Publié le 28/08/2024Télécharger la version pdf





Le colza, une culture bien adaptée à l’ACS





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Colza semé en direct (photo : S. Olivier)


L’instant technique de juillet 2020 traitait de la culture du colza en ACS.

Depuis 4 ans, les fondamentaux restent identiques mais cet instant technique a comme objectif de préciser certains points abordés en 2020 et apporter de nouvelles pratiques validées aujourd’hui grâce au travail d’agriculteurs chercheurs (et trouveurs !). Comme pour d’autres cultures conduites en ACS, ce sont les « petits » détails qui font la réussite donc autant mettre toutes les chances de son côté en les connaissant ! Merci à Stéphane Olivier et Géraud Dumont pour leur témoignage et à Anthony Rodrigues e Silva de la société Lidea pour son éclairage sur les recherches variétales.
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La dernière partie rend compte des comptages de limaces de ce printemps par les Limacapt.





1.    Vigilance sur la rémanence des herbicides


La spécificité de cette année très pluvieuse a pu entraîner des difficultés dans le désherbage des céréales d’hiver.  Certains désherbages ont eu lieu tard avec des molécules et des doses choisies pour venir à bout d’adventices déjà bien présentes et développées.  Pour rappel, certaines molécules ont de longues rémanences et peuvent donc empêcher la levée des couverts et cultures semés en été.  Même en ACS avec une vie biologique intense des sols, le risque de rémanence est réel.  Le tableau ci-dessous résume les durées de rémanence (les dates sont approximatives car la météo et la dose utilisée vont influencer la vitesse de dégradation) :


A proscrire avant semis d’été 

A proscrire après fin mars

A proscrire après mi-mai

Sans risque

Propoxycarbazone  Thifensulfuron
Sulfosulfuron

Mesosulfuron
Metsulfuron

Clopyralid
MCPA



Iodosulfuron
Pyroxsulam
Tribénuron
loquintocet
Fluroxypyr
Pinoxaden
Picolinafène
Florasulame

Attribut
Allié duo SX, Harmony SX
Monitor

Atlantis Pro, Archipel Duo, Kalenkoa
Allié star SX, Harmony M

Bofix, Chardex

Hussar Pro
Abak, Octogon
Prima Star
Axial Pratic, Celio, Pixxaro EC




2.    Bien répartir les pailles à la moisson 

Comme souvent en ACS, les recettes ne fonctionnent guère et chacun doit s’adapter à sa situation.  Laisser la paille au sol a des avantages et des inconvénients résumés dans le tableau ci-dessous (en étant bien sûr vigilant sur la qualité de la répartition qui doit être la plus homogène possible) :


Avantages

Inconvénients

Diminution de la température du sol par la faculté d’isolation de la paille

Refuge pour les limaces

Moindre évaporation

Si peu de quantité à chaque pluie, l’eau va rester dans la paille sans humecter le sol

Moindre lumière au sol et donc moindre germination des adventices

Si sol humide, la paille commence sa décomposition et consomme de l’azote.  Elle émet des jus acides si elle se trouve dans le sillon du nouveau semis.

Facilité de prédation des rongeurs par les rapaces

Altération éventuelle de la qualité du semis en fonction du semoir utilisé et de ses réglages.


En fonction du semoir utilisé, la gestion des pailles peut être différente.
Avec un semoir à disque, et en l’absence de rongeur type campagnol par exemple, il est préférable de moissonner haut pour éviter de gérer trop de paille au moment du semis.  En 2023 par exemple, les rendements en paille étaient élevés et le semis a pu être difficile d’autant plus dans les secteurs où l’humidité était régulière.   Après une récolte paille haute, il est possible de broyer la paille qui va alors avoir un rôle intéressant de paillage et donc de moindre évaporation de l’eau du sol.
Avec un semoir à dent, il peut y avoir un risque d’arrachage des pieds du précédent et, si les pailles sont hautes, un risque de bourrage plus important.  Dans ce cas, il peut être préférable de moissonner plus bas, éventuellement broyer pour diminuer la taille des brins et la dent devrait écarter suffisamment la paille pour éviter qu’elle se retrouve dans le sillon.
De plus, les menues pailles qui se retrouvent souvent derrière la batteuse vont également impacter la levée.  Comme expliqué dans l’instant technique de mai 2024, la herse à paille peut alors être une aide pour gérer ces menues pailles en les éparpillant suffisamment.  



