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Publié le 21/05/2024Télécharger la version pdf





Les matériels agricoles en Agriculture de Conservation des Sols.



L’un des 3 grands piliers de l’Agriculture de Conservation des Sols est l’arrêt du travail du sol. En plus de la préservation de la vie biologique du sol, ce pilier impacte directement les charges de mécanisation de l’exploitation. Adieu charrues, herses ou autres déchaumeurs, le semoir est le seul outil en contact avec le sol…

  Enfin, pas tout à fait ! Si les outils « classiques » de travail du sol sont proscrits, d’autres matériels peuvent être utilisés, notamment dans la gestion des couverts, des adventices ou même des ravageurs. Cet Instant Technique a pour but de faire un tour d’horizon sur les matériels utilisés par les agriculteurs en ACS, et surtout, dans quel but ils sont utilisés.





1.    Pour la gestion des couverts : les rouleaux



1: Rouleau hacheur Horsh (photo : APAD Centre-Atlantique)

Le rouleau est un outil plébiscité en ACS. Il peut être utilisé avant et/ou après le semis : Avant, pour coucher, affaiblir voire détruire le couvert végétal. Dans ce cas, les rouleaux « hacheurs » ou « écraseurs » sont privilégiés. Il en existe de multiples variantes, avec plus ou moins de performances selon les conditions et les végétaux présents. 
Les rouleaux « hacheurs » sont plutôt légers et constitués de lames qui ont pour rôle de blesser la végétation sur leur passage. Les lames peuvent être positionnées droites (perpendiculaire à l’avancement) ou non (hélicoïdales comme sur le Horsh Cultro, ou en décalées comme sur l’Ecorouleau Bonnel). L’efficacité de ces rouleaux dépend principalement du nombre de lames, et de la vitesse d’avancement.


On trouve aussi des variantes, comme le rouleau de chez Bionalan, qui est constitué d’un rouleau sur lequel sont fixés des « couteaux », et dont la vitesse est démultipliée par un entrainement par chaine. 
Les rouleaux « écraseurs » sont des rouleaux lourds, de plus gros diamètre, qui peuvent être équipés de lames mais qui fonctionnent à des vitesses plus faibles, pour écraser la végétation. Ces rouleaux sont plus efficaces sur les tiges creuses (féverole, moutarde, phacélie) et la végétation développée. En période de gel, des rouleaux plus conventionnels comme les Cambridge ou les croskill peuvent être utilisés comme rouleaux écraseurs. 

2 : Rouleau Bionalant (phto : APAD Perche)


Après le semis, on utilise des outils de plombage ; rouleaux lisses, Cambridge, croskill et croskillettes pour garantir un bon contact terre-graine, surtout en conditions sèches. Par exemple, la réussite des semis de couverts d’été ou de colza est souvent améliorée par le passage d’un rouleau.




Interview de Mickaël GOZE, agriculteur à Saint Augustin (62), en ACS depuis 2017

Mickaël est en GAEC avec son père, sur une exploitation de 120 ha en polyculture-élevage de 105 bovins allaitants charolais et 40000 volailles. Son assolement se compose de colza, blé, maïs, lin fibre et de cultures industrielles (betterave et pois de conserve). Il fait aussi des méteils fourrage et de la luzerne pour l’alimentation des bovins.


3 : Rouleau Cambridge (APAD 62)

« Je possède 2 sortes de rouleaux : un rouleau Cambridge semi-porté de la marque Quivogne de 6.3 m, et un rouleau Faca porté de 6 m de la marque Grégoire Agri.

Concernant le rouleau Cambridge, je disposais d’un outil similaire en CUMA, mais le manque de disponibilité m’a poussé à l’achat de mon propre rouleau neuf début 2022. Je peux désormais m’en servir à ma guise et je roule pratiquement tous mes semis (sauf si le temps est trop humide), notamment les couverts, choses que je ne pouvais pas faire avant avec la CUMA. Ainsi, dans la demi-journée qui suit le semis (que j’effectue), mon père passe le rouleau.

