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Publié le 18/05/2022Télécharger la version pdf



La gestion de l'eau en ACS

Démonstration de la capacité d'infiltration de l'eau dans un sol en ACS


L’observation des profils de sol en système ACS montre de nettes évolutions par rapport à un sol travaillé.  Ces évolutions entraînent une modification de la circulation de l’eau aussi bien au niveau de l’infiltration qu’en profondeur.  De plus, l’augmentation du taux de matière organique permet de stocker davantage d’eau et le mulch de surface diminue l’évapotranspiration.  

Tous ces éléments montrent que la gestion de l’eau en ACS doit être reconsidérée et que, pour ceux qui ont de l’irrigation, sa gestion aussi doit évoluer.  Ce nouvel Instant technique fait le point pour vous aider à acquérir une meilleure maîtrise de l’eau en ACS




Rappel sur l’eau dans le sol

Toute l'eau des précipitations n'atteint pas le sol : une part est évaporée directement pendant et après la pluie et les gouttes peuvent être interceptées en partie par le feuillage. L'eau qui atteint le sol peut ruisseler ou s'infiltrer et réhumecter le sol. Les racines absorbent cette eau que la tige et les feuilles évaporent par transpiration. Une fraction réduite, plutôt en hiver, gagne la profondeur et atteint la nappe.
La teneur en eau du sol est fonction de la porosité et de la perméabilité du sol donc fonction essentiellement de sa texture. Le volume maximal d'eau qu'un sol peut retenir est la "capacité au champ" ou capacité de rétention du sol.
L'eau qui tombe à la surface du sol commence à humidifier la partie supérieure du sol (quelques centimètres). Le profil hydrique change. Cette augmentation de la teneur en eau en surface ne détermine pas automatiquement un transfert en profondeur. En effet, l’eau est soumise à 2 forces principales dans le sol : la capillarité qui agit dans toutes les directions et la gravité qui est une force dirigée vers le bas. Lorsque la capacité de rétention du sol en eau est dépassée, l'eau descend sous l'effet de la gravité et humidifie les couches inférieures.


Le phénomène de l’érosion hydrique

2 phénomènes expliquent l’érosion. Le premier arrive quel que soit le sol et sa couverture. Si la pluie est forte, le sol ne peut pas absorber toute l'eau tombée, la partie supérieure du sol devient saturée et le transfert vers la profondeur n'est pas assez rapide. Une pellicule d'eau s'accumule en surface et s'écoule selon la pente emportant plus ou moins de particules de terre. Bien sûr, en ACS, les plantes (= racines) en place, les résidus de culture et les taux de matière organique ont un rôle important pour ralentir les flux d’eau, créer des chemins préférentiels d’infiltration et donc limiter le phénomène évoqué
Le 2ème phénomène est dû à l’effet « splash » qui se passe en sol nu et travaillé : Les gouttes de pluie brisent les mottes et projettent les particules arrachées. Les plus fines sont piégées entre les éléments plus grossiers et ferment les pores : la surface du sol perd de sa capacité d'infiltration et, sur certains sols plutôt limoneux, il apparaît une croûte de battance. La masse de sol détachée peut être de l'ordre de plusieurs dizaines de tonnes par hectare et par an. Ce 2ème phénomène existe en proportion infiniment plus faible en système ACS bien mené.


L’Évapotranspiration

Une partie de l'eau qui pénètre dans le sol est évaporée de nouveau dans l'atmosphère soit directement (évaporation) soit par l'intermédiaire des plantes (transpiration) : l'ensemble de ces pertes en eau constitue l'évapotranspiration.
Concernant l’évaporation du sol, même pendant la pluie, une partie de l'eau est immédiatement évaporée si l'atmosphère n'est pas saturée en eau. Le départ de l'eau superficielle fait remonter l'eau des zones plus profondes. La quantité évaporée diminue avec la quantité retenue dans le sol car les forces de capillarité s'opposent à son départ. La succion du sol dépend principalement de sa texture, de la taille des pores et de la quantité d'eau contenue par rapport à sa capacité de champ.


Relation entre la taille des pores et la tension de succion nécessaire pour les vider de leur eau (d'après ROWELL, 1994)


Concernant la transpiration des plantes, l’eau est extraite de la zone non saturée du sol, parfois même de la zone saturée. L'eau est extraite par les racines des plantes, circule dans la tige et les feuilles puis est vaporisée à travers les stomates dans l'atmosphère. Le soleil fournit l'énergie nécessaire à la vaporisation de l'eau. La transpiration d'un végétal est réglée par l'ouverture des stomates. Cette extraction est possible tant que les racines arrivent à vaincre les forces qui retiennent l’eau autour des particules de terre. Au-delà, la plante flétrit. Le point de flétrissement d'une plante varie d'une espèce à l'autre.
Le volume d'eau disponible pour les plantes, appelé "réserve utile" (ou réservoir utile) comprend la "réserve facilement utilisable" et la « réserve difficilement utilisable » ; elle dépend de 2 paramètres : la profondeur du sol colonisée par le système racinaire (1 m environ pour une culture annuelle de blé ou de maïs) et la texture du sol. Pour une profondeur d'1 m, on obtient des valeurs de réserve utile allant de 70 mm d'eau pour un sol sableux grossier à 200 mm d'eau pour un sol limono-argileux.


Le bilan hydrique

Le calcul du bilan hydrique est important car, pour obtenir un rendement maximum, il faut que les plantes disposent toujours de suffisamment d'eau pour évaporer ce qui leur permet de fonctionner à l’optimum. Si besoin, et quand c’est possible, il faut donc compléter le volume d'eau apporté par les précipitations par des prélèvements au réseau de surface ou à la nappe. Les informations ci-après sont simplifiées par souci de compréhension. Pour des calculs plus précis, il est nécessaire de se rapprocher de documents spécifiques à l’irrigation.
L'Evapotranspiration Potentielle (E.T.P.) est une donnée climatique calculée quotidiennement par les services de météo France à partir de la température, de la vitesse du vent, de l'humidité et de la durée d'insolation (formule de Penman). Elle se définit comme la perte d'eau sous forme de vapeur d'eau d'un couvert végétal de référence (prairie bien entretenue), disposant d'une alimentation en eau suffisante pour qu'elle ne limite pas la transpiration.
L'Evapotranspiration Maximale (E.T.M.) est liée à la fois au climat et à la culture. Ainsi, elle s'exprime en multipliant l'E.T.P. par un coefficient Kc qui dépend de la culture et de son stade. Ce coefficient est faible quand la culture est peu développée (peu de surface foliaire) et devient supérieur à 1 quand la surface foliaire est maximale.
Cependant, diverses causes font qu’une plante n'atteint que très rarement son E.T.M. (manque d'eau, démarrage lent de la plante, activité métabolique réduite du fait de maladies ou de parasites, enracinement insuffisamment développé). On parle alors d'évapotranspiration réelle (E.T.R) qui sera toujours inférieure à l'E.T.M. et qui correspondra aux prélèvements réels en eau de la plante.
Le bilan hydrique correspond donc à ôter de la réserve utile l’ETM. Dès que 60 % de la réserve utile est consommée, la plante commence à diminuer son rendement car elle a plus de difficulté à s’approvisionner en eau. C’est au plus tard à ce stade que doit se déclencher l’irrigation.


Les particularités de l’ACS

En ACS, il existe un mulch de surface qui peut capter une partie de l’eau de pluie. On peut considérer qu’une pluie de moins de 10 mm sur 2 jours consécutifs n’a aucun impact sur la réserve utile du sol ; il ne faut donc pas la comptabiliser. Ceci peut être complété par une observation terrain car cette quantité peut varier suivant l’épaisseur du mulch. Une pluie efficace est appelée ainsi si elle excède au moins 10 à 15 mm.
D’autre part, le fait d’avoir un sol toujours couvert et jamais travaillé va permettre d’obtenir une bien meilleure infiltration de l’eau. Cette eau privilégie d’abord la circulation via la microporosité du sol. En cas de forte pluie, elle passe alors dans la macroporosité (comme les galeries de vers de terre) où elle est rapidement évacuée en profondeur : le passage par la macroporosité ne concernerait qu’environ 20 % des précipitations de l’année. L’avantage de l’ACS est que, comme la micro et la macroporosité sont connectées grâce à tous les microorganismes du sol, la circulation de l’eau est vraiment optimisée et bien valorisée par les racines.



Concernant la réserve utile, l’augmentation du taux de matière organique permet de l’accroitre. En ACS, les pratiques (non travail du sol, couverture des sols) et la gestion des matières organiques représentent des leviers importants pour améliorer la RU d’un sol. Il existe très peu d’études sur la RU dans des systèmes ACS bien maitrisés mais on sait que l’humus a un pouvoir de rétention en eau important car il peut retenir jusqu’à 5 à 6 fois son poids en eau. Cette RU peut aussi être augmentée grâce à un meilleure enracinement et l’interaction avec les champignons mycorhiziens a également un rôle dans cette meilleure exploration racinaire : on entend ainsi régulièrement les agriculteurs dire que les maïs restent plus verts en automne que chez leur voisin en travail du sol : c’est bien que la plante arrive à capter davantage d’eau pour finir son cycle végétatif. Un autre indicateur provient de l’expérience des agriculteurs qui disent qu’après une dizaine d’années en ACS, ils apportent 1 à 2 tours d’eau de moins qu’auparavant pour des rendements équivalents voire supérieurs.
Il existe encore d’autres connaissances à acquérir pour optimiser la valorisation de l’eau en ACS : l’APAD Perche commence à y travailler et d’autres APAD ont des projets avec des sondes capacitives. Les témoignages qui suivent permettent également de découvrir des gestions bien différentes de l’eau suivant les objectifs de l’agriculteur et son contexte pédoclimatique.



Expérimentation : Mise en place de sondes à l’APAD Perche

Afin d’essayer de mieux caractériser la dynamique de l’eau sur des parcelles en ACS, l’APAD Perche s’est doté en 2021 de deux sondes capacitives SENTEK, qui mesurent l’humidité du sol (en mm) par des capteurs tous les 10cm, sur 60cm. Ces sondes, utilisés en temps normal pour le suivi de l’irrigation, ont été installées dans la parcelle d’un agriculteur du réseau APAD, dans le cadre d’un contrat avec le Syndicat de Bassin Versant Huisne Sarthe (SBVHS), pour évaluer le ruissèlement sur une parcelle à forte sensibilité érosive (Pente moyenne supérieure à 10%, sol sableux).

Figure 1 : Position des sondes dans la parcelle et profil altimétrique


Les sondes ont été placée sur la parcelle en juin 2021, après le semis du maïs (précèdent maïs, avec couvert de féverole en interculture).
La première a été placée sur un point bas de la parcelle, et l’autre sur un point haut, à 200m d’écart. L’objectif était d’étudier si, en cas d’orage ou d’irrigation, les quantités d’eau apportées étaient les mêmes sur le point haut que sur le point bas, afin de déceler un potentiel ruissèlement.
La mesure de l’humidité capteur par capteur (tous les 10cm) permet aussi de voir l’infiltration de l’eau le long du profil.



L’été humide a malheureusement limité la qualité des résultats obtenus. En effet, même s’il a plu régulièrement au cours de cet été, aucun évènement pluvieux n’a été assez important pour être valorisé : Les précipitations étaient arrêtées par la végétation, et le peu arrivant jusqu’au sondes ne permettaient pas de statuer sur un potentiel ruissèlement.
Seul un orage au 09/09 a apporté des informations exploitables :
Cet orage a eu lieu de 16h à 23h, en trois abats d’eau, comme on peut le voir par ces 3 pics (graphiques ci-contre).
Au total, on relève une pluviométrie de 55mm sur la sonde du bas, 94 mm sur la sonde du haut, et 45mm sur le pluviomètre à 200m des sondes.
Les précipitations ont donc été très localisés et il est difficile de conclure sur un phénomène de ruissellement avec de tels résultats.


