Publié le 27/05/2025Télécharger la version pdf





La transition vers l’Agriculture de Conservation des Sols







Le changement de système pour passer à l'agriculture de conservation des sols est toujours une aventure : on en connaît l'objectif mais le chemin est différent pour chaque ferme. En effet ne plus travailler les sols dans la durée pour toutes les cultures nécessite de nombreuses adaptations aussi bien dans son raisonnement que dans ses pratiques agronomiques. Il faut revisiter le système de son exploitation et il n'existe pas de recette pour y parvenir : Ce système doit être adapté en fonction du contexte pédoclimatique, de l’environnement socio-économique ainsi que des attentes de l'agriculteur et de sa capacité à prendre des risques.  
Il nous a semblé important de faire le point avec les témoignages de plusieurs agriculteurs qui sont passés en ACS depuis moins de 5 ans. En effet, comme il n'existe pas de modèle tout fait, chaque témoignage apporte sa spécificité.



Si ce sujet vous intéresse et que vous aussi, vous voulez réfléchir à la mise en place de l’agriculture de conservation des sols sur votre ferme, l’APAD propose des formations très opérationnelles pour les groupes d’agriculteurs, les CUMAs ou autre groupe constitué spécifiquement.  Ces formations sont éligibles au financement VIVEA et le plus souvent gratuite pour les agriculteurs (trices).

Il est aussi possible de rejoindre des groupes APAD existants voire des groupes émergents.  
N’hésitez pas à nous contacter si vous avez la moindre question (adresse mail en bas du document) !



1)    Le déclic et les motivations


Chaque ferme a ses spécificités, mais il existe des grandes lignes communes. Parmi les points communs à ces différents témoignages, on retrouve l'importance d'être accompagné par un agriculteur ayant déjà une bonne expérience. C'est le cas à l’APAD 62 et à l’APAD Picardie avec la mise en place du parrainage. Dans les autres secteurs on retrouve cette même importance de l'accompagnement, réalisé d’autres manières. C'est très souvent cette rencontre d'un agriculteur expérimenté qui entraîne le déclic et la mise en place du système. Cet accompagnement est complété par des formations proposées par l’APAD.
Les motivations des agriculteurs pour passer à l’ACS peuvent être différentes mais on en retrouve principalement trois : l'importance de retrouver une vie du sol équilibrée et diversifiée ; la gestion de l'eau dans les sols en particulier par une meilleure infiltration ce qui diminue d'autant l'érosion ; et enfin le souhait d'avoir des pratiques plus en lien avec ses convictions ce qui peut permettre de passer au-dessus des difficultés rencontrées et de poursuivre la mise en œuvre de l’ACS. La gestion des pierres, l’autonomie de décision, le gain de temps et de consommation de gasoil sont aussi des motivations profondes.
Il est évident qu’au-delà des motivations citées ici, l’économie de la ferme reste primordiale.  Tout changement de système doit aboutir à une meilleure résilience économique pour durer. Les économies immédiates de carburant, d’usure du matériel, de puissance pour le travail du sol ou du temps de travail dans la préparation de sols ne doivent pas entraîner de perte dans les capacités de production.


2)    L’acquisition d’un semoir

Un autre élément important souligné par les témoignages est l'importance d’avoir un semoir de semis direct. Vu les coûts de ces outils, il est très compliqué d'investir dès le début dans un semoir performant et adapté à sa situation. L'achat d'occasion ou l'achat par la CUMA sont deux alternatives qui permettent de semer à moindre coût.

D’autres agriculteurs peuvent faire semer par un voisin ou louer un semoir. Cependant, dès que la rotation contient des cultures de printemps comme le maïs ou le tournesol, les difficultés augmentent car il faut s’équiper d’un semoir monograine ou d’un outil du type strip till. C'est capital puisque l'on connaît l'importance d'avoir un semis réussi.


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3)    Les difficultés rencontrées


Les principales difficultés rencontrées par les agriculteurs sont la gestion du parasitisme. Que ce soit les limaces, divers insectes, les adventices, dont principalement le ray-grass, tout cela montre l'importance de l'observation et de trouver des alternatives complémentant à la chimie. Chacun explique l'importance de retrouver un équilibre dans les sols pour essayer de gérer au mieux ce parasitisme en favorisant les auxiliaires ou un fonctionnement du sol qui permet un meilleur développement des plantes concurrençant suffisamment les adventices. C'est une vraie difficulté dont il ne faut pas sous-estimer l'impact technique, économique et psychologique : Avoir une culture ravagée par les limaces est toujours une épreuve à surmonter.


4)    Mais aussi les satisfactions !


Face à ces difficultés, chacun souligne la satisfaction de voir ses sols évoluer dans le bon sens année après année : ce processus est long mais bien visible : par exemple, l’augmentation des taux de matière organique est réelle et, par la microporosité créée, la réserve utile croit ce qui permet une meilleure résistance au sec. C'est bien la visualisation des évolutions rapides du sol qui permettent à chaque agriculteur de poursuivre dans la voie de l’ACS. Voir les évolutions rapides d'un sol qui va vers plus de biodiversité, plus de matière organique, plus de résilience face aux aléas climatiques est toujours une grande satisfaction. Cultiver la Vie dans ses parcelles est une source de bien des satisfactions et redonner du sens au métier de cultivateur. 
Enfin nous pourrons voir que chaque agriculteur interrogé ne se voit pas revenir en arrière avec du travail du sol sur toute la surface. Ils sont convaincus d'aller dans le bon sens et l'accompagnement par l’APAD, que ce soit par le parrainage, les bouts de champ, les formations ou tout autre occasion de se confronter à des agriculteurs expérimentés, permet à chacun de continuer à avancer et à mieux maîtriser son système.  





Témoignage de Jean-Baptiste HERMANT agriculteur à Rumaisnil (80), en ACS depuis 4 ans

Je suis installé avec ma mère sur 140 ha depuis 2022. Le parcellaire est très morcelé, nos sols sont majoritairement des cranettes ou argilo-calcaires. Nous étions confrontés à des sols qui s’asséchaient vite au printemps après reprise des labours d’hiver : avoir des sols qui retiennent mieux l’eau, c’est ce qui nous a motivés à passer en ACS. L’analyse de profils de sol par un ingénieur chambre d’agriculture nous a convaincu. Dans le même temps j'ai participé à des journées techniques, des formations et nous sommes allés voir beaucoup d'agriculteurs déjà en ACS.

Nous semions les couverts à la volée avec un Delimbe sur un ddi, mais la trémie était trop petite, le placement des graines aléatoire et il fallait semer uniquement des petites graines : nous ne pouvions pas semer ce que nous voulions.

Afin de limiter le risque financier, nous avons acheté en CUMA un semoir de semis direct, livré en décembre 2020 : Deux agriculteurs l’utilisent pour semer uniquement les couverts végétaux ; nous ne sommes que deux à l'utiliser pour toutes les cultures. C’est un semoir à dents de marque Techmagri, avec un disque ouvreur et une dent indépendante, en 8 m de large pour que tout le monde puisse semer ses couverts végétaux à temps. 

Ce qui m'a passionné dès le début c'est de travailler avec les couverts végétaux, voir les sols se structurer avec les racines et essayer de gagner en autonomie azotée.
Les couverts multi-espèces sont vraiment l'innovation principale de la ferme car l'assolement et la rotation n'ont pas beaucoup changé : nous restons sur une succession colza associé féveroles, blé tendre, orge de printemps, pois de printemps ou féverole de printemps (si limon), blé tendre, escourgeon.