​​​​​​​C’est très important pour améliorer le contact terre-graine, surtout quand il fait sec, cela améliore la levée des graines en permettant une meilleure capillarité. Additionné à la fertilisation de mes couverts par 5t de fumier de volaille lorsque ceux-ci font 10 cm de haut, le roulage après semis est gage de couverts bien implantés. ​​​​​​​


​​​​​​​J’utilise également le rouleau Cambridge pour rouler mes semis de blé. Une fois, j’ai semé des blés à la volée tardivement derrière un maïs et une betterave, sans rouler. L’implantation a été mauvaise là où il n’y avait pas les passages de roues du tracteur. Il m’arrive parfois de détourner son usage pour la destruction des couverts, lorsque ceux-ci sont trop petits pour que le rouleau Faca soit efficace. »

4 : Rouleau FACA

J’ai acheté mon rouleau Faca d’occasion en 2019. Il s’agit d’un modèle simple, l’un des 1ers fabriqués, lisse avec ajout de lames par soudure, car initialement je ne pensais pas m’en servir beaucoup.

Au final, cet outil est primordial pour la destruction de mes couverts. Au début, je pensais que je pourrais m’en servir pour détruire toutes les espèces, mais je constate que ce n’est pas efficace sur tout. Je me fie à la hauteur des couverts, plus qu’à leur stade pour savoir si le rouleau sera efficace : les crucifères seront détruites, quelle que soit leur hauteur, ainsi que les graminées qui font plus de 60 cm de haut, car le rouleau va les écraser et les couper à plusieurs endroits.

En revanche, les « petites graminées » ou les couverts de petite taille comme le trèfle ou la luzerne résistent à ce mode de destruction, et je les retrouve ensuite dans la culture suivante. Je dois donc adopter d’autres stratégies : sur des avoines de moins de 60 cm, je loue occasionnellement un broyeur à la CUMA et j’utilise du glyphosate. Pour le trèfle et la luzerne, je limite leur développement dans le blé grâce à 4g d’Allié, puis je valorise par opportunisme grâce à une coupe après la moisson du blé. Quoi qu’il arrive, j’utilise 1L de glyphosate car je suis confronté à un problème de vulpins résistants.


J’ai 2 types d’interculture : une interculture courte derrière lin ou pois et avant blé, et une interculture longue avant betterave ou maïs. Sur l’interculture courte, je sème le blé dans le couvert vivant, que je roule le même jour (si le couvert est trop court, je roule avec le rouleau Cambridge), puis j’applique un herbicide. Pour les intercultures longues, avant pois et betterave, je roule mes couverts début février, soit 1.5 mois avant semis afin qu’ils soient complètement dégradés le jour des semis en TCS (pour éviter d’être gêné par les débris végétaux). Je faisais pareil pour le lin fibre de printemps jusqu’en 2023 (le couvert en place avant lin est la phacélie pure), puis j’ai changé mes pratiques : l’an dernier j’ai semé du lin d’hiver dans la phacélie non roulée, et le simple passage du semoir a suffi pour la détruire. Pour ce qui est du maïs, il y a 2 ans j’ai roulé le couvert de seigle seulement 15 jours avant le semis, et je ne sais pas si c’est une coïncidence mais j’ai eu des attaques de limaces (ce qui est rare chez moi) : est-ce parce qu’elles ont été attirées par le seigle en décomposition et qu’elles ont ensuite attaqué le maïs ? Dans tous les cas, j’ai du tout ressemer, et désormais, soit je détruis 1.5 mois avant, soit après semis. J’envisage d’améliorer le rouleau Faca car ce dernier est en 3 parties et laisse des lignes de couverts entre chaque partie : je souhaite ajouter des diviseurs que j’aurai auto-construit pour contrer ce problème.




2.   Pour disperser les résidus et impacter les ravageurs : la herse à paille


La herse à paille fait partie des matériels qui se développent de plus en plus dans les fermes en ACS. En plus de préparer le passage du semoir en homogénéisant la répartition des résidus sur la parcelle et ainsi supprimer l’effet « cul de batteuse » qui provoque des faims d’azote, les utilisateurs y voient un intérêt dans la gestion des ravageurs. Le passage d’une herse à paille détruit les « chemins » de campagnols qui sont plus facilement à la merci des prédateurs, et détruit les œufs de limaces qui pourraient se trouver dans les pailles.