3.    Semoir à dents, à disques, monograine, lequel choisir ? 

Il n’est pas possible ici de donner toutes les caractéristiques des semoirs mais, pour aider à la réflexion, voici les principaux avantages et inconvénients des semoirs à dents, à disques et à disques inclinés.  On peut cependant noter que, pour les semis d’été, les semoirs à dents donnent souvent de meilleurs résultats.


Semoir à dents

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

  • Crée beaucoup de terre fine qui canalise l’humidité
  • Provocation d’une petite minéralisation de la MO sur la raie de semis
  • Dégage très bien la ligne de semis
  • Bien adapté à des semis d’été
  • Bonne régularité de la profondeur de semis
  • Déplacement de terre : favorise la germination d’adventices
  • Remontée des cailloux
  • Semis difficile dans les couverts de plus d’un mètre
  • Risque de bourrage accru en conditions humides,
  • Risque d’engorgement de la ligne de semis (pourriture du grain) s’il pleut beaucoup après le semis
  • Problème de bourrage



Semoir à disques


AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

  • Bonne capacité de pénétration sauf en sol sec
  • Bonne maîtrise de la profondeur de semis
  • Semoir polyvalent pour la majorité des sols et conditions d’humidité
  • Vigilance sur l’usure du soc ou du coutre
  • Toute la pression est sur l’élément semeur donc vigilance en sols secs
  • Risque de paille dans le sillon si paille humide
  • Coût d’achat et d’entretien plus élevé que semoir à dents



Le semoir monograine est aussi intéressant grâce à la précision de la répartition mais impacte le salissement de l’interrang en particulier avec un espacement de 75 cm.  


Semoir à disques inclinés

AVANTAGES

INCONVÉNIENTS

  • Besoin de moins de traction car pénétration naturelle du sol
  • Pas de paille dans le sillon
  • Pas de problème de fermeture de la ligne de semis
  • Lissage possible donc le coléoptile sort en biais
  • Semis compliqué en sols avec pierres
  • Certaines marques manquent de robustesse
  • Matériel encore en cours d’évolution


Pour rappel également, et comme pour tout semis, le passage du rouleau après le semis est important pour faciliter le contact terre – graine et pour diminuer éventuellement les anfractuosités du sol par lesquelles les limaces peuvent facilement s’enfoncer dans le sol.




4.    Les hybrides ont une longueur d’avance 


Choisir une lignée ou un hybride est délicat.  Chacune a ses intérêts et inconvénients.  Outre la productivité, l’engouement pour les variétés hybrides s’explique par ce qu’on appelle « le mérite agronomique » avec notamment le classement selon la vigueur de départ, la vigueur d’automne, la sensibilité aux larves d’altises et la précocité de reprise en sortie d’hiver précisent Matthieu Loos et Michael Geloen de Terres Inovia.
 
Mais le surcoût de la semence en limite l’intérêt économique surtout en ACS où la prédation est plus forte.  Le risque est alors de ne plus avoir assez de pieds pour obtenir le rendement optimum.  En terre à gros potentiel et dans des zones où le colza donne habituellement de bons rendements, l’hybride a sa place.  Dans les situations à potentiels plus faibles avec plus de risques de prédation, la lignée permet de semer plus densément et donc d’accroître le peuplement.  Cependant, après la phase de transition vers l’ACS, les agriculteurs ont tendance à baisser la densité de semis et, ainsi, le surcoût de la semence hybride n’est plus forcément un frein.

Certains ACSistes mélangent les 2 types : difficile de se faire une idée car nous n’avons pas encore fait d’expérimentations en ce domaine au sein de notre réseau.  



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5.    La date de semis : faut-il vraiment anticiper ?


Du fait d’un développement souvent plus lent des plantes, certains agriculteurs ont tendance à vouloir semer plus tôt leurs cultures d’été et d’automne par rapport aux pratiques avec travail du sol. Ceci permet souvent d’atteindre l’hiver avec des plantes plus robustes. Il en est ainsi du colza avec des semis qui peuvent démarrer dès la fin juillet !  Est-ce que cette pratique est justifiée ?  Il est toujours difficile de prendre position car, comme dit plus haut, chaque situation est différente.

Les partisans de cette pratique citent principalement les avantages suivants : 

  • Profiter de l’humidité résiduelle du sol 
  • Diminuer le risque limace
  • Avoir des plantes bien développées avant l’arrivée des altises
  • Avoir des plantes vigoureuses à l’entrée de l’hiver
  • Une diminution du salissement d’autant plus important que les plantes compagnes se développent correctement.

Les risques de cette pratique étant que l’été soit très sec et que les colzas commencent à pousser lors de journées très chaudes et très longues : malgré leur résistance à la sécheresse, ils peuvent disparaitre.  Le risque d’élongation à cause d’une trop forte croissance : ce risque pouvant être diminué avec des variétés résistantes à cette élongation.

Finalement, semer aux dates habituelles (entre le 15 août et début septembre) garde son intérêt à condition d’avoir des plants robustes donc souvent de la fertilisation au semis comme nous le verrons ci-dessous.

Et, quelle que soit la date, il faut toujours privilégier de semer avant une pluie qu’après : la plante bénéficie alors de chaque mm tombé et le semis est souvent meilleur en sol sec qu’en sol humide.



6.    La profondeur de semis : 5 cm ! 


De nombreux résultats d’essais valident une profondeur de semis pouvant aller jusque 5 cm sans difficulté.  Pour les semis d’été, la biomasse produite augmente de 45 % en passant de 2.5 cm à 5 cm.  On gagne encore 15 % avec un semis à 7.5 cm vs 2.5 cm. A cette profondeur, seules les années humides sont pénalisantes avec un risque de pourriture de la graine Il ne faut donc pas hésiter à bien enfouir la graine d’autant plus quand le semis est précoce !

L’avantage du semis profond est de permettre aux jeunes racines de trouver plus rapidement l’humidité.  Inversement, si le sol est sec, la graine ne germera que si la quantité d’eau tombée est suffisante.  



7.    La fertilisation au semis : quasi systématique 


Une meilleure maîtrise des consommations d’azote par les cultures, une moindre minéralisation et un taux de matière organique en augmentation, entraînent une moindre disponibilité de l’azote surtout en été.  Il est donc indispensable (et ça c’est une certitude !) de fertiliser le colza soit par du minéral soit par de l’organique (avec un C/N faible).  En fonction des restrictions réglementaires locales, la quantité autorisée peut varier mais apporter une vingtaine d’unités d’azote et une quarantaine de phosphore donnent souvent de bons résultats.

A noter également que si les conditions sont favorables en automne et que le colza se développe rapidement, des carences en azote et en bore peuvent apparaitre.  Pour le bore, la carence est très répandue sous les climats très pluvieux favorisant le lessivage de l’acide borique dans les sols alcalins et argileux. A pH< 7, le bore est sous forme d’acide borique dans la solution du sol, la forme d’absorption dominante.  Il est possible d’apporter le bore en foliaire sous forme d’éthanolamine ; Même s’il pénètre bien, on peut privilégier l’octoborate qui entre encore mieux (vigilance cependant car le pH du produit est très alcalin ce qui peut impacter la bouillie s’il est mélangé à un autre produit : insecticide en particulier).


8.    Anticiper la gestion des limaces 


Les limaces sont très présentes depuis 2 – 3 ans et cette année les a encore favorisées.  Il est donc avéré que la pression sera encore forte au moment des semis de colza sauf si le temps sec dure tout l’été.  Cependant, les relevés que l’on effectue depuis 3 ans montrent que dès que l’humidité revient, les limaces ressortent avec un appétit d’autant plus fort que la sécheresse a duré.  Il est vraiment important de piéger pour connaître la pression et utiliser la solution chimique à bon escient.  Protéger la ligne de semis est nécessaire si les comptages montrent une pression modérée à forte car chaque limace peut manger 5 colzas par nuit au moment de la levée : les dégâts sont vite très importants !


9.    Gérer les insectes avec la stratégie push and pull 


Le push and pull est une stratégie de lutte qui combine un répulsif dans la culture concernée (ici le colza) et un attractif dans une parcelle proche. 

