ligne de semis pour toutes les cultures appétentes (colza, tournesol)





Témoignage de Christophe Launey,
responsable développement région Ouest, société de Sangosse




Un marché anti-limaces en pleine mutation


Le classement CMR2 des anti-limaces contenant 3% ou plus de métaldéhyde, impose désormais des contraintes de stockage ainsi qu’une redevance pollution diffuse (RPD). Les pratiques des agriculteurs évoluent donc fortement sur ce marché.
Face à ces nouvelles contraintes, le marché des anti-limaces à base de métaldéhyde solo ralenti au profit d’une croissance du marché des anti-limaces biocontrôle.

Cette accélération notoire du biocontrôle sur ces deux dernières années s’est traduite par l’apparition de nouvelles solutions anti-limaces sur le marché. Le marché anti-limaces biocontrôle se diversifie en termes de solutions disponibles mais avec des niveaux de performances très variables entre les différents produits
La quantité de substance active n’est pas gage d’efficacité, mais c’est bien la formulation de l’appât.



Performances des produits molluscicides formulés avec du phosphate de fer,
Synthèse pluriannuelle d’essai en cages pression 25 limaces par m²



L’efficacité est une composante essentielle certes, mais la qualité des anti-limaces sur les critères d’appétence, d’attractivité, de résistance à la pluie, de résistance à la casse et les propriétés balistiques doivent être au rendez-vous pour garantir une protection longue durée et une rentabilité de la protection.

La détection des limaces évolue également.
Il existe depuis les années 90 des pièges à limaces, il s’agit de tapis disposés dans les parcelles afin d’évaluer l’activité des limaces. L’activité ainsi constatée, permet d’adapter la stratégie de lutte soit en activant les leviers de la lutte alternative, soit par l’application de solutions anti-limaces.





Afin de lever la contrainte de l’observation par un opérateur, et ainsi de gagner du temps, la société DE SANGOSSE a développé un capteur connecté et automatique permettant, non seulement de surveiller l’activité des limaces, mais de pouvoir remonter également des données météo et des photos du développement de la culture pour surveiller les parcelles à distance.


Un travail commun entre la société DE SANGOSSE et l’APAD sur LIMACAPT a permis d’approcher la nuisibilité des limaces dans les systèmes en ACS. Toutefois les limaces sont des ravageurs assez complexes à appréhender et il s’avère nécessaire de poursuivre ces observations afin de pouvoir tenir compte des effets climatiques pluriannuels.
Le service LIMACAPT sera proposé en pré-commercialisation dès l’automne 2023 et son lancement commercial est prévu dès l’automne 2024.


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Article écrit par le comité technique de l’APAD.
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comite.technique.apad@gmail.com