Graphiques représentant les cumuls d'humidité sur chaque sonde, le 09/09/21


Les courbes d’humidité aux différentes profondeurs permettent de voir une bonne infiltration sur le profil de chaque sonde : chaque capteur réagit presque instantanément à chaque pluie (Graphiques ci-dessous). Ces graphiques éloignent donc l’hypothèse d’un ruissèlement sur la parcelle, car la porosité du sol permet une très bonne descente de l’eau.



Suite à cette première campagne de suivi, le même suivi a été réalisé, en hiver cette fois. Les sondes seront ensuite utilisées pour comparer système conventionnel et système ACS dans une culture de printemps.


Témoignage d’Emmanuel Boblet, agriculteur à Torcé en Vallée (72), en ACS depuis 2004

Je cultive 65 hectares de terres sableuses séchantes, irrigables à 90%, par enrouleurs. Les prélèvements d’eau se font par forages, où j’ai une capacité maximum de pompage par an, jamais dépassée à ce jour. Cependant, avec ces dernières années de déficit hydrique, il commence à y avoir des restrictions. Depuis quelques années, 2 leviers me permettent de diminuer ma consommation d’eau :

Figure 1 : Levé du maïs en semis-direct


Avec l’amélioration du sol par l’ACS, notamment en termes de structure, je constate une meilleure efficience de l’eau, grâce à une meilleure exploration des racines. Les sondes capacitives que j’utilise pour suivre l’irrigation montre une exploration rapide des 60 premiers centimètres du sol. De plus, comme je ne travaille pas le sol pour l’implantation de mes cultures de printemps (maïs et tournesol), le sol ne s’assèche pas et cela me permet d’économiser un premier tour d’eau sur ces cultures : Mes voisins en système conventionnel doivent arroser leurs semis pour aider à la levée. Pendant ce temps, je peux consacrer mes équipements d’irrigation au blé, qui souffre aussi de la sécheresse à cette époque.

Le deuxième levier ayant permis une baisse de l’utilisation de l’eau sur ma ferme est l’utilisation de sondes capacitives. J’en utilise 2 depuis 4 ans. Dans mes sols très séchants, ces outils sont devenus indispensables pour piloter au mieux l’irrigation. Comme chaque outil, il faut savoir utiliser les sondes correctement : les positionner dans un endroit représentatif permet d’être au plus proche des réels besoins des cultures. Grâce aux sondes, je démarre l’irrigation 8 à 10 jours après mes voisins, ce qui me fait économiser un tour d’eau.

Grâce à ces deux leviers, je fais 3 tours d’eau en moins dans la campagne. En moyenne, je fais 3 tours d’eau de 30mm sur le maïs et le tournesol, et 2 de 30mm sur le blé. Ces apports sont déclenchés principalement grâce aux sondes.


Figure 2 : Sonde capacitive

Sur des années « normales », j’ai tendance à déclencher un peu avant que mes voisins sur maïs, pour sécuriser l’enracinement, et stopper plus tôt en fin de cycle. Concernant les fins de cycle d’irrigation, les derniers apports se fond quand le capitule tourne au jaune pour le tournesol, à 50% du grain humide pour le maïs, et au stade laiteux-pâteux pour le blé. Pour éviter les maladies, il ne faut surtout pas arroser au stade floraison !

Témoignage de Jacky Berland, agriculteur à St Martin de Fraigneau (85), en ACS depuis 2002

L’eau provient d’une réserve de substitution gérée par le syndicat mixte du marais poitevin. Mon forage historique sert à remplir la bassine. J’ai un quota de 90 000 m3 pour 53 Ha irrigables. Le coût rendu bouche d’irrigation est de 13.5 centimes le m3.
Même si l’eau provient de la réserve, on peut avoir des restrictions car on a un fonctionnement solidaire : si ceux qui irriguent avec un forage ont des restrictions, nous aurons les mêmes car les réserves ne substituent que 50% des prélèvements autorisés sur le bassin alors que tout le monde paie.


