| Publié le 24/10/2025 | Télécharger la version pdf |

La gestion des adventices dans les céréales d’automne

Blé derrière couvert : aucune adventice n'est visible
(photo C Barois - APAD 62)
Devant les problématiques de désherbage que l'on connaît aujourd'hui ( diminution du nombre de matières actives disponibles et augmentation des résistances), il est indispensable d'avoir une conduite optimale de désherbage.
En particulier cela signifie qu'il faut actionner l'ensemble des leviers disponibles pour gérer le salissement et ne plus tout attendre de la chimie. Dans les situations difficiles, la chimie ne viendra pas à bout de l'ensemble des adventices.
Cet instant technique fait le point sur cette gestion du désherbage aujourd’hui et celle de demain avec l’arrêt de certaines matières actives et l’arrivée de nouvelles.
De nombreuses études montrent l’efficacité de certains leviers pour gérer la flore adventices, leviers qui sont les piliers de l’ACS : la couverture du sol, la rotation et le semis direct.
1) Activer tous les leviers
La rotation reste le premier levier à actionner pour gérer les adventices : les alternances des dates de semis (automne, hiver, printemps) et des espèces permettent de perturber suffisamment les adventices et d’utiliser des familles de matière active différentes. Certaines cultures peuvent être moins rentables mais, sur la rotation, elles trouvent toutes leur pertinence. C’est ainsi que le semis d’une dicotylédone doit permettre de gérer parfaitement les graminées et inversement.
Contrairement à ce qui s’est longtemps dit dans les réseaux ACS, à savoir d’avancer les dates de semis pour les cultures d’automne, reculer la date de semis est un levier pertinent pour diminuer les levées des graminées (vulpin, RG et brome) même avec le changement climatique. Ce qui est beaucoup moins vrai pour les dicotylédones. En reculant la date de semis de 3 semaines, l’impact sur le rendement est quasiment nul d’après les travaux d’Arvalis. Évidemment, plus on tarde à semer, plus on prend de risques pour avoir de bonnes conditions de semis. Cependant, à part dans les sols hydromorphes, le risque est moindre en semis direct sans aucun travail du sol car les sols portent mieux et ressuient plus vite.

Des essais Arvalis sur plusieurs années et différents sites montrent une réduction d’environ 90% du nombre de vulpin et ray-grass au m² pour un semis tardif par rapport à un semis précoce. Cet essai est en conventionnel ; les résultats restent semblables en ACS.

Reculer la date de semis est aussi le meilleur levier pour lutter contre les pucerons d’automne et le risque de JNO.
Le non travail du sol permet d’éviter les levées de dormance des adventices à condition de semer à petite vitesse (5 km/h) et dans un couvert ou des résidus suffisamment denses pour qu'il y ait le moins possible de lumière au sol. A ce titre, les semoirs à disque lèvent moins de dormance que les semoirs à dent.
La culture ou le couvert précédent peut aussi aider à la gestion comme le montre ces 2 photos :

A gauche, parcelle de maïs derrière une prairie et prévue pour un blé. A droite même historique et même désherbage mais en culture de sorgho : apparemment le sorgho semble avoir une influence sur le nettoyage (photos L. Terrien – APAD CA).
D’autres leviers ont également un impact comme le choix de la variété et de son pouvoir couvrant ainsi que sa vigueur de démarrage : c’est souvent la première plante sortie qui optimise sa photosynthèse et se développe le mieux. Certains agriculteurs utilisent aussi la densité de semis en bord de parcelle pour limiter les levées d’adventices : nous n’avons pas d’essais sur l’impact de ces pratiques qui peut être réel sur les levées d’adventices mais peut aussi avoir des impacts négatifs sur la propagation des maladies et sur le coût de semences.
2) Anticiper les problèmes
Pour les céréales d’automne, la gestion des adventices commence dès l’interculture : aucune plante ne doit grainer dans le couvert. Ça doit rester une priorité surtout face aux vivaces et graminées type RG et vulpin qui ne devraient pas dépasser le stade 3 feuilles. Dans ces situations, un broyage est préconisé d’autant plus si le couvert est développé et entraine un risque d’effet parapluie. Ce broyage devra avoir lieu 3 semaines avant semis pour optimiser la qualité du semis et du désherbage.
Nous avons pu constater que certaines parcelles sont des véritables pelouses avec plusieurs centaines de graminées par m². Dans ces situations, il peut être préférable de changer de culture car il risque d’être très difficile de réussir une céréale même avec un programme de désherbage pointu. En effet, outre le fait qu’il sera difficile de tout détruire, il est probable que d’autres graines soient en dormance et lèvent dans la culture : aujourd’hui, nous voyons bien que les ray-grass lèvent quasiment toute l'année, dès 8-10 degrés avec une humidité suffisante et sans excès.

Cette parcelle était prévue pour du blé : il vaut mieux réfléchir à changer de culture
(photo Patrick Berthonneau – APAD CA)
3) La bonne utilisation du glyphosate
Comme toute matière active, le glyphosate doit être utilisé à bon escient et en optimisant sa réussite.
Au niveau réglementaire, en grandes cultures, Il existe 1 usage principal pour le glyphosate : la destruction des adventices, des couverts d’intercultures et/ou des repousses de culture précédente. Pour cet usage, la dose maximale réglementée est de maximum 1080 g/hectare/an et sans labour. En conséquence, dans une succession maïs – blé : le glyphosate, pour cet usage interculture, ne peut être utilisé que pour le maïs ou pour le blé.
A noter que pour cet usage d’interculture et pour des cas très particuliers comme la lutte d’adventices réglementées (Ambroisies, Chardon des champs), des conditions d’emploi spécifiques existent : de manière dérogatoire, il est possible d’utiliser du glyphosate à la dose maximale de 2880 g/ha/ha (Avis au JORF du 8 octobre 2004).
Il existe d’autres usages autorisés pour le glyphosate. Ces autres usages vont différer selon les produits et leurs AMM (Autorisation de Mise en Marché), délivrée par l’ANSES. Avant utilisation, Il est donc indispensable de se référer à l’AMM de chaque produit.
Par exemple, l’usage en post semis-prélevée de la culture pour gérer des repousses présentes au semis est possible pour certaines spécialités comme chez Bayer pour le Roundup® Dynamic ou le Roundup® Ultimate (500 g/L de glyphosate). Pour cette pratique, il est important de respecter les recommandations d’emploi de la firme détentrice de l’AMM.
Enfin, chaque spécialité dispose également d’un nombre d’application maximal par usage ou par an (en général une application). Quel que soit le produit, la réglementation limite à 2880g/ha la quantité de glyphosate sur une année civile.
Enfin, la règlementation spécifique des zones vulnérables et de la PAC (SIE) est prioritaire sur l’AMM si elle est plus contraignante. Ainsi, Il est donc indispensable de s’y référer avant toute utilisation de glyphosate.
Au niveau technique, le fait d’utiliser régulièrement le glyphosate et parfois sous-dosé, peut accélérer l’arrivée de résistances, constatées aujourd’hui dans un nombre croissant de départements pour le raygrass et le vulpin en particulier. Il faut viser le 100% efficace pour ne pas sélectionner les individus résistants.
Même dans les situations de non-résistance au glyphosate, des questions récurrentes reviennent à propos de l’efficacité de cet herbicide, en particulier vis-à-vis du ray-grass. Ceci signifie que les conditions d’applications doivent être optimales et ne pas se satisfaire de conditions moyennes. Au niveau météo, l’hygrométrie idéale doit être > 80 % (à 60 %, le produit perd déjà 20 % de son efficacité) ce qui permet à la cuticule d’être gonflée (elle peut être multipliée par 2 ou 3 !) et permettre ainsi à la goutte de rentrer. La vitesse idéale du vent doit être inférieure à 15 km / h (risque de dérive). En cas de risque de phénomène d’inversion thermique il est préférable d’avoir un peu de vent pour éviter ce phénomène surtout avec de fines gouttes qui permettent d’augmenter le nombre d’impacts.
Un roulage effectué 2 à 24 heures avant d’appliquer du glyphosate permet d’en améliorer l’efficacité. En blessant les feuilles en amont du traitement, le roulage améliore l’absorption de l’herbicide. Cet effet a principalement été démontré sur des dicotylédones plus que sur graminées.
Concernant la bouillie, les adjuvants tensio-actifs actuels ont une efficacité comparable à celle des amines grasses de suif (interdites depuis 2016), même si les effets sont parfois plus longs à apparaître. La compilation de 287 données d’essais Arvalis montre que ces tensio-actifs sont significativement plus efficaces que les huiles et les « super-étalants ».
En cas d’eau dure, ajouter 100 g de sulfate d’ammonium au glyphosate dilué dans 100 l d’eau contenant 100 ppm de calcium (200 g pour 200 ppm, etc.), afin de neutraliser les ions calcium , magnésium voire fer de l’eau et ainsi d’augmenter la part de glyphosate restant sous forme active. Voici l’ordre d’incorporation dans la cuve :
- Eau (le moins possible pour augmenter la concentration en glyphosate et augmenter la conductivité de l’eau)
- SAM (1 à 3 %)
- Viser un pH de l’eau à 5 : En règle générale, 1 L d'acide acétique à 8% diminue d’un point le pH de 500 L d’eau. Il faut acidifier l’eau avant de mettre le glyphosate. Si l’eau est trop acide il y a un risque de brulage des feuilles donc une diminution de l’efficacité du produit.
- Glyphosate
- Tensioactifs non ioniques (Heliosol NIS, Actirob B, Silwet, ...) et/ou tensioactifs organosiliconés (super-mouillants) (Silwet, … ), ou huiles végétales (Actirob B…)
Enfin, pour rappel, le glyphosate perd en efficacité s’il est combiné avec du 2,4 D.
4) Les herbicides racinaires
Les 2 parties suivantes ont été rédigées avec l’aide de Paul Robert, directeur de la société Novalis Terra
Même en agriculture de conservation des sols, les herbicides racinaires restent une solution souvent indispensable à condition de respecter quelques précautions de traitement afin d’avoir une bonne efficacité et une bonne sélectivité.
Voici quelques règles à respecter pour une bonne efficacité :
- Traiter sur des adventices non levées ou très jeunes
- Traiter de préférence sur une structure de sol fin et non motteuse
- Avoir un sol humide
- limiter la présence de résidus pailleux pour limiter l’adsorption des MA ou privilégier des MA à faible KoC (coefficient de partage carