Publié le 18/03/2025 | Télécharger la version pdf |
Le potentiel d'oxydo-réduction (redox) : un indicateur clé de la santé du sol et des plantes
Le potentiel Rédox est un sujet qui a été souvent abordé en formation. Les intervenants montrent que le système en Agriculture de conservation des sols est plutôt positif pour obtenir un sol et des plantes à l’équilibre pH / Rédox. Cependant, les résultats des mesures sont parfois complexes à interpréter et l’APAD Val de Loire a souhaité approfondir cette question pour obtenir des données spécifiques à l’ACS. Cet instant technique, après avoir redéfini le potentiel Rédox et le lien au pH, se fait l’écho des travaux de l’APAD Val de Loire avec également le témoignage d’un agriculteur de l’APAD Nord Est. Le sujet est exploratoire et encore peu utilisé couramment en agriculture. L’avenir nous dira si ça peut devenir un vrai outil de pilotage du système ACS.
Cet instant technique est le numéro 50 !
50 numéros pour toujours mieux maîtriser l’agriculture de conservation des sols et bénéficier de l’expertise de plus de 100 agriculteurs grâce à leur témoignage. C’est aussi une trentaine d’experts qui nous ont permis de prendre de la hauteur et de se projeter sur les différentes thématiques abordées.
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1) Définitions
En agriculture, nous avons couramment l’habitude de mesurer et de suivre le pH du sol. Cette donnée est très utile pour analyser l’état de son sol et la disponibilité des éléments minéraux, par exemple. Mais dans les années 1950, le Docteur Vincent a montré que le pH n’est pas la seule valeur à prendre en compte pour étudier l’environnement biologique du sol. Le pH est notamment lié au potentiel d’oxydo-réduction. Ainsi, le pH mesure la concentration en protons (H+) et le potentiel redox (aussi nommé Eh) mesure l’activité des électrons (e-).
Figure 1. Schéma : le sol, une pile à hydrogène
Le potentiel Redox (réduction-oxydation) est une mesure qui indique si un milieu est plutôt oxydant ou réducteur. Il est exprimé en millivolts (mV).
- En cas d’oxydation : Le milieu perd des électrons (ex. rouille du fer, dégradation de la matière organique). Il y a une perte d’énergie.
- En cas de réduction : Le milieu gagne des électrons (ex. photosynthèse, formation de matière organique). Il y a un gain d’énergie.
Figure 2. La croix Redox
Ces pertes et gains d’électrons génèrent un courant électrique. C’est ce courant électrique que nous mesurons dans le cadre de la Bioélectronique de Vincent (BEV). L’agriculture consiste à travailler avec du vivant. Ainsi, les valeurs mesurées en BEV évoluent continuellement, et ce, même sur de courts laps de temps. C’est pourquoi cette science étudie des flux, des gradients et des différentiels.
Durant la journée et grâce au soleil, une plante réalise la photosynthèse. En d’autres termes, elle capte de l’énergie par ses feuilles. La plante utilise cette énergie pour sa croissance et pour réguler son milieu (régulation autour de ses racines). De cette façon, la plante peut « injecter » de l’énergie dans le sol en libérant des électrons. Cela lui permet d’équilibrer son milieu, acidifier, hydrolyser, etc. En libérant ces électrons (e-) autour de ses racines, la plante charge électriquement le sol, ce qui crée un différentiel de charge et génère une migration des cations (Ca2+, Mg2+, NH4+, K+, Na+,...) vers ses racines. Ce courant électrique permet à la plante de se nourrir. Il permet aussi d’alimenter la vie du sol.
Mais rééquilibrer le milieu demande une débauche d’énergie à la plante. On estime que l’homéostasie de la plante, c’est-à-dire l’équilibre pH/redox optimal pour sa croissance, se situe entre 390 et 450 mVH et entre 6.2 et 7 de pH. On estime que l’homéostasie de la rhizosphère se situe autour des 200 mVH. Chaque fois que la plante ne se situe pas dans cette fourchette de valeurs, elle va consommer son énergie et s’oxyder pour rééquilibrer son milieu. Or, toute l’énergie que la plante met dans sa régulation ne sera pas utilisée pour sa croissance. En d’autres termes, à chaque fois qu’une plante régule son milieu, elle ne pousse pas.
2) Intérêt de la relation Rédox / pH en agriculture
L’usage de la relation Eh-pH en agriculture est très concret. Nous l’avons vu, le pH et le Eh ont une influence directe sur la plante qui essaie de rééquilibrer son milieu pour se développer dans des conditions optimales. Mais l’influence du pH/Eh va encore plus loin. Le chercheur Olivier Husson a mis en évidence que le potentiel redox et le pH sont interdépendants et doivent être considérés ensemble pour comprendre et optimiser la santé des sols et des plantes. On peut identifier 2 impacts principaux de la relation pH/Redox sur les pratiques agricoles :
a. La résistance de la plante face aux pathogènes
Le pH/Redox nous renseignent sur la santé et la sensibilité de la plante à faire face aux bioagresseurs. Des recherches ont montré qu’en dehors des normes d’homéostasie (390-450 mVH et pH 6.2-7), la plante est davantage exposée aux attaques. L’équilibre Eh-pH influence directement le développement des maladies chez les plantes. Elle va donc essayer de toujours rester dans ces normes. Toutefois, cela requière de l’énergie, énergie dont la source est quasi exclusivement celle en provenance de la photosynthèse, accumulant dans des molécules réduites et acides protons et électrons (H+ et e-), telle une pile à hydrogène, et relâchant de l’oxygène.
Selon les travaux d’Olivier HUSSON, on remarque, par exemple, que les champignons pathogènes se développent principalement dans des conditions oxydantes. Face à cet environnement oxydé, la surface foliaire devient propice au développement de ces champignons. Les parois cellulaires accumulent de l’oxydation et s’exposent à la prolifération de ces champignons pathogènes. On remarque que les champignons de type Fusarium préfèrent des conditions oxydantes entre +500 et +600 mV.
Concernant les bactéries, ce sont les milieux réduits à pH alcalin qui sont propices à leur développement. Un sol trop réduit peut être provoqué par un engorgement en eau du sol, chassant tout l’oxygène de la porosité. Il peut aussi être provoqué par des sols compactés dans lesquels l’air n’entre plus dans la porosité du sol.
Enfin, les viroses se développent davantage à pH basique dans des conditions de suroxydation. Nous l’avons vu précédemment, le milieu idéal pour la plante se situe à pH 6-7 et Eh +390 +450 mVH. Pour optimiser le développement végétal, la gestion de l’équilibre pH-Eh consiste à maintenir des valeurs stables, ni trop oxydées, ni trop réduites.
b. La biodisponibilité des nutriments
Nous le savons, le pH influe sur l’agencement moléculaire des éléments nutritifs du sol, provoquant des blocages et rendant certaines molécules inaccessibles pour la plante. Le manganèse ou le zinc se bloquent en pH basique. De la même manière, le molybdène se bloque en pH acide. Pour le Redox, c’est pareil. La biodisponibilité de ces éléments nutritifs est à la fois fonction du pH et du Redox. C’est ce que traduisent les diagrammes de Pourbaix. Comme le montre le diagramme de Pourbaix du Fer ci-contre, l’agencement moléculaire du fer se modifie selon le pH et le Redox. Or, la seule forme du fer absorbable par les plantes se situe dans la zone verte du diagramme. On peut constater qu’avec un bon pH (par exemple à pH 6), le fer ne sera pas forcément disponible pour la plante. Il est indispensable que les conditions de Redox soient concordantes pour que ce fer soit biodisponible.