Je me suis équipé d’une rampe d’irrigation qui a le même débit horaire que mon ancien canon enrouleur mais la répartition est bien meilleure, le vent a moins d’impact et la gestion des bouts est plus régulière. J’ai 14 positions à 2 par jour donc je fais le tour en 7 jours.
Je suis souvent le premier et le dernier à arroser. En effet, sur mes terres en argilo-calcaire superficiel, je commence par arroser les cultures d’hiver (pois, orge, blé) en moyenne 2 fois à 25 mm. Puis vient le maïs : j’apporte entre 20 et 25 mm par passage (aux stades les plus sensibles (floraison femelle par exemple). S’il y a des restrictions, je baisse la quantité apportée à 15 – 18 mm : c’est le minimum pour avoir une pluie efficace. J’apporte donc au total 1500 à 1800 m3 pour le maïs. C’est moins que la plupart de mes voisins car je veux avoir de l’eau pour irriguer mes doubles cultures : chaque m3 apporté doit avoir la meilleure efficience possible donc produire le maximum de biomasse. Ces doubles cultures sont un choix agronomique et économique car je produis 6 cultures en 3 ans et l’irrigation est indispensable pour obtenir un rendement correct.
L’ACS a ces 2 avantages : 1) une meilleure valorisation de l’eau car elle pénètre bien et l’enracinement est performant et 2) la possibilité de faire des doubles cultures donc d’optimiser l’énergie solaire pour faire de la photosynthèse.

Témoignage de Guillaume Joubert, agriculteur à Vinon sur Verdon (83), en ACS depuis 2010

L’eau que j’utilise provient du canal de Provence qui a été construit dans les années 50 pour irriguer toute la Provence et produire de l’électricité. Un remembrement a également eu lieu pour obtenir des parcelles bien adaptée à l’irrigation. Les restrictions sont exceptionnelles et on peut en général utiliser toute l’eau qui nous est allouée. L’eau me coûte 12 centimes le m3 rendu bouche d’irrigation.
Comme j’irrigue beaucoup, j’ai fait le choix d’avoir un enrouleur par position : ça me permet de gagner du temps car j’ai juste à tirer le canon pour le mettre en route. J’ai donc acheté des enrouleurs d’occasion : ça me coûte moins cher à l’achat mais, en contrepartie, ils demandent plus de surveillance et de petites réparations.


J’ai souvent 7 à 8 appareils qui tournent en même temps ce qui représente environ 5 heures de travail par jour. J’apporte 25 à 30 mm par passage pour arroser de 20 heures à midi maximum : je n’arrose jamais l’après-midi à cause du vent et de la très forte évaporation. L’ACS permet à mes cultures de bien supporter les intervalles d’irrigation de 5 à 7 jours alors qu’avant, en travail du sol, elles souffraient 3 jours après l’irrigation. Au total, j’apporte donc entre 2500 et 4000 m3 / Ha sur mes cultures de printemps, ce qui est bien moins que mes voisins qui sont plutôt autour de 6000 m3.
J’arrose également le soja avec 4000 m3 en moyenne. Pour les cultures d’hiver, l’irrigation est quasiment systématique de mi – avril à début juin avec 3 à 7 passages d’irrigation suivant les pluies du printemps.
Au final, l’irrigation est indispensable dans notre secteur, même en ACS. En effet, les cultures de printemps me permettent d’avoir des rotations performantes agronomiquement et sur la gestion des adventices. Par contre, il faut être conscient que c’est un coût très important (600 € / Ha) et beaucoup de travail d’avril à septembre. Peut-être qu’à l’avenir je ferai davantage d’orge d’hiver suivie d’un sorgho en double culture qui demande moins d’eau qu’un maïs : c’est une piste de réflexion pour diminuer coût et astreinte horaire.