Interview de Diane MASURE, agricultrice à Polisy dans l’Aube, en ACS depuis 2012.

Diane est agricultrice sur une exploitation de 120 ha en grandes-cultures, au sud de l’Aube sur sol argilo-calcaire superficiel. Son assolement se compose de blé, cultures en multiplication de semences (fétuque, vesce), lentille, pois, chanvre, colza et orge opportuniste, le tout en ACS (sauf le chanvre qui est en TCS).


« Je possède plusieurs matériels que j’utilise dans mon système ACS : un broyeur, des rouleaux, une herse à paille et une herse étrille. Equipée d’un semoir à disque pour les semis, ces matériels me permettent de pouvoir semer en bonnes conditions dans toutes les situations, sans avoir à investir dans un semoir à dents.

5 : Broyeur à axe vertical

Le broyeur, de la marque Bomford, est à axe vertical (tri-wings de 4,6m) ; je m’en sers après semis des couverts au semoir à disque pour broyer les étoles de blé afin de créer un mulch en surface et d’exposer les campagnols à la régulation naturelle par les rapaces. Les conditions doivent être sèches pour une bonne utilisation. J’associe l’usage du broyeur à celui de ma herse à paille Magnum de 8m, car j’étale les pailles après broyage pour une meilleure levée des couverts et éviter les amas de paille favorisant les refuges de campagnols. L’atout de la herse à paille est sa vitesse de travail importante, mais elle doit être utilisée, comme le broyeur, par temps sec. Je me questionne quant à faire plusieurs passages de herse à paille afin de lutter contre les limaces, par destruction de leur habitat. 

Les contraintes sont le temps dont je dispose pour cette opération durant le chantier de récolte / semis des couverts, et la forte consommation de carburant due à l’usage du broyeur. J’envisage également d’utiliser le broyeur sur les cultures, comme outil de désherbage mécanique lorsque l’enherbement est trop important.»

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3.    Un outil polyvalent : le broyeur


L’utilisation d’un broyeur peut aussi être une solution de gestion des résidus ou des couverts sur une ferme en ACS. Même si les broyeurs à axe vertical (gyro-broyeurs) offrent un débit de chantier plus important, les broyeurs à axes horizontaux sont à privilégier, pour leur polyvalence et leur broyage plus fin.



Interview de Jérémy MANDIN, agriculteur aux Magnils-Reigniers (85), en ACS depuis 2008

Jérémy fait partie d’un GAEC de 4 associés avec 405 ha de SAU, dont 80 ha en prairie naturelle et 30 bovins allaitants de race limousine. Les principales cultures sont le maïs irrigué, blé tendre, blé dur, colza, lin et féverole.


6 : Broyeur Desvoys à axe horizontal

« La principale problématique d’enherbement sur la ferme concerne le ray-grass, qui peut se montrer résistant à plusieurs herbicides. Je constate même parfois une baisse d’efficacité des produits à base de glyphosate. Ces ray-grass ont un cycle pérenne, les mêmes pieds forment des touffes qui sont de plus en plus imposantes et se renforcent chaque année.

Parmi les outils de désherbage mécanique sans travail du sol, nous disposons d’un broyeur de végétaux Desvoys à axe horizontal de 3 m, acheté initialement d’occasion il y a plusieurs années pour broyer les cannes de maïs.

Aujourd’hui, la moissonneuse est équipée d’un dispositif de broyage, et nous nous servons occasionnellement du broyeur pour la destruction des couverts végétaux, lorsque ceux-ci sont très hauts et développés. Mon retour d’expérience sur l’efficacité sur graminées (et notamment la gestion des ray-grass) est peu positif. Nous essayons d’associer l’usage du broyeur à l’action du glyphosate : 24h après application, nous broyons les plantes devenues sensibles au glyphosate, pour espérer amplifier son action, mais ces essais ont été peu concluants. Nous disposons également d’un broyeur d’accotement de 2 m pour un broyage plus fin, mais son efficacité sur graminée n’est pas meilleure. Parfois sur certaines zones, il y a tellement de ray-grass dans le blé qu’il n’est pas possible de le mener jusqu’à la récolte, et nous préférons broyer le tout. Sur un autre usage, nous avons comparé sur 1 ha sur chaume de blé, l’effet de la faucheuse et du broyeur sur la répartition des pailles. La faucheuse forme des andains, ce qui n’est pas le but ; il vaut mieux lui préférer le broyeur dans ce cas.