Figure 4. Diagramme de Pourbaix du fer
Les conditions redox et le pH du sol déterminent la solubilité et la forme chimique des éléments nutritifs. De la même manière que le fer, l'azote, le manganèse et le soufre voient leur disponibilité modifiée selon l’équilibre Eh-pH. Dans des conditions oxydantes (Eh élevé) et à pH basique, le nitrate (NO₃⁻) est la forme prédominante de l'azote, facilement lessivable et dont l’absorption ne sera possible que grâce à un processus actif coûteux en énergie. En revanche, dans des conditions réductrices (Eh bas) et à pH neutre à acide, l'ammonium (NH₄⁺) devient la forme dominante, mieux retenue dans le sol et souvent plus assimilable ; cependant, même si c’est un processus nécessitant très peu d’énergie, il est antagoniste de l'absorption d'autres cations essentiels tels que Ca2+ et Mg2+ et ça peut être un obstacle à une alimentation équilibrée des plantes. Dans les sols équilibrés électro-chimiquement, les plantes ont à leur disposition les deux formes, NH4+ et NO3-. De plus, dans ces sols à bonne structure et forte activité biologique, la quantité d'azote absorbée sous forme organique peut représenter une part non négligeable de l'absorption totale d’azote par les plantes. Cette absorption d'azote organique permet l’absorption de molécules non chargées et déjà riche en énergie pour la formation de protéines à un coût énergétique minimal.
De même, le fer et le manganèse sont plus solubles et donc plus disponibles pour les plantes sous forme réduite (Fe²⁺ et Mn²⁺) dans des conditions réductrices. Cependant, une réduction excessive peut entraîner des concentrations toxiques de ces éléments.
3) Comment appliquer les notions pH-Redox aux pratiques agricoles ?
Le milieu, la météo, le type de sol, la saison... De nombreux facteurs influencent l’équilibre pH-EH. Mais les pratiques agricoles exercent aussi une grande influence sur ces équilibres.
Pratiques oxydantes | |
Travail du sol | Le travail du sol augmente l’oxydation du sol et détruit la structure biologique capable d’équilibrer le milieu |
Utilisation d’engrais minéraux | La majorité des engrais minéraux sont oxydants pour le milieu (cf figure 6) |
Utilisation de produits phytosanitaires | La majorité des produit phytosanitaires de synthèses sont oxydants pour le milieu. Certains fongicides ont une action sur-oxydante pour déséquilibrer le milieu et tuer le pathogène. Mais naturellement l’oxydation du milieu baisse et redevient favorable à ces pathogènes. |
Irrigation | Peut provoquer des fluctuations pH-Eh trop rapide pour le sol |
Pratiques réductrices | |
Apports excessifs de MO fraiche | Peut provoquer des conditions de dégradation anaérobie et de fermentation |
Compaction du sol | Réduit l’oxygénation du sol et favorise des processus indésirables (fermentation) |
Engorgement en eau | |
✅ Pratiques Favorisant un Bon Équilibre Eh-pH | |
Couverts végétaux | Protège le sol de la lumière et de l’oxydation naturelle, permet d’injecter de l’énergie photosynthétique dans le sol, améliore la microporosité du sol et ainsi l’équilibre pH-Eh |
Apports raisonnés de MO | Stimule le développement du végétal : plus il y a de végétaux performants, plus il y a d’énergie qui rentre dans le système (sol), améliore la structure et la stabilité du sol, tamponne les excès d’eau, alimente la biologie du sol |
Réduction du travail du sol | Préserve le sol d’une oxydation excessive. |
Utilisation de produit de biocontrôle | Il existe des produits de biocontrôle comme les purins possédant des valeurs Eh-pH proche des valeurs d’homéostasie de la plante. Les purins sont naturellement plus réduits que les produits phytosanitaires. L’apport de purins permet par exemple de réduire l’oxydation de la plante et de la mettre dans un environnement équilibré |
En agriculture, les pratiques courantes liées à l’usage de produits phytosanitaires et d’engrais montrent que nous apportons très régulièrement des produits oxydés sur la plante et sur le sol. En mesurant les valeurs Redox de différents produits phytosanitaires couramment utilisés, nous constatons qu’aucun produit ne se situe dans la zone d’équilibre de la plante. Cela signifie que chaque apport génère un stress sur la plante qui doit alors à tout prix rééquilibrer son milieu (au niveau des feuilles comme du sol) pour ne pas être exposée aux bioagresseurs. Déjà, ce qui est important, ce serait d’obtenir un sol qui tamponne au maximum ces changements pour que la plante reste dans un milieu favorable à son développement. Outre l’activité biologique, la teneur en fer, en argile et en matière organique, la structure du sol est le facteur physique très important pour ce pouvoir tampon du sol. A l’inverse, plus le milieu sera déséquilibré et fluctuant, plus les corrections de pH-Eh à effectuer seront importantes et plus la plante dépensera de l’énergie pour cela et s’oxydera. Et plus elle s’oxydera, moins elle sera productive.

Figure 5. Valeurs Eh-pH de différents produits phytosanitaires

Figure 6. Valeurs Eh-pH de différents engrais minéraux
Aujourd’hui, de plus en plus d’agriculteurs testent des solutions alternatives comme les purins d’ortie, de consoude ou de prêle. Ces solutions permettent d’apporter des éléments organiques à la plante, mais permettent surtout de réguler l’équilibre pH-Eh de la plante. En mesurant les valeurs pH-Redox de ces différentes solutions, on constate que leur spectre d’action est principalement réducteur. Ces produits permettraient de baisser l’oxydation de la plante et du sol et de les ramener à un niveau homéostatique. Ces produits n’ont donc pas une action curative, mais doivent être utilisé en préventif pour mettre la plante dans des conditions optimales afin qu’elles puissent croître et se défendre avec leur propre immunité.

Figure 7. Valeurs Eh-pH de différents produits de biocontrôle
4) Peut-on démocratiser l’outil Redox dans les fermes françaises ?
En 2023, l’APAD Val de Loire a souhaité entamer un travail de recherche basé sur les fondamentaux de la Bioélectronique de Vincent et les travaux d’Olivier Husson. L’objectif de ce projet est de lier la théorie aux réalités agronomiques pour développer un outil de diagnostic des sols facilement utilisable sur le terrain.


Malette de mesure pH-Eh-Conductivité de l’APAD Val de Loire
Pour ce projet et avec l’aide de la bio-électronicienne Laurence Gallais, l’APAD Val de Loire s’est équipé d’une mallette de terrain avec une console Consort et des sondes de mesure Sentek, spécialement conçue pour faire les mesures rapidement et directement sur le sol. Les sondes, renforcées, permettent de réaliser les mesures en bouleversant le moins possible le sol. Dix agriculteurs sont engagés dans ce projet et un total 40 parcelles ont été suivies.
Le protocole de mesure se décompose de la façon suivante :
- Période de mesure : Printemps/automne, lorsque le sol est à une température comprise entre 12 et 25°C, sur sol humide.
- Relevé du point GPS et observation des facteurs externes : L’opérateur note le point GPS et fait les mesures toujours au même endroit d’une même parcelle. Il note également les conditions extérieures (température air, état du ciel, taux d’humidité du sol, type de travail du sol et de couverture en place, etc...)
- Mesure du pH/Redox/Conductivité : L’opérateur commence par mesurer le redox du sol à 3 horizons (5-15-30 cm). Il prend ensuite les mesures pH et conductivité sur les mêmes horizons. Mesurer les 3 paramètres sur 3 horizons prend environ 30 minutes par parcelle.
Cette première campagne de mesure qui s’est décomposée en 4 périodes (printemps et automne 2023 et 2024) a pour but de massifier les données pour essayer de discriminer des tendances et faire ressortir des corrélations entre équilibre pH-EH, type de sol et pratiques culturales. Même si cette campagne aura été particulièrement perturbée par des années très sèches puis très pluvieuses, de premières tendances ressortent. Ces observations viennent valider la première phase quantitative de test pour entreprendre un passage à la phase 2, se caractérisant par une approche qualitative.
Figure 8. Suivi Redox de 3 parcelles sur une année culturale
Ci-dessus, les valeurs Redox moyenne (sur 2 automne et 2 printemps) de 3 parcelles différentes sur les 3 horizons de profondeur (5-15-30cm). Le cercle vert correspond à la zone d’homéostasie de la plante.
- Pour commencer, nous regardons les mesures de chaque parcelle pour voir si elles sont proches des valeurs cibles d’homéostasie du sol et de la plante. Nous utilisons alors une représentation graphique identique à la figure 8 pour apprécier la santé du sol. On observe par exemple sur la figure FL6-A23 que les valeurs du sol sont sur-oxydées. Une plante poussant dans cette parcelle grandira alors dans des conditions stressantes et non-optimales pour son bon développement. Cette représentation graphique ne permet pas de tirer de conclusions mais nous permet ensuite d’identifier un ou des leviers agronomiques à mettre en place pour essayer de repositionner les valeurs RedOx dans la zone d’homéostasie du sol.
- Nous regardons ensuite s’il y a un gradient de Redox entre la surface et la profondeur et dans quel sens cette différence de potentiel va-t-elle. Pour cela nous regardons la distribution des points sur le graphique. Nous pouvons par exemple observer sur la figure FL1-A23 qu’il y a un différentiel de charges électrique alors que la parcelle de la figure FL8-A23 ne montre pas d’écart de charges entre les différents horizons (les points sont regroupés). De plus, les 2 parcelles présentent des valeurs Eh hors des normes d’homéostasie ne garantissant pas un environnement sain pour que la culture puisse croitre sans stress abiotiques.
En ajoutant une dimension agronomique aux observations, ces mesures se lient fréquemment à des pratiques culturales. Par exemple sur les figures ci-dessous, il y a à gauche une parcelle (point orange) traitée au glyphosate juste avant les mesures et jamais traitée avec des purins et une parcelle (points bleu) traitée avec des purins d’ortie après chaque passage d’herbicide. On observe une réponse positive du purin d’ortie qui redresse le Redox du sol dans des valeurs d’homéostasie correct pour la plante.
Sur la figure en bas à droite, 2 parcelles proches les unes des autres dont une (points orange) travaillée régulièrement avec des dents et une autre (points bleus) en ACS et sans perturbation du sol depuis 8 ans. On observe que le sol de la parcelle régulièrement travaillée est en état de suroxydation et ne met pas la plante dans des conditions idéales de croissance. A noter que les traits verts illustrent les bornes d’homéostasie de la plante et que les parcelles comparées sont des parcelles voisines.


Figure 9. Suivi Redox (ordonnées) sur une année culturale en fonction de 3 profondeurs de prélèvement (abscisses). A gauche, comparaison herbicide avec et sans purins ; A droite, comparaison travail du sol et non travail du sol.
Toutes ces mesures et observations sont exploratoire et viennent nourrir un ensemble d’hypothèses préalablement définies. La deuxième phase du projet fera évoluer l’envergure quantitative vers une dimension plus qualitative visant à affiner les mesures sur un nombre limité de parcelles choisies. Le but étant d’approfondir les corrélations entre mesure au champs et pratiques culturales mais aussi de tester la capacité de certaines pratiques et conduites agronomiques à faire varier les valeurs de pH, Eh et conductivité. Dans un troisième temps, nous aimerions pouvoir pousser ce travail jusqu’à l’analyse d’état sanitaire et de rendement de la culture. A terme, ce projet pourrait permettre de dresser des diagnostics de sol en ajoutant un outil d’analyse (le Redox et la conductivité) aux outils déjà existant (test bêche, analyse de sol, etc...) pour améliorer la pertinence du diagnostic. Un des intérêts pratique de cet outil est qu’il permet d’obtenir des données immédiatement sans passer par un laboratoire. Enfin, ce travail vise à sensibiliser les agriculteurs sur la santé de leurs sols. Si j’ai un sol en bonne santé, mes plantes seront en bonnes santé et sauront se débrouiller pour se défendre et se nourrir. Il est essentiel de garder en tête que toute intervention (phyto ou ferti) a un impact sur le sol. Il est important de comprendre quel est l’impact de ce que j’apporte sur le sol et, dans le cas où j’impacterait négativement la vie du sol, que je réfléchisse à une solution complémentaire pour contrebalancer. Dans le vivant tout est question d’équilibre.
Témoignage de Laurent Vaucher, agriculteur à Fresnes en Saulnois (57) en ACS depuis 2018
Je me suis installé en 2009 sur la ferme familiale sur des terres très hétérogènes dont les textures sont argilo-calcaire superficiel ; argilo-limoneux ; sablo-limoneux. Je voyais depuis plusieurs années, une baisse des rendements avec des terres de plus en plus dures à travailler. En 2014, je découvre l’ACS aux USA, avec des maïs à 160qx, et en Australie. Je décide alors de vendre tout mon matériel de travail du sol et de passer toute la ferme en ACS avec de la prestation de semis à l’extérieur. J’ai aujourd’hui 140 Ha avec blé, colza, tournesol, maïs, orge de printemps, orge d’hiver, pois, soja, luzerne
Cela fait 3 ans que j’utilise le Rédox. Mes essais sont basés sur les travaux d’Olivier Husson. Avec le Redox, je cherche à obtenir des plantes saines (secteur en bas à gauche du diagramme), pour les rendre plus résistantes aux maladies et attaques d’insectes. Je pense que les plantes en bonne santé donnent le meilleur d'elles même, le Redox est un bon indicateur de la santé des plantes. Nos apports oxydent trop les plantes et des antioxydants sont apportés régulièrement. Depuis que je fais des mesures, j'ai remarqué qu'il y avait un réel lien entre l'oxydation des cultures et le rendement. Je cherche à me prémunir avant qu'il y ait des maladies.
Pour cela, j’utilise des antioxydants qui sont conditionnés en palettes composées de poches en carton contenant des poches en plastiques hermétiques de grandes tailles (1000L à 2.5€/L). Il s’agit de macérations bretonnes (ortie, consoude etc.) dont la composition dépend du stade de la culture au moment de l’application. Je les utilise à épi 1 cm, à 1 nœud et à dernière feuille, à hauteur de 5L/ha, soit 12,5€/passage. Des acides aminés sont ajoutés aux pulvérisations d’antioxydants.
Grâce à cela, pour les céréales, aucun fongicide n’a été réalisé sur les cultures, au profit de 3 passages de macération. La moyenne de rendement reste la même, mais mériterait des mesures complémentaires, tout comme la qualité du grain. Des mesures plus précises à l’aide d’un refractomètre et des capteurs optiques installés sur la moissonneuse sont à venir. Aux USA, il existe des cartographies des parcelles de Redox de terre (conductivité), et d’humidité. La technologie existe, mais nous sommes en retard.
Je viens d'acheter une pince pour suivre plus précisément l'oxydoréduction de mes cultures. J’ai également acheté de la vitamine C pour pulvériser les champs en tant qu'anti-oxydant (130€/kg en pot de 2kg acheté en pharmacie). Enfin, je projette d'aller plus loin dans l’expérimentation grâce à mes outils d'analyse (réfractomètre et capteurs optiques) et de trouver la bonne dose en fonction des besoins.


Testeur de ph redox et refractomètre
L’APAD Centre Est vous invite à une journée technique avec la venue
d’Emeric Courbet qui suit de nombreux agriculteurs en ACS.
De beaux retours d’expériences en perspective !
Si vous souhaitez réagir ou poser des questions sur cet article, envoyer un mail à :
comite.technique.apad@gmail.com
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