Terres Inovia, dans le cadre du projet R2D2 sur les plateaux de Bourgogne dans l'Yonne, a travaillé sur ce concept pour essayer de limiter les dégâts causés par les grosses altises.  L'idée étant de se servir des intercultures pour attirer les insectes en dehors des parcelles de colza et de semer le colza avec des plantes compagnes par exemple pour limiter son attractivité.  Il pourrait être possible aussi de développer des phéromones pour diminuer l’attractivité.
Dans les essais réalisés, la navette et le radis chinois apparaissent comme les espèces d'interculture les plus attractives pour les altises.  Par contre, pour la facilité de destruction, le radis chinois (au moins 20 pieds de radis chinois/m² pour jouer à plein son rôle d’attractivité) est à privilégier car plus facile à détruire que la navette.  A l'inverse la moutarde blanche et la cameline sont les moins attractives. Les résultats diffèrent selon les cas en ce qui concerne la moutarde brune et le colza fourrager. Retrouvez ci-dessous une synthèse des observations du projet R2D2 sur le sujet : 


 
(©Projet R2D2)


Cette stratégie fonctionne d’autant mieux que les colzas sont robustes au moment de l’arrivée des altises, comme on l’a dit plus haut. 


10.     Semer son colza avec des plantes compagnes (ou de service) 


Le 3ème pilier de l’ACS est basé sur la diversité des plantes cultivées.  Associer le colza a donc toute sa pertinence en système ACS car il permet divers services.  Citons par exemple :

  • La diminution des levées d’adventices et donc une moindre utilisation d’herbicide, 
  • La mise à disposition d’azote grâce à la restitution de l’azote par la destruction de légumineuses annuelles, 
  • L’amélioration de la structure du sol grâce à des racines diverses et mieux réparties,  
  • La diminution de la pression des grosses altises (effet perturbateur du couvert : cf ci-dessus avec la méthode Pull and push) 
  • La présence d’un couvert en hiver si le colza lève très mal. 

La technique de semis dépend du semoir utilisé pour le colza et de l’équipement du semoir.  Avec un semoir monograine, les PC seront semées séparément soit au Delimbe (plutôt pour les petites graines) soit au semoir « céréales » avec possibilité de semer à des profondeurs différentes.  Si le colza est semé avec un semoir « céréales », il est possible de tout semer en un passage en mélangeant les semences ou en les mettant dans des cuves séparées (voire encore mieux, avec 2 têtes de répartition).

A noter que pour les PC pérennes (trèfle blanc et violet, lotier et luzerne), semer à 5 cm de profondeur semble fortement impacter la levée contrairement à la majorité des PC annuelles.

Les nombreuses études menées sur les PC ne montrent pas d’impact sur le rendement à condition de bien gérer la densité (ne pas être dans l’excès à cause de la concurrence à l’eau et à la lumière) et les espèces si elles se développent trop rapidement en automne (caméline) et / ou si elles ne gèlent pas (cas de la phacélie ou du trèfle incarnat par exemple).  Il peut y avoir éventuellement un impact visuel en début de cycle mais qui est compensé durant l’hiver lors de la destruction des PC qui vont alors libérer l’azote qu’elles contiennent.  De plus, si la pression des adventices est trop forte, il faut privilégier la destruction des PC car la concurrence sera très impactante (cas du gaillet par exemple).  Si la pression arrive dès l’automne, possibilité d’utiliser du Noval et, plus tard en saison, Lontrel, Callisto ou Cent 7 (vérifier toujours sur les étiquettes les conditions d’utilisation).

Quant aux PC à privilégier, il semble que les pratiques vont vers plus de simplicité en ne mettant que 2 ou 3 espèces, plutôt à base de légumineuses annuelles et / ou pérennes.  Féverole, lentille et trèfle d’Alexandrie en annuel (en mélange, les doses seraient de 60 – 8 – 4) et lotier (10 kg) , luzerne (10 kg), trèfle blanc (3 kg) pour les pérennes.  Les effets sur les insectes (altises en particulier) ne sont pas directs mais plutôt dû au fait que le colza est moins visible, mélangé aux PC.  Les supposées odeurs répulsives de certains couverts ne sont pas avérées.