Le GAEC possède également un rouleau Cambridge de 10.5 m et un rouleau hacheur Actisol de 6 m. Le 1er est utilisé pour rouler les semis, mais aussi parfois pour la destruction des couverts. Grâce à sa taille, je gagne du temps sur ce chantier. Comme le broyeur, le rouleau Actisol est efficace pour détruire les crucifères (navette, radis, repousses de colza), et nous l’additionnons toujours à une application de glyphosate mais cela reste peu efficace sur graminées. Il y a 2 modes : le mode peu agressif et le mode agressif, qui brasse beaucoup de terre et ne semble pas compatible avec les principes de l’ACS. La destruction des couverts a lieu en général entre le 20 mars et le 5 avril, pour des semis entre début avril et le 20 avril. A cette période, les ray-grass, l’avoine et le triticale des couverts ne sont pas suffisamment développés pour être sensibles pour une efficacité de l’Actisol. Le rouleau Horsch serait peut-être plus efficace. Il serait très intéressant de tester dans nos conditions l’usage de l’Orbis en inter-rang de maïs. »

Témoignage de Pascal Dormeau, Agriculteur à Unverre (28), en ACS depuis 7 ans.

Avec 3 autres agriculteurs de l’APAD Perche, nous avons acheté en aout 2021 une faucheuse-écimeuse frontale Séco Duplex de 9m. La réflexion autour de cet achat a commencé en 2020, suite à une formation avec Hubert Charpentier, qui disait faucher ses chaumes après la moisson pour favoriser les rapaces et lutter contre les mulots. Dans notre secteur, nous étions plusieurs à être parti dans la pratique des couverts permanents. La fauche des chaumes nous semblait donc pertinente pour lutter contre les mulots qui se plaisent dans ces couverts. Après plusieurs réunions et prises d’informations, nous nous sommes décidés à acheter une faucheuse-écimeuse frontale Seco Duplex, une marque Allemande. 

Cette faucheuse à scie est principalement utilisée en montagne pour la fauche du foin. 
En largeur de 9m, elle est composée de 3 éléments indépendants : une scie frontale et 2 scies latérales. Pour 53 000€ (dont 40% d’aides PCAE), nous l’avons pris toutes options : entrainement hydraulique pour l’adapter sur tous les tracteurs, dégagement des roues avec des scies verticales et des tambours, 2 jeux de sabots (6cm et 8cm), 3 jeux de scies, banc d’affutage… A 4 agriculteurs, la faucheuse peut servir sur 575ha. Cet outil est léger (1T) et peu énergivore (2 chevaux/mètre linéaire), c’est pour cela qu’on l’a préféré par rapport à un broyeur à axe vertical par exemple. L’inconvénient est que c’est un outil assez fragile, qui n’aime pas les pierres et les mottes. Il n’est pas adapté sur des sols travaillés par exemple. 
Au niveau utilisation, nous nous en servons principalement pour couper les chaumes de colza, ainsi que les adventices présentes après la moisson (laiterons, ray-grass…). Un de mes collègues a aussi faucher ses chaumes de blé, pour faciliter la prédation. Le débit de chantier est assez rapide : on avance à 8 -10km/h, avec 9m de large. Il faut par contre affuter les scies tous les 40ha pour avoir une bonne coupe. 

7 : Faucheuse SécoDuplexe

​​​​​​​La faucheuse a déjà servi en « pré-fauche » de sarrasin ou de trèfle, pour le faire sécher avant de le récolter : le dégagement des roues par les scies verticales et les tambours permet de ne pas perdre de récolte, et les sabots de réglage permettent de garder 8cm de chaumes sous la culture fauchée, pour qu’elle soit aérée et qu’elle sèche bien. Ce système de fauche permet une répartition homogène sur le sol et donc un séchage plus rapide. Nous pourrions aussi très bien nous en servir pour faucher de l’herbe pour faire du foin. 
Cet outil parait aussi pertinent pour semer des couverts d’été au semoir à disque : en récoltant le blé avec une coupe assez haute, on peut semer plus facilement dans les grands chaumes avec un semoir à disque (moins de risque de bourrage). Le passage de la faucheuse après le semis, voire d’un rouleau en plus, permet de bien recouvrir le semis, de faciliter la prédation et de bien répartir les résidus sur le sol. 
Enfin, ce type de faucheuse à scie pourrait nous servir d’écimeuse en culture, en cas d’invasion d’adventices plus hautes que les cultures (ray-grass, folle avoine…)
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4.    Vers une évolution du désherbage, le désherbage mécanique en culture


Grâce au développement des pratiques agro-écologiques, les constructeurs proposent aujourd’hui des matériels innovants, compatibles avec les 3 piliers de l’ACS, comme l’Orbis.



Interview de Denis VICENTINI, directeur de Roll’N’Sem, entreprise d’agroéquipement à Nérac dans le Lot-et-Garonne

La désherbeuse Orbis, développée et produite par la Société de Denis Vicentini Roll’N’Sem à Nérac, est un outil de désherbage doté de disques indépendants inclinés et orientés en opposition sur deux rangées. Ces disques roulent en ripant sur le sol sans toutefois le travailler, et ont ainsi une action de « lacération » sur les adventices, ce qui les affaiblit et les fait mourir. Il peut être utilisé pour détruire les couverts développés ou gérer les jeunes adventices, en plein ou en inter-rang, puisque chaque élément est amovible. L’Orbis est lauréat SIVAL de bronze au concours SIVAL innovation 2020.

Mécanicien de formation, Denis Vicentini a débuté son activité en 2007 avant de reprendre la Société Comin Industrie à Nérac en 2013, devenue aujourd’hui Roll’N’Sem. Il est également agriculteur (activité secondaire) en grandes cultures, sur une petite surface d’une quinzaine d’hectares sur lesquelles il teste de nombreuses pratiques (couverts végétaux, implantation, destruction…) en lien avec le développement des machines de sa société. « Cela me permet de comprendre beaucoup de choses sur la mise en œuvre des machines, et de l’Orbis notamment ». Il travaille également avec un groupe d’agriculteurs situés dans plusieurs départements du Sud-Ouest (Lot-et-Garonne, Gers, Tarn et Landes) qui l’aident dans sa réflexion de conception d’agroéquipements. Le désherbage est l’une des thématiques de travail, mais aussi la réduction du travail du sol, les couverts végétaux, l’augmentation du taux de matière organique, dans le but de limiter fortement le phénomène d’érosion et de perte de sol qui peuvent être observés sur les coteaux du Sud-Ouest, notamment après de fortes pluies. « Notre volonté est de changer les façons actuelles de faire de l’agriculture » témoigne Denis Vicentini. « Concevoir un bon outil, cela ne fait pas tout, il s’agit d’inclure ce levier mécanique dans une réflexion globale de conception de systèmes agricoles. Chaque agriculteur doit se trouver au centre de la reconception de son système ».

La conception de l’Orbis a débuté en 2015 par la construction d’un premier prototype de rouleau Faca inter-rang rigide monobloc, qui s’est montré efficace la 1ère année dans le désherbage, mais qui a vite montré ses limites l’année suivante du fait de l’échec de gestion du ray-grass. Ce rouleau monobloc ne pouvait pas donner une efficacité homogène sur des sols agricoles naturellement non plats. Ainsi est né en 2018 le rouleau Rolls (SIVAL d’argent en 2018), divisé en plusieurs roues dentées indépendantes de 5 cm de large permettant d’épouser les formes du sol. Il est efficace pour la destruction des gros couverts, mais la lutte contre les plantules est toujours limitée. L’idée du ripage est alors venue, afin de reproduire l’action des roues du tracteur lors des demi-tours en bout de champ. Après plusieurs prototypes sur rouleau, l’Orbis en 2 rangées de disques indépendants pouvant travailler en plein ou inter-rang a vu le jour, et la commercialisation a débuté en 2020 sur vigne, puis sur grandes cultures.

Concernant ses conditions d’utilisation, il faut compter plusieurs passages pour une efficacité optimale, selon les conditions météo, et ne pas hésiter à renouveler l’opération après une pluie ou un passage d’irrigation, car de nouvelles adventices pourraient se développer. « L’avantage est que cet outil ne travaille pas le sol, et c’est un point très important pour limiter l’érosion dans les secteurs à risque » souligne Denis Vicentini. « L’Orbis contribue aussi à réduire l’IFT herbicide, c’est dans ces 2 objectifs qu’il a été conçu ». Il permet de limiter le développement des adventices au printemps et en été ; par exemple le rumex ne peut pas grainer car il aura été stoppé dans son développement. Toutefois, l’efficacité dans la gestion sur certaines espèces est en cours de validation ; c’est le cas notamment du trèfle violet. Un essai semis de maïs dans un couvert de trèfle violet est en cours. Il ne semble pas y avoir de difficulté particulière dans la régulation la 1ère année, car le trèfle n’est pas encore assez bien implanté, mais sa gestion la 2ème année d’essai a été plus difficile du fait d’un meilleur enracinement. Dans les perspectives d’amélioration, le constructeur indique penser au guidage GPS + RTK pour améliorer la précision lors d’un usage en inter-rang, mais aussi à des solutions de gestion des adventices sur le rang. « Nous envisageons l’ajout de houes rotatives ou de herses étrilles à utiliser lorsque la culture sera suffisamment bien implantée pour éviter de l’impacter. Après cet ajout, il y aura donc un léger travail du sol sur le rang qui me semble acceptable pour continuer à limiter les phénomènes d’érosion ».

Interview de Guillaume RATZ, agriculteur à Castelnau-Montratier dans le Lot, en ACS depuis 2014


Guillaume est éleveur de vaches laitières (90 UGB) et possède 150 ha sur lesquelles il cultive entre autres du maïs irrigué, des méteils et de l’orge. En 2021, Guillaume intègre le projet Ecophyto SOLiflore qui a pour objectif de tester le rôle des couverts végétaux dans la gestion des adventices, et de comprendre s’ils peuvent représenter un levier de substitution au glyphosate en ACS. Pendant 3 saisons culturales, une parcelle en rotation méteil – maïs accueille une plateforme d’essai. La plateforme est divisée en 2, avec une partie conservée en maïs et l’autre partie accueillant différents couverts à comparer. C’est dans ce cadre que l’Orbis de Roll’N’Sem a pu être testé, en plein dans un premier temps lors des semis (maïs et couverts), et en inter-rang quelques semaines plus tard dans le maïs.

 


En 2022 et 2023, Guillaume a testé une machine de démonstration de 3 m dans la plateforme. « C’est un très bon outil pour le SDCV ! Sur la parcelle accueillant la plateforme, j’ai semé à l’automne 2021 mon méteil habituel composé de féverole 50 kg, pois 50kg, avoine 25 kg, vesce 10 kg, trèfle 5 kg, seigle forestier 10 kg. Je le fauche ensuite en mai de l’année suivante, effectue en temps normal un passage de glyphosate avant de semer le maïs. Pour Soliflore, je n’ai pas appliqué le glyphosate pour le semis du maïs et des couverts en mai 2022. Je n’ai pas non plus appliqué d’herbicides en culture cette année-ci. La problématique majeure de la parcelle est le picris fausse vipérine, très invasif. L’Orbis m’a permis de le gérer, ainsi que les repousses d’avoine du méteil dans mon maïs, qui étaient en train de prendre le dessus. 

7 : Passage en inter-rang de maïs en juin 2022, ayant permis
​​​​​​​de lutter contre les repousses d'avoine et le ray-grass

J’ai effectué plusieurs passages : 2 au semis en plein et 2 en inter-rang. Le résultat a été très satisfaisant. Si on veut qu’il soit efficace, cet outil doit être utilisé en plusieurs passages par temps sec à très sec, car sinon il peut vite bourrer et faire du moins bon travail. Je m’interroge également sur son efficacité sur des sols travaillés, moins portants et avec une terre plus meuble, d’où l’importance de l’utiliser sur sol sec. Je constate que l’Orbis détruit tout type d’adventice, les graminées comme les repousses d’avoine ou le ray-grass, et les dicotylédones. Quelques jours après le dernier passage en inter-rang de maïs en juillet 2022, il a plu et cela a malheureusement permis au picris fausse vipérine de repartir. 

En 2023, nous avons décidé avec les partenaires du projet d’associer l’usage de l’Orbis à un programme de désherbage sans glyphosate, d’autant que les conditions de 2023 s’annonçaient bien plus humides que celles de 2022, ce qui s’est ensuite confirmé. En mai 2023, le picris était très présent, et après fauche du méteil j’ai appliqué du 2-4 D avant les semis, puis passé l’Orbis en plein. Cette combinaison de levier a été décisive dans la gestion du picris. Par la suite en culture, il y avait moins de problème de repousses du méteil, car nous avions aussi décidé de remplacer l’avoine par un seigle fourrager et un triticale. Je suis au passage très satisfait de la biomasse produite par cette nouvelle composition du méteil. Le ray-grass en revanche était très présent et commençait à prendre le dessus sur le maïs car les semis avaient été faits sans glyphosate (c’était notamment le cas sur la plateforme de l’année d’avant qui avait été conservée en suivi pour 2023 et n’avait pas reçu de glyphosate depuis l’automne 2021). Deux passages d’Orbis en inter-rang, suivi par un désherbage à l’Elumis + Casper a permis de nettoyer la plateforme.

Ainsi, l’Orbis est un très bon outil de désherbage mécanique sans travail du sol lorsqu’il peut être utilisé dans les bonnes conditions météorologiques (temps sec pour éviter le bourrage et chaud pour rendre la plante sensible et éviter qu’elle repique). Il faut prévoir 2 à 3 passages sur la surface à désherber pour avoir une pleine efficacité et se passer totalement d’herbicides. La limite que j’y vois est le désherbage en inter-rang car la question de la gestion sur le rang se pose. L’enjeu est d’arriver à rapprocher les disques au plus près du rang du maïs, pour espérer que la culture prenne ensuite le dessus sur les adventices ; sans bien sûr que la machine « ripe » sur le rang. Plus la parcelle est droite et plate, plus vous êtes précis. L’autoguidage RTK me semble indispensable. Peut-être l’ajout de caméras et de l’IA améliorerait ce point faible, mais la question du coût se pose. Un stabilisateur hydraulique sur le tracteur en plus du disque sur la machine pourrait aider également, notamment en cas de dévers. Malheureusement il y a du dévers sur ma plateforme et je ne possède pas de RTK. Comme la surface à désherber était petite, nous avons fait au mieux, mais pour un usage agricole classique, hors essai, il me semble primordial de valider les points cités précédemment. Dans mon cas, j’ai ainsi laissé une marge de sécurité autour du rang de maïs, d’au minimum 10 cm de chaque côté. 20 cm de chaque côté serait plus confortable et moins risqué, ce qui amène à désherber 40 cm sur les 80 cm de l’inter-rang. Dans ce cas, on n’est plus dans une suppression des herbicides, mais dans une réduction de la surface à traiter de 50%, ce qui est déjà très bien !

8 : Passage d’Orbis en inter-rang


Mon retour d’expérience sur l’usage de l’Orbis dans le cadre de ce projet est très positif, mais pour le moment je n’envisage pas d’investir dans cet outil pour ma ferme, pour des questions de rentabilité. En effet, j’ai chaque année 35 ha de maïs, il me faudrait plus de 10 ans pour amortir l’achat. Le coût d’un programme herbicide à l’hectare est moins élevé, le débit de chantier pour l’Orbis est moins élevé, les charges de mécanisation sont plus élevées. Par contre si je devais passer en bio, la question de l’achat se poserait et serait pertinente. »


5.    D’autres matériels trouvent également leur place en ACS


D’autres outils peuvent aussi être « détournés » de leurs utilisations initiales pour trouver leur place dans des fermes en ACS, comme la herse étrille, chez Michel Capus.



Témoignage de Michel Capus, Agriculteur à Boussac (46), en ACS depuis plus de 20 ans

Je suis polyculteur-éleveur d’ovins viande et de broutards sur une surface de 70ha, dont 45ha de SAU, en blé, orge, luzerne, pois et prairies naturelles et artificielles. Le reste étant en landes et parcours pour les ovins. 


J’utilise la herse étrille en culture depuis une dizaine d’années, pour reproduire les pratiques des anciens : l’agression des feuilles par des sabots de bois augmentait le tallage des cultures. J’utilise la herse étrille dans ce but : passer en sortie d’hiver sur les céréales pour les faire taller, et désherber certaines adventices, par arrachage, notamment la véronique. Le créneau pour cette opération est court : il faut le faire sur une période de sec, après les gels, et surtout avant la pluie. La période propice est en général sur le mois de mars. Cette année, il n’y a pas eu le créneau pour passer la herse : les conditions étaient défavorables. Dans mon système, ACS et passage de herse étrille ne sont pas incompatibles : en passant au mois de mars, les résidus de couverts ou de précédents ont déjà été digérés par l’activité biologique et il n’y a pas d’effet « râteau ». La herse étrille me sert aussi dans les luzernes et les prairies comme outil de démoussage.


Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com











Tous les instants techniques :

1 - Le semis de colza
15/07/2020

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3 - Le semis des protéagineux
29/10/2020

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4 - Le campagnol des champs
26/11/2020

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5 - Innovation & ACS
23/12/2020

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6 - La fertilisation en ACS
03/02/2021

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7 - Les légumineuses alimentaires
12/03/2021

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8 - La culture du tournesol
14/04/2021

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9 - Les couverts d’été (partie 1)
19/05/2021

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10 - Les couverts d’été (partie 2)
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16/07/2021

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15/10/2021

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15/11/2021

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21/02/2022

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18 - Semis des prairies sous couvert en ACS
16/03/2022

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19 - Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique
14/04/2022

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20 - La gestion de l'eau
18/05/2022

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21 - La gestion du parasitisme en ACS
17/06/2022

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22 - L’innovation permanente en ACS et le lien aux animaux
19/07/2022

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23 - Analyser l’année culturale pour apprendre
22/09/2022

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24 - Introduire le lupin dans sa rotation
19/10/2022

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25 - Le miscanthus : une culture à découvrir !
22/11/2022

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26 - L’observation est la base d’un système ACS performant
21/12/2022

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27 - L'enherbement en ACS
20/01/2023

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28 - La fertilisation en ACS – résultats des essais menés par Arvalis
14/03/2023

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29 - La gestion des limaces en ACS
28/03/2023

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30 - Ouverture et fermeture du sillon pour les semis de printemps
12/04/2023

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31 - Améliorer le bilan carbone de sa ferme
22/05/2023

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32 - Le blé dans la rotation
21/06/2023

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33 - Réussir sa transition en Agriculture de Conservation des Sols (ACS)
25/07/2023

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34 - Les adventices en agriculture de conservation des sols
22/09/2023

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35 - Les couverts végétaux d’interculture et la gestion de l’enherbement
23/10/2023

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36 - Bilan de la campagne 2022 2023
17/11/2023

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37 - L’ACS pour un bon équilibre : « Si nos sols sont en bonne santé, nos vaches et nous aussi. »
20/12/2023

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38 - La gestion de la compaction en Agriculture de Conservation des Sols
19/01/2024

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39 - Retour sur la journée technique nationale
20/02/2024

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40 - Les couverts pluriannuels en Agriculture de Conservation des Sols
20/03/2024

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41 - S’adapter aux changements climatiques en grandes cultures
16/04/2024

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42 - Les matériels agricoles en Agriculture de Conservation des Sols
21/05/2024

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43 - Le colza, une culture bien adaptée à l’ACS
18/06/2024

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44 - Valoriser nos expériences pour rester autonomes dans nos décisions
28/08/2024

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45 - Construire un système bocager pour développer la biodiversité

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