L'INSTANT TECHNIQUE


Publié le 03/02/2021 Télécharger la version pdf



Le semis du colza

​​

 

Cette partie technique de l’infolettre est réalisée pour mettre en évidence les spécificités d’un semis en direct sans aucun travail du sol.  Il ne reprend donc pas les caractéristiques habituelles d’un semis réussi tel que la densité, la profondeur, les désherbages, les ravageurs, etc.  Ces informations peuvent se retrouver dans de nombreux documents écrits par les groupes de développement et organismes de vulgarisation.  

Le colza concentre les points de vigilance que l’on peut rencontrer en ACS ; il est donc indispensable d’anticiper l’organisation du semis pour résoudre les problématiques potentiellement rencontrées : 

  1.  Une petite graine à positionner sous de la paille qui a peu évolué en précédent céréale : il ne faut pas que de la paille soit dans le sillon, au contact des semences sous peine d’une très mauvaise levée. La moissonneuse-batteuse doit obligatoirement être équipée d’un éparpilleur de menues-pailles.  Pour le semis, soit on utilise un semoir à dent qui va ôter toutes les pailles, légèrement minéralisé de la matière organique et obtenir une profondeur de semis régulière.  L’inconvénient principal étant la remontée des pierres.  Le semoir à disque fonctionne bien à condition qu’il y ait un chasse débris performant ou un disque ouvreur qui coupe bien la paille sans la plier dans le sillon.  Comme tout semis en direct, le roulage est toujours bénéfique.

  2. Une forte sensibilité aux problèmes de structure des 20 premiers centimètres du profil : le colza doit pouvoir installer un pivot d’au moins 5 cm de long, idéalement 15 cm : il est donc nécessaire d’avoir une bonne structure de sol de surface et donc une récolte du précédent sans tassement ; l’ancienneté en ACS est un plus avec la création du mulch de surface ;

  3. Des besoins en azote insatisfaits en raison de la décomposition des pailles et de la saison : les pailles, riches en carbone, mobilisent de l’azote pour se décomposer et la sécheresse estivale empêche la minéralisation de la MO.  En sachant aussi que les reliquats post récolte sont souvent très faibles car la maîtrise de la fertilisation azotée est de plus en plus forte.  Il est donc nécessaire d’apporter un starter (dans la limite de la réglementation) apportant, outre de l’azote, du phosphore et du soufre et de tout fertilisant permettant un développement satisfaisant avant l’entrée hiver.  Le colza est une plante exigeante en phosphore et soufre, il faut donc veiller à ce qu’il n’y ait aucune carence dans ces 2 éléments.  On sait que le semis direct a tendance à mobiliser ces éléments dans la MO donc il faut y être vigilant.

  4. Du risque de rémanence de certains herbicides, en particulier les sulfonylurées (Attribut, Absolu Pro, Archipel, Biscoto, Monitor, Nirvana S, Pulsar 40) : date et dosage peuvent impacter très fortement la culture voire empêcher toute levée.

  5. La gestion des ravageurs en particulier les limaces qui se trouvent avec moins de prédateurs sous les pailles.  La mise en place de kit de comptage des limaces est conseillée.  Le roulage peut également les déranger en limitant les anfractuosités du sol.

Dans les lignes suivantes, nous relatons des expériences d’agriculteurs pour contourner des difficultés rencontrées ou pour adapter le semis à des contraintes particulières.
                

Témoignage de Jacky Berland (85) : « être opportuniste »


J’ai choisi une solution pour sécuriser la réussite du colza en ACS en argilo-calcaire vis-à-vis de la sécheresse et des limaces. Je sème avec un semoir à dents à 25cm le plus tôt possible, de 20 Juillet à 15 Août un mélange d’espèces compagnes (fenugrec, lin, trèfle violet selon ce que j’ai sous la main) avec du colza ligné (ES MAMBO) ou colza hybride de resemis à 3kg/ha. J’ai adopté le principe de semer quand je suis sûr que ça va lever, donc soit la veille d’une pluie sure ou sous la pluie et maximum le lendemain. Ça peut donc être le 12 Aout voire le 26 Juillet (dates déjà effectuées). Puis j’attends le résultat. S’il y a mauvaise levée de colza dû, soit à la sécheresse ou aux limaces, je ressème avec un hybride performant avec un semoir en ligne (NG+) à 25grains/m2, avec protection limace sur et dans la ligne de semis, à 75cm d’écartement. Donc il n’y a qu’un seul coût semence, et si tout va bien à la première levée ça ne fait pas cher de semence. Puis, il y a épandage lisier de porcs mi-septembre et désherbage quand la parcelle est opérationnelle pour aller au bout.                                                       

Témoignage d’Hervé Mauduit (37) : « toujours roulé derrière le semis »


Je récolte le précédent le plus haut possible pour laisser le maximum de paille sur pied. Avec un semoir à disques, il faut éviter d’avoir une épaisseur de paille au sol pour faciliter la pénétration du disque et avoir un minimum de paille dans le sillon.  Après le passage du semoir et des rouleaux, une grande partie des chaumes se retrouve au sol.  Après application d’un désherbant total si nécessaire, je sème le colza associé avec plusieurs espèces, le tout dans sur la même ligne car la synergie entre le colza et les plantes compagnes se fait par les racines : 4 à 5 kg de semences de ferme en mélange de lignée et d’hybride - 100 kg de féveroles - 10 kg de fenugrec - 10 kg de lentilles - 5 kg de luzerne ou trèfle ou mélange pour, potentiellement les garder.  Je mets 50 l de 14/48 ou 70 kg de 18/46 puis roulage (obligatoire).  En désherbage, un anti-graminée foliaire si nécessaire selon la densité des repousses ou des levées de graminées qui peuvent concurrencer le colza avant l’hiver ; un anti-graminée + anti-dicot pendant l’hiver.  Pour la fertilisation, engrais et oligoéléments en conduite classique avec 130 à 150 unités d’azote selon la pesée du colza avec du bore et du molybdène.  Un seul fongicide et aucun insecticide ou cas extrême.  Le semis se fait à partir du 1er Aout suivant la pluie annoncée, environ trois semaines avant les dates préconisées. Cela permet un meilleur démarrage et il y a moins de problèmes avec les limaces et les altises.                                                                                                   

Témoignage de Mathieu Baudouin (79) : « Je fais pâturer les colza »

 
Eleveur de brebis de plein air, Mathieu pratique le pâturage tournant dynamique en valorisant également ses couverts.  Il a décidé cette année de tester le pâturage d’un mélange colza – blé – Fenugrec.  « Je vais semer 4 à 5 kg de colza avec 150 kg de blé et 10 kg environ de fenugrec vers la fin juillet.  Comme on est tôt en saison, je vais faire pâturer ce mélange après avoir fini les parcelles du marais donc à partir d’octobre ou novembre suivant le stade.  Il y aura 250 brebis sur 1 hectare que je bougerais tous les jours.  Le passage des brebis va permettre un bon rappuyage et un meilleur tallage des plantes.  Je ne prends pas de risque car si une des espèces disparait, j’aurai l’autre, si les 2 ne sont pas satisfaisantes, je considèrerais cela comme un couvert.  Mais l’objectif est bien de récolter le colza et le blé et de faire trier l’ensemble à mon voisin. »

​Mathieu nous donnera régulièrement des nouvelles de sa pratique.                                                                        

Témoignage de Martial Boulay (41) : « toujours semer tôt »

                            
Le plus important pour moi c’est un semis précoce dès la fin juillet ou les premiers jours d’août.  Je sème dans le sec et ainsi, la première goutte de pluie est valorisée.  A cette période, il n’y a quasiment aucune limace et je n’ai pas de problème avec les insectes d’automne car mon colza se développe vite.  Je ne mets pas d’engrais starter mais j’enrobe la semence avec un complexe minéral qui nourrit et attire l’humidité.  Je moissonne haut et le semoir à disque ne met pas trop de paille dans la ligne de semis.  Mon colza est semé à 5 kg quand il fait vraiment sec et 4 kg si c’est plus humide.  Je l’associe avec de la féverole à 60 kg, du sarrasin à 7kg, du lin à 3 kg et de la lentille à 9 kg.  A part la féverole, les autres plantes sont basses ce qui évite une élongation du colza et elles disparaissent avant l’hiver.  La féverole est détruite par le gel ou chimiquement. Ca fait 4 ans que je pratique cet itinéraire d’implantation et je n’ai jamais été déçu des rendements obtenus.       


Sur la culture du colza associé, vous pouvez également retrouver le témoignage vidéo de Philippe Ambrois de l’APAD en suivant ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=6R8vmU7ywDQ&t=20s

Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com