Témoignage de Lionel Alletto, directeur de recherche à l’UMR AGIR – Agroécologie, innovations et territoires au Centre INRAE Occitanie-Toulouse 



L’Unité Mixte de Recherche AGIR a coordonné le programme de recherche BAG’AGES (Bassin Adour-Garonne : quelles performances des pratiques AGroécologiquES) à visée opérationnelle de 2016 à 2021. Ce programme multi-partenarial, commandité par l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et articulé autour de trois groupes de tâches scientifiques et techniques avait pour objectif de déterminer si les pratiques agroécologiques étaient en mesure de mieux gérer les flux d’eau et d’améliorer la qualité de l’eau, en permettant une rentabilité économique comparable, voire meilleure, à celle obtenue avec des pratiques conventionnelles. Le volet expérimental du projet a permis d’acquérir des références dans le cadre de systèmes en agriculture de conservation aboutis (certaines parcelles étaient en ACS depuis une vingtaine d’années). De nombreuses mesures permettant de caractériser des processus tels que la partition infiltration-ruissellement, le stockage de l’eau ou encore le fonctionnement biologique à l’échelle de la parcelle agricole ont été réalisées sur 15 parcelles. Quatre enseignements sont à tirer des principaux résultats scientifiques de ce projet.


Capacités d’infiltration de l’eau accrue et plus stable dans le temps


Sur certaines parcelles en ACS, les capacités de rétention en eau augmentent de l’ordre de 8 à 15% (soit 1 à 1,5 jours d’ETP) comparativement à des parcelles en travail du sol. Ce résultat est toutefois dépendant du type de sol, puisqu’en effet cette augmentation n’est pas significative sur des sols à forts potentiels. En parallèle de cette augmentation du réservoir utilisable, les capacités de rétention en eau dans les sols en ACS ont une plus grande stabilité temporelle tandis qu’en sols travaillés, elles sont élevées après l’opération de labour mais tendent à s’effondrer rapidement ensuite. Il a été observé une discontinuité hydraulique en profondeur dans ces derniers ainsi que des écoulements de subsurface sur différents types de sol, y compris en terres noires humifères du Béarn, en cas de fortes pluies qui n’ont pas été observés en sols non travaillés.



Fonctionnement hydrique sensiblement amélioré par un couplage carbone


Les couverts végétaux sont un levier majeur pour stocker du carbone dans les sols bien que cet effet soit plus faible dans le cas de sols déjà riches en matières organiques (terres humifères du Béarn). L’augmentation des teneurs en matières organiques des sols améliore le fonctionnement hydrique des sols en ACS (en contribuant à la stabilité des propriétés physiques, à la rétention d’eau et au fonctionnement biologique des sols) et leur permet ainsi d’être plus résilients au changement climatique.


Augmentation de la diversité et de l’abondance des populations de mycorhizes


L’absence de travail profond du sol augmente la diversité et l’abondance des populations de mycorhizes dans le sol mais également dans les plantes (maïs de même variété). La pratique du labour diminue l’abondance des espèces de champignons mycorhizien à arbuscules (CMA) sauf pour certaines espèces (ex. Rhizophagus) qui arrive à se maintenir en profondeur.
La présence de CMA permet une meilleure alimentation en eau et en éléments nutritifs des plantes. En effet il a été mesuré un niveau plus élevé de phosphore dans les plantes de parcelles en ACS malgré une fertilisation plus faible.


Pour en savoir plus : BAG’AGES, Bassin Adour-Garonne, : Quelles performances des pratiques Agroécologiques?, INRAE, https://rmt-agroforesteries.fr/projets/bagages/
Interview de Lionel Alletto, 22 novembre 2021 - Projet Bag'ages : « Il fallait objectiver les effets de plusieurs pratiques agroécologiques », Revue Actu Environnement. https://www.actu-environnement.com/ae/news/projet-bagages-objectiver-effets-pratiques-agroecologie-38577.php4#xtor=ES-6




Article écrit par le comité technique de l’APAD.
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comite.technique.apad@gmail.com