Témoignage de  Stéphane Olivier, agriculteur à Vitrac St Vincent (Charente) en ACS depuis 8 ans

La réflexion sur le semis du colza commence dès le mois d'avril avec les désherbages du blé : j'ai des problèmes d'ambroisie et je suis obligé de les traiter avec de l'Allier à 20 g sur tous les blés au plus tard le 10 avril. Je n'ai jamais eu de souci de rémanence de ce produit mais il faut être vigilant avec certaines autres matières actives. 
À la moisson je soigne le réglage pour avoir un bon broyage et répartition de la paille et des menue paille.  Eventuellement je passe une herse à paille : ceci permet une bonne conservation de la fraîcheur qui est homogène sur la parcelle. En fonction de la pression limace je mets 4 kg d'Iron max et, si besoin un glypho, pour gérer de l'ambroisie qui serait passée à travers le désherbage. 
Ensuite j’épands 2 à 3 tonnes de lisier de porc ou de fientes de poule, 10 t de déchets verts et deux à trois tonnes de carbonate de calcium.
 
Pour le semis, j'ai deux modalités différentes, soit le semis direct avec un semoir à double dent (Vaderstad SeedHawk ) soit le strip-till puis semoir monograine à 75 cm. 
Le déclenchement du semis en direct se fait en fonction de l'humidité du sol (en général entre fin juillet et le 15 août) : en sol limon sableux, je sème toujours après une pluie car, dans le sec, cela entraînerait beaucoup d'usure et la réalisation de mottes qui assèche trop vite le profil.  Par contre en sol plus argileux, je sème avant une pluie car si je le fait après, la perte d’humidité est trop importante.
Avec le colza, je sème des plantes compagnes : fenugrec (5 kg), sarrasin (4 kg), tournesol (500 g), lin (500 g) et féverole (70 - 80 kg).  Cette dernière est semée à 7 cm de profondeur avec la 1ère dent qui est celle qui pianote dans les zones dures et fait la terre fine car c'est une dent agressive.  Le reste est semé avec la 2ème dent à 5 cm avec une très bonne régularité de la profondeur de semis due à une distance faible entre la descente et le bout de la pointe carbure (15mm), et rigide par apport la roue qui assure un suivi du sol.  C’est sûrement cette profondeur qui fait que les légumineuses pérennes en association ne donnent pas de bons résultats chez moi.

Je monte la pression des roues de fermeture à 1,5 bar en condition sèche et je la diminue si le sol est plus humide.  Je passe de toute façon un rouleau après semis.  
Je ne mets pas de starter au semis depuis que j’utilise de l’organique car ça favorise trop le colza par rapport aux plantes compagnes et le coût est trop important face au bénéfice.
Grâce à l'amélioration des techniques de semis, j'ai pu baisser la dose de semences à 1,7 kg environ soit 34 grains par m² : à ce dosage ça me permet d'utiliser des variétés hybrides plus performantes que les lignées et pour un coût correct. 
Pour la modalité strip till : j’utilise une dent qui descend à 17 cm de profondeur ce qui permet de remonter de l'humidité sur le profil.  L’'avantage de cette technique est que ça dégage bien la ligne de semis en concentrant la paille dans l’interrang donc avec quasiment pas de levée d'adventices.  Je sème ensuite au monograine du colza hybride à 19 grains par mètre carré donc un pied environ tous les 7 cm ce qui est l’espace minimum nécessaire entre 2 pieds de colza. 

Modalité strip till à 75 cm

Dans ces conditions le colza se développe très rapidement et je ne sème donc pas avant mi-août jusqu'à début septembre.  Les inconvénients de cette technique sont que je passe plus de temps puisque j'ai besoin d’un passage supplémentaire, c'est plus onéreux en pièces d'usure et j'ai des problèmes de levée de sanves et ravenelles là où la dent passe.  Dernier inconvénient de taille, je ne peux pas ajouter de plantes compagnes ce qui peut entrainer plus d’attaques de petites altises avec la nécessité de traiter. 
Au niveau de la fertilisation, des colzas qui poussent très vite en automne doivent avoir suffisamment d’azote.  J’apporte également du bore dès l’automne à 300 - 400 g.  Je fais une analyse de sève avant l'hiver et au printemps pour vérifier le bon équilibre en oligo-éléments.  Quant au soufre, j'en apporte environ 100 unité pour 150 unités d'azote au total.

Témoignage de Géraud Dumont, agriculteur à à Grez-Doiceau en Belgique (à 40 kilomètres au sud-est de Bruxelles), adhérent de l’APAD Centre Est

Mon père a arrêté le labour il y a plus de 30 ans mais nous continuons à travailler le sol avec les cultures racines. Nous essayons au maximum d'être en agriculture de conservation des sols. Nos sols sont sablo-limoneux et sont sensibles aux problèmes de structures et de battance ; c'est une des raisons qui m'ont motivées pour travailler avec des légumineuses pérennes pour structurer les limons. 
Je sème le colza à 1,5 kg soit environ 35 grains/m2 fin août début septembre. C’est un mélange de trois variétés hybrides avec floraison étalée pour limiter les risques climatiques mais avec une maturité identique.  Je travaille comme cela car je suis content des résultats en faisant en moyenne 45 à 50 quintaux.  
Je le sème avec du trèfle blanc nain (2 kg) du Lotier (2 kg) et de la luzerne (2 kg).  Je sème mon colza et mes plantes compagnes en même temps et dans la même trémie à 8 kg par hectare. Je ne mets pas de fertilisation au semis pour favoriser le développement des légumineuses car, autrement, le colza prend le dessus et les légumineuses ne se développent pas bien, rendant la répartition hétérogène.


Jusqu'à cette année je n'avais pas trop de problèmes d'adventices donc j'étais assez light au niveau herbicide. Par contre, cette année, j'ai du laiteron dans ma parcelle et j'ai dû traiter au Lontrel ce qui a fait disparaître les légumineuses. Quand il y a une difficulté comme celle-ci, je n'hésite pas à faire sauter les légumineuses pérennes même si j'ai l'impression d'avoir perdu 50 € de semences. Ma priorité c'est la réussite du colza. 
En ce qui concerne la fertilisation je passe en deux à trois fois pour apporter 160 unités d'azote liquide. Je faisais des analyses de sève pour vérifier les équilibres en éléments fertilisants : en règle générale, j'ai des plantes assez équilibrées. J'apporte quand même du bore et du molybdène avec le thiosulfate. 


À l'avenir je vais enlever la luzerne du mélange car elle est plus complexe à gérer avec des moissons bien arrosées. Je travaillerai donc avec 2 kg de trèfle blanc et 4 kg de lotier. 
Une fois la récolte faite je passe un rouleau pour casser les cannes et faciliter la prédation des campagnols. En général je fais pâturer les légumineuses pures car il y a très peu de repousse de colza quand la couverture est homogène. Je sème ensuite en direct du blé après être passé avec 1,5 l de glyphosate. Je mets rarement de l'anti limace car je n'ai pas été embêté jusqu'à aujourd'hui (le pâturage doit sûrement jouer un rôle).  Je désherbe le blé avec des racinaires en post semis prélevé puis je détruis le trèfle blanc avec de l'Atlantis. Ça me permet d'avoir une libération d’azote pour la fin de cycle, j’évite la compétition pour l’eau et les nutriments du trèfle avec le blé et je ne garde donc que le lotier qui est régulé si besoin à 2 noeuds-dfe. 
Je peux éventuellement semer ensuite un deuxième blé directement dans ce lotier ce qui fait que je garde le lotier environ 3 ans.  En général je le détruis à ce moment-là pour permettre l’implantation des cultures de pois, lin, etc. En conclusion, je continue à travailler avec ces légumineuses pérennes car ce sont vraiment elles qui me permettent d'avoir une structuration racinaire intéressante dans des sols qui peuvent se prendre en masse facilement.
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Témoignage  d’Anthony Rodrigues e Silva, Responsable Développement Technique colza chez Lidea

​​​​​​​Nous travaillons actuellement sur trois critères principaux dans notre recherche variétale. 

Le premier critère est le rendement car c'est un besoin remonté par les agriculteurs. Ce critère est encore travaillé aujourd'hui en agriculture conventionnelle. Il n'y a pas de recherche spécifique en agriculture de conservation des sols. 
Le deuxième critère est ce qu'on appelle l’obtention de colza robuste c'est-à-dire réussir à obtenir un colza qui atteint le stade quatre feuilles le plus rapidement possible après le semis et notamment avant les premiers vols d’altises. On travaille donc sur les vigueurs de départ et d’automne, une augmentation de biomasse régulière et constante ainsi que le comportement aux larves d’altises et la précocité de reprise en sortie d’hiver. Nous essayons également de répondre aux problématiques de stress hydrique au début du cycle de la culture. Nous observons des différences génétiques dans des conditions difficiles et nous essayons de comprendre ces phénomènes et d’y répondre avec nos futures variétés. 
Le troisième critère sur lequel nous travaillons concerne le comportement des variétés face aux maladies sachant qu'il en existe de nombreuses pour le colza.  Pour le Phoma, des contournements de résistance sont régulièrement observés, nous essayons donc en permanence de proposer de nouvelles solutions dans nos variétés. Concernant le sclérotinia, nous en sommes à la recherche de tolérance polygénique, car aucun gène majeur de résistance n'a été identifié actuellement. Enfin pour les autres maladies comme la cylindrosporiose, l’évaluation variétale est faite en routine pour caractériser les comportements variétaux favorables. 

En ce qui concerne les futurs axes de travail, ils sont orientés tout d’abord sur la tolérance aux insectes d'automne en particulier concernant les altises et les charançons.  Il y a des différences entre variétés, avec certaines qui ont un bon comportement face à ces insectes d'automne.  Il est encore difficile de comprendre les raisons de ce bon comportement et c’est pourquoi nous y travaillons : il est probable que cela nécessite encore plusieurs années de travail exploratoire suivies par les années de recherche variétale. 
Le deuxième axe de recherche pour l'avenir est la résilience azotée c'est-à-dire obtenir des variétés qui valorisent au mieux chaque unité d’azote en rendement, à part égale.   Dans ce cadre, il est intéressant d’étudier aussi comment mieux valoriser l'azote organique par rapport à l'azote minéral. 
Enfin le troisième axe de recherche est l'adaptation aux méthodes agricoles innovantes, comme l'agriculture de conservation des sols. Il est nécessaire de mieux comprendre ces systèmes, afin de savoir quels critères techniques rechercher dans nos variétés. Il est probable que nous évaluerons, dans un premier temps, nos variétés déjà commercialisées dans des conditions d’ACS. Une fois les génétiques à bon comportement identifié, nous pourrons remonter en aval, vers la sélection. Cela permettra ensuite de potentiellement intégrer les critères d’adaptabilité des colza en ACS dans nos schémas de sélection. Cette méthode d’allers-retours et de remontée d’informations du développement vers la recherche et nouvelles pour les semenciers. Si nous voulons répondre aux besoins des agriculteurs face aux défis de l’agriculture, nous devons innover.​​​​​​​


Bilan de l’activité des limaces en ce printemps 2024


La société De Sangosse avait mis à disposition de l’APAD 12 Limacapt.  Ces appareils prennent des photos toute la nuit grâce à un capteur placé sous l’appareil et comptabilisent ainsi le nombre de limaces.  En prenant en compte cette activité des limaces, le stade de la culture, les interventions culturales et les prévisions météorologiques, Limacapt propose alors des recommandations pour le traitement anti limace.


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Les comptages de cette année montrent une activité importante des limaces avec des quantités importantes. Certaines parcelles atteignant 200 limaces au m² comme celle ici en exemple dans le Lot.  Face à une telle population, il est évidemment indispensable d’être très pertinent dans la gestion limacide.  Dans ce cas, Il était nécessaire d’anticiper la protection avant le semis ce qui a été fait 2 semaines avant avec 7 kg d’Iron max pro.  Le traitement a permis de baisser la pression à 10 limaces.  De nouvelles pluies et sûrement l’éclosion de nouvelles limaces a fait remonter la pression à 80 limaces.  Le temps plus sec et un nouveau traitement le lendemain du semis a permis d’obtenir une culture saine.

Globalement, ailleurs, avec le temps sec qui est revenu depuis quelques jours, la pression a bien baissé.  Les dégâts ont cependant été très conséquents sur le tournesol.  L’activité des limaces noires et des grises juvéniles qui sortent très peu a été notable avec les plantules mangées entre la graine et les cotylédons, sans traitement possible puisque ces limaces ne sortent pas.  Même en protégeant la ligne de semis, les parcelles ont été ravagées.  Il fut donc nécessaire de ressemer en maïs qui est plus tolérant aux morsures : même complètement lacérées, il continue de pousser.









Maïs lacéré sur une des parcelles : les données transmises par le Limacapt doivent permettre d’éviter ces situations (Crédit photo : T. Verdenal)





Encore une fois, nous voyons ici l’importance de continuer le travail sur ce ravageur pour mieux le connaître et ainsi le combattre efficacement.

Nous pouvons d’ores et déjà anticiper un risque limace élevé pour les semis d’été (suivant l’humidité) et d’automne pour les parcelles ayant des impacts forts depuis quelques temps.  La stratégie à prévoir est, s’il est possible de passer, de réaliser un traitement dès aujourd’hui.  En veillant bien au délai avant récolte car certains produits ne peuvent plus être utilisés.  Les limaces sont encore très actives et montent la nuit vers les épis pour trouver encore du vert et redescendent la journée : elles pourront alors manger de l’anti limace.
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Autrement, l’observation ne suffit pas pour un traitement pertinent : il faut piéger pour connaître la population.  En piégeant à la moisson, il sera alors possible, en fonction de la population, de passer avec 3 à 5 kg d’anti limace.  Pour rappel, tous les produits ne se valent pas en termes d’appétence, de casse à l’épandage et d’efficacité : mieux vaut mettre un peu plus cher dans un produit qui a fait ses preuves que de mettre un produit dont l’efficacité monte péniblement à 50 % !



Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com











Tous les instants techniques :

1 - Le semis de colza
15/07/2020

Lire l'Instant technique

2 - Le semis du blé
18/09/2020

Lire l'Instant technique

3 - Le semis des protéagineux
29/10/2020

Lire l'Instant technique

4 - Le campagnol des champs
26/11/2020

Lire l'Instant technique

5 - Innovation & ACS
23/12/2020

Lire l'Instant technique

6 - La fertilisation en ACS
03/02/2021

Lire l'Instant technique

7 - Les légumineuses alimentaires
12/03/2021

Lire l'Instant technique

8 - La culture du tournesol
14/04/2021

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9 - Les couverts d’été (partie 1)
19/05/2021

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10 - Les couverts d’été (partie 2)
16/06/2021

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11 - Témoignage : en ACS depuis 2015
16/07/2021

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12 - La gestion des graminées d’automne en système ACS
17/09/2021

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13 - Les ravageurs du sol
15/10/2021

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14 - La gestion des oligo-éléments
15/11/2021

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15 - Résultats d’essais en ACS du réseau APAD
22/12/2021

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16 - La gestion des cultures industrielles en ACS
17/01/2022

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17 - Les Matières Organiques en système ACS
21/02/2022

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18 - Semis des prairies sous couvert en ACS
16/03/2022

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19 - Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique
14/04/2022

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20 - La gestion de l'eau
18/05/2022

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21 - La gestion du parasitisme en ACS
17/06/2022

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22 - L’innovation permanente en ACS et le lien aux animaux
19/07/2022

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23 - Analyser l’année culturale pour apprendre
22/09/2022

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24 - Introduire le lupin dans sa rotation
19/10/2022

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25 - Le miscanthus : une culture à découvrir !
22/11/2022

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26 - L’observation est la base d’un système ACS performant
21/12/2022

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27 - L'enherbement en ACS
20/01/2023

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28 - La fertilisation en ACS – résultats des essais menés par Arvalis
14/03/2023

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29 - La gestion des limaces en ACS
28/03/2023

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30 - Ouverture et fermeture du sillon pour les semis de printemps
12/04/2023

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31 - Améliorer le bilan carbone de sa ferme
22/05/2023

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32 - Le blé dans la rotation
21/06/2023

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33 - Réussir sa transition en Agriculture de Conservation des Sols (ACS)
25/07/2023

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34 - Les adventices en agriculture de conservation des sols
22/09/2023

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35 - Les couverts végétaux d’interculture et la gestion de l’enherbement
23/10/2023

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36 - Bilan de la campagne 2022 2023
17/11/2023

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37 - L’ACS pour un bon équilibre : « Si nos sols sont en bonne santé, nos vaches et nous aussi. »
20/12/2023

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38 - La gestion de la compaction en Agriculture de Conservation des Sols
19/01/2024

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39 - Retour sur la journée technique nationale
20/02/2024

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40 - Les couverts pluriannuels en Agriculture de Conservation des Sols
20/03/2024

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41 - S’adapter aux changements climatiques en grandes cultures
16/04/2024

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42 - Les matériels agricoles en Agriculture de Conservation des Sols
21/05/2024

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43 - Le colza, une culture bien adaptée à l’ACS
18/06/2024

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44 - Valoriser nos expériences pour rester autonomes dans nos décisions
28/08/2024

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45 - Construire un système bocager pour développer la biodiversité

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