Nous avions historiquement des problèmes de ray-grass, certaines parcelles étaient trop difficilement gérables même en labour. Fort de ce constat et afin de m’installer sans agrandissement, j'ai décidé de créer un élevage ovin (2022). Ça me permet de faire 3 hectares de luzerne et 10 hectares de prairie temporaire qui nettoieront les parcelles ; les brebis font la lactation et le post sevrage sur les couverts végétaux pour ensuite revenir sur les prairies fin février. La toute fin de gestation et l’agnelage se fait en bergerie car l’herbe vient à manquer fin juillet. Le but est d’arriver à 200 agnelages par an après moisson.  

Mes principales sources de satisfaction sont la réussite des couverts courts et longs, la portance des sols pour les animaux et d’avoir conservé nos rendements : l'économie de carburant est transférée dans les couverts végétaux et l’engrais starter. Quand je vois l'évolution des sols, je me dis que l'on va vraiment dans le bon sens. Les pneumatiques sont préservés car les cailloux restent en terre.

Au niveau des difficultés, nous avions des problèmes de bourrage du semoir derrière paille ; pour y remédier, l’été nous retirons le disque ouvreur et ça aide grandement.

Avec les deux années très humides que nous venons de connaître, les récoltes et les épandages ont tassé les sols, en particulier dans les terres limoneuses. Avec un collègue, nous avons acheté un Quadro équipé pointe de fissuration en décembre 2024 pour les semis de colza et les reprises au printemps. L’idée est de ressuyer les terres pour semer en bonnes conditions. En argile, je pense qu’il faut fissurer l’été et semer un couvert dense aussitôt pour que les racines colonisent tout de suite les différents horizons.* 

La pression limace fait partie aussi des difficultés d'autant plus quand les cultures végètent. Au semis, j’apporte en localisé 60 kg/ha de DAP pour avoir des cultures qui s’installent rapidement.
Dans quelques années les engagements pour le semoir seront échus et les avis des adhérents de la Cuma divergent. Je ne sais pas quelle sera l'issue des réflexions mais je veux continuer de semer les couverts et les cultures en limitant au maximum le travail du sol.
En conclusion, je suis vraiment content de ce que nous avons pu apprendre sur l’ACS et aussi d'avoir remis des animaux sur la ferme. 



​​​​​​​* NDLR : le fissurateur reste un travail du sol : il peut résoudre des problématiques ponctuelles mais ne doit pas devenir une habitude, ce qui impacterait grandement le fonctionnement biologique du sol).

Témoignage de Christophe Pâques, agriculteur à Questrecques  (62), en ACS depuis 2 ans

​​​​​​​​​​​J'ai repris l'exploitation familiale et je voulais avoir une autre façon de cultiver en voyant les problèmes d'érosion et les difficultés agronomiques des sols. C'est en lisant une double page dans une revue agricole que j'ai découvert l’ACS. J'ai alors adhéré à l’APAD et suivi plusieurs formations. J'ai également bénéficié du programme de parrainage proposé par l’APAD 62. Pour moi, le parrainage est nécessaire parce que démarrer en ACS c'est une chose mais le poursuivre dans la durée c'en est une autre et on a besoin d’aide de quelqu’un qui connaît très bien la région et les sols locaux.

​​​​​​​La première année j'ai utilisé un prestataire pour le semis : c’est économiquement plus intéressant que d'acheter un semoir mais je ne maîtrise pas les dates de semis qui vont dépendre de la disponibilité du prestataire. J’ai 40 hectares de cultures de vente ce qui fait que je sème l’équivalent de 80 hectares. J'ai donc acheté un semoir à dents d'occasion d'une dizaine d'années pour pouvoir semer quand je le souhaite.

J'ai rencontré plusieurs difficultés et le groupe de parrainage m'aide à les surmonter. Ceci est d'autant plus vrai dans la phase de transition car j'ai l'impression d'avoir les inconvénients qui restent du travail du sol sans avoir encore les intérêts de l’ACS. En particulier, nous venons de vivre deux années très pluvieuses et les sols ont du mal à bien se restructurer. 

Lors de mon passage en ACS, j'ai commencé par du colza qui n'existait pas sur la ferme.  Aujourd'hui ma rotation prévisionnelle est colza, blé tendre, orge, féverole, blé, orge, maïs ou pois de printemps. 
Les principales difficultés que j'ai rencontrées, et que je rencontre encore, c'est la gestion des limaces qui peuvent faire de gros dégâts sur mes cultures ; je connais également des échecs techniques en particulier sur les couverts végétaux d'été ; enfin, j’ai des parcelles très hétérogènes qui peuvent aller d’argile à sable d'où des semis qui peuvent être plus compliqué. La dernière difficulté est qu'il faut sans cesse s'adapter aux conditions de l'année avec des prises de décision très régulières et difficiles car je n’ai pas encore beaucoup de recul technique.    

À l'inverse, mes principales satisfactions sont de semer directement dans des couverts ; également j'ai eu de belles réussites dans les cultures et enfin j'ai l'impression que les plantes sont en meilleure santé avec une diminution des interventions en particulier en fongicide. 
Pour les années qui viennent mon objectif est de toujours m'améliorer techniquement pour mieux maîtriser ce système, en particulier au niveau agronomique ; de continuer à me former grâce aux formations proposées par l’APAD car c’est le moyen de garder mon autonomie de décision : ça fait entièrement partie du système !  Par exemple, je me suis formé cet hiver à la fabrication de Lifofer et je vais commencer à travailler avec ces produits. 


En conclusion je dirais que le plus gros frein à la mise en place de l’ACS est la prise de risque financière : en effet les coûts des intrants et du machinisme aujourd'hui font que nous avons de moins en moins d'autonomie financière et que les choix de changement de système sont toujours compliqués. Un autre frein est d’aspect psychologique car le labour reste la référence pour beaucoup : mon objectif est clair, c'est d'aller vers l’ACS mais le chemin pour y arriver l’est moins face aux différents aléas pédoclimatiques rencontrés.

Témoignage de Rémi Lacheré, agriculteur à Doudeauville (62), en ACS depuis 2 ans

​​​​​​​​​​​​J'ai 60 hectares de SAU dont 30 ha de prairie permanente.  Sur les 30 Ha en culture, la rotation est colza, maïs, blé, escourgeon. J'ai également un atelier de 50 vaches laitières avec une partie du lait valorisé en vente directe. 

Mon premier essai de semis en direct date de 2016 après une prairie et ça s'est très bien passé. J'ai ensuite poursuivi en 2019 mais sans semoir donc en fonction des disponibilités. J'avais donc envie d'aller plus loin et ça a été possible quand la CUMA a investi dans un semoir de semis direct.

Ma première motivation était la présence importante de silex en surface ce qui entraîne beaucoup d'usure de pneumatique. Ce qui m’a également motivé c’est la rencontre avec un autre agriculteur, Cédric Merlin de l’APAD 62. C'est lui qui m'a vraiment initié à l’ACS et qui me permet encore aujourd'hui de m'améliorer grâce au parrainage mis en place à l’APAD 62. Il me permet de bénéficier des expériences des pionniers. 

Mon système a peu évolué avec le passage à l’ACS : j'ai intégré du colza en culture grâce à une augmentation de surface et je suis aussi très vigilant sur les épandages de fumier afin de ne pas marquer les sols. 

Un autre changement est d'être beaucoup plus vigilant dans le suivi des cultures, d'utiliser des semences de ferme pour les céréales et le colza. Et j'ai également remplacé le ray-grass par du méteil avant maïs. 

Autrement, mes satisfactions principales sont de voir l'évolution de mes sols qui sont beaucoup plus souples et avec beaucoup moins d'usure de pneus car les silex ne sont plus remontés en surface. J'ai aussi évolué dans mon ouverture d'esprit en étant motivé pour certaines méthodes alternatives comme le traitement de semences à la ferme ou l'utilisation de Lifofer suite à une formation de cet hiver. Et je vois une forte baisse de l’érosion malgré toute la pluie de ces derniers mois.  
Par contre j'ai toujours potentiellement des difficultés avec les limaces même si ce n'est pas spécifique à chez moi. C’est la principale source de difficulté.

Pour l'avenir je n'ai pas prévu d'évolution marquante sauf gagner toujours en technicité pour une meilleure maîtrise de l’ACS. Je vais aussi continuer la lutte contre l’érosion par la plantation de haies et la mise en place de fascines. Le parrainage est aussi une aide importante avec une bonne dynamique mise en place avec deux autres agriculteurs en parrainage avec Cédric. Nous avons créé une petite communauté très dynamique. Enfin, la CUMA devrait investir dans un strip till ce qui devrait me permettre de sécuriser l’implantation du maïs, toujours difficile dans les années de transition.

Témoignage de Paul-César Décarsin, agriculteur à Beaumont-Village (37) en ACS depuis 2 ans

Installé en 2019 sur une exploitation de 270 hectares (dont 250 ha en cultures), je cultive du blé, de l’orge, du colza et du tournesol. Originaire du Pas-de-Calais, j’ai repris une ferme en Techniques Culturales Simplifiées (TCS), sans connaître au départ les particularités des sols, ni le climat local. J’ai commencé en reproduisant exactement les pratiques de mon prédécesseur. Je voulais d’abord comprendre mon environnement. Le système fonctionnait correctement, mais les limites n’ont pas tardé à apparaître, notamment au niveau du désherbage : pression importante de vulpin et apparition de ray-grass.

Deux ans après mon installation deux éléments déclencheurs m’ont fait remettre mon système en question : 

●    Les difficultés croissantes de désherbage chimique ;
●    Mon intérêt personnel pour les couverts végétaux, peu utilisés auparavant sur la ferme.
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Convaincu du potentiel de l’Agriculture de Conservation des Sols (ACS), je me rapproche rapidement de l’APAD pour bénéficier d’un accompagnement agronomique de proximité et de formations. 
Pour démarrer ma transition, j’adapte un ancien vibroculteur avec des dents fines pour en faire un semoir de semis direct, équipé de plusieurs cuves. Cela me permet de tester différents mélanges et modalités d’implantation. Je bénéficie de voisins en ACS et je peux ainsi m’équiper en rachetant du matériel d’occasion déjà prévu au SD. J’ai conscience que le matériel reste un point de blocage économique, mais je pense avoir trouvé un bon compromis pour débuter. 

Les premiers essais de couverts végétaux estivaux ne sont pas concluants : Je manquais de théorie et de technique à ce moment-là. Malgré quelques ratés initiaux, je persévère. L’automne 2024 marque un tournant : ma première campagne d’automne en semis direct total. J’observe des résultats prometteurs sur le semis de blé dans colza, mais je reconnais que la gestion et la destruction des couverts sont encore à perfectionner. Je dois faire face à l’apparition de nouvelles problématiques, comme les limaces et les chardons.

Convaincu que la diversification des cultures est un levier essentiel pour gérer les adventices, j’introduis le maïs au printemps 2025 pour la première fois dans mon système. Pour moi, intégrer des cultures de printemps dans la rotation c’est un vrai pilier de la stratégie de désherbage. J’espère ainsi réduire ma dépendance aux produits phytosanitaires, faire des économies de carburant, et améliorer l'efficacité globale de son système. Mais tout n’est pas simple : la nécessité de réduire la part du blé dans la rotation pour mieux raisonner les successions culturales pose néanmoins une contrainte économique importante.

J’ai eu de la chance de débuter dans des années relativement clémentes. Je ne sais pas si j’aurais pu amorcer ces changements en 2022 ou 2023 avec ces années très sèches puis très humides. L’année 2024, très humide également, m’a contraint à retravailler certaines parcelles pour les niveler. Un retour au travail du sol ponctuel, vécu sans culpabilité, mais avec lucidité. En parallèle, j’explore de nouveaux débouchés économiques comme la production de triticale semence, pour sécuriser mon modèle.

Je me considère en début de parcours dans l’ACS. Je garde une vision pragmatique : progresser pas à pas sur les couverts, affiner ma stratégie de désherbage et continuer à adapter ma rotation. Pour le moment, je vais continuer à avoir recours au travail du sol pour les cultures de printemps notamment. Réduire le travail systématique en le remplaçant petit à petit par de la fissuration et ou du strip-till pour tendre vers un travail du sol minimal.  Ce n’est que le début, mais je sens déjà que mon système devient plus cohérent.

Témoignage de Jean-François Ingrand agriculteur à Saint Génard, commune de Marcille (79) en ACS depuis 4 ans

​​​​​​​Sur ma ferme de 190 Ha, j'avais trois motivations principales pour passer à l’ACS. 
Tout d'abord mes argiles se comportent mieux quand elles sont moins travaillées ; ensuite, il fallait que je fasse moins d'heures de tracteur et enfin, je voyais que la faune des sols était en très forte diminution et une flore adventice de plus en plus difficile à maîtriser. 

J'étais déjà en TCS superficiel et je suis passé à l’ACS en adhérent aussitôt à l’APAD. J’ai aussi pu échanger avec un autre agriculteur que je connaissais et j’ai visionné des vidéos sur YouTube. Mon assolement n'a pas trop changé depuis mon passage à l’ACS sauf que j'ai arrêté le colza dont la levée est trop aléatoire en année sèche et j'ai ajouté des légumineuses. J'essaye de faire des rotations de type 2 - 2 c'est-à-dire par exemple blé, orge suivi de maïs, féverole ou pois chiche. 

Comme je suis parti d'une situation difficile à gérer en adventices, le poste herbicide est resté conséquent ; contrairement au poste fongicide et insecticide. Je vois les parcelles s'améliorer mais il y a encore besoin d’une grosse vigilance. 

Aujourd'hui mes sources de renseignements sont surtout les bouts de champ mensuels organisés par l’APAD et des recherches sur Youtube et dans des livres en particulier sur tout ce qui est compréhension du fonctionnement du sol. 
Mes principales satisfactions sont de voir la vie du sol qui revient très rapidement ; de consommer beaucoup moins de carburant, et de passer plus de temps dans l'observation des parcelles plutôt que sur le tracteur. 

Au niveau des inconvénients il est parfois difficile de devoir arbitrer entre la sauvegarde de la biodiversité et la gestion économique de la ferme : la situation financière est tendue et il faut absolument faire du rendement, ce qui peut être au détriment de la faune à cause d'un traitement insecticide. En effet la biodiversité parasite arrive toujours la première en particulier les limaces, les noctuelles etc.  

Pour les années qui viennent je pense que je vais réfléchir à essayer de gérer une partie du parasitisme par une herse à paille ou un rouleau plus lourd pour essayer de gêner davantage limaces et campagnols. J'espère aussi bénéficier des avantages des 1,5 km de haie que j'ai plantés. Je commence à voir d'ailleurs plus de biodiversité à ce niveau et j'espère qu'elle ira également dans les parcelles pour créer un espèce d'équilibre entre parasites et auxiliaire. C'est bien cet aspect-là des choses qui me semble le plus gratifiant et qui me pousse à poursuivre dans ce système

Témoignage de Jean-François Ingrand agriculteur à Saint Génard, commune de Marcille (79) en ACS depuis 4 ans

​​​​​​​Je me suis installé en 2016 en grandes cultures, bovin allaitant et pension pour chevaux. Blé/Colza/Maïs/Tournesol/Féverole.
Mes motivations pour aller vers l'ACS sont de trois ordres : 
-    Vie du sol
-    Economique/ Temps de travail
-    Rendre le métier intéressant, avec plus de bon sens.

J’ai acquis les renseignements nécessaires grâce à Youtube : je me suis beaucoup renseigné au travers de vidéos. J’ai également visité la ferme de Jacky Berland lors de mon parcours scolaire, puis j’ai suivi la formation en Route vers l’ACS avec Thierry Gain. 

J’étais avant en TCS et la transition a débuté en 2021, sur l’ensemble de l’exploitation la même année, avec parfois des échecs. 


Il n’y a pas eu de grand changement concernant les cultures, la rotation, et les ITK, si ce n’est le mode d’implantation et l’intégration des couverts végétaux. Le seul fait marquant est la forte diminution de l’atelier élevage, en 2022, qui aujourd’hui est très modeste, sans impact sur la rotation des cultures.

Mes principales sources de satisfaction sont :
-    Gain sur le temps de travail
-    Une vie du sol qui s’exprime
-    Le sentiment d’avoir des pratiques favorable à l’environnement

Les principales difficultés rencontrées sont
-    Problème de ravageurs, limaces et campagnols (de manières très localisé le long de bois et toujours dans les mêmes parcelles)
-    Manque de stabilité/régularité dans les résultats, forte variabilité sans réussir à en trouver les explications. -> avec parfois un impact économique important.
-    Réussite des cultures de printemps, pour le moment je ne fais que les semis de maïs en semis direct. 


J’espère les résoudre de la façon suivante :
-    Gestion des limaces. Semer les colza sur les parcelles où la paille est exportée. Et gestion du couvert végétal avant le maïs, même si je n’ai pas de grosse problématique limace sur maïs. Gestion des campagnols, traitement localisé à la main des campagnols, convaincre les chasseurs de laisser renards vivants. Je ne souhaite pas pour le moment mettre en place de perchoirs pour les rapaces. 
-    Sur Colza refaire des semis de Colza au semoir monograine pour une meilleure régularité de semis. Avec la possibilité de mettre de l’anti limace au semis.
-    Cultures de printemps : Gestion du couvert avant le maïs, améliorer l’équipement de mon semoir (Roue de fermeture et changement de la dent devant les éléments). 


Je n’ai pas prévu d’évolutions significatives sauf, éventuellement, d’allonger la rotation en intégrant plus de légumineuses. Ce travail a déjà débuté avec l’intégration des Féveroles d’hiver plus facile à réussir que le pois d’hiver qui est davantage sensible aux maladies et le pois de printemps à la sécheresse. Je reste ouvert à l’intégration d’autres cultures. Je réfléchis également à décaler mes semis de céréales afin de mieux gérer la pression Ray grass.
L’atelier bovin allaitant reste pour le moment à son modeste niveau.
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Article écrit par le comité technique de l’APAD.
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com
























Tous les instants techniques :

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4 - Le campagnol des champs
26/11/2020

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5 - Innovation & ACS
23/12/2020

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6 - La fertilisation en ACS
03/02/2021

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7 - Les légumineuses alimentaires
12/03/2021

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8 - La culture du tournesol
14/04/2021

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9 - Les couverts d’été (partie 1)
19/05/2021

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10 - Les couverts d’été (partie 2)
16/06/2021

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15 - Résultats d’essais en ACS du réseau APAD
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18 - Semis des prairies sous couvert en ACS
16/03/2022

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19 - Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique
14/04/2022

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20 - La gestion de l'eau
18/05/2022

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22 - L’innovation permanente en ACS et le lien aux animaux
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45 - Construire un système bocager pour développer la biodiversité

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46 - La gestion du gros gibier en Agriculture de Conservation des Sols

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47 - Les couverts végétaux d’interculture et la gestion de l’enherbement – partie 2

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48 - L’Agriculture de Conservation des Sols au service de la préservation des sols et de l’optimisation d’un élevage laitier.

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49 - L’Agriculture de Conservation des Sols en viticulture

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50 - Le potentiel d'oxydo-réduction (redox) : un indicateur clé de la santé du sol et des plantes

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51 - Les microorganismes du sol à multiplier soi-même : un plus pour l’Agriculture de Conservation des Sols ?

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52 - Explorer de nouveaux horizons en Agriculture de Conservation des Sols

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53 - La transition vers l’Agriculture de Conservation des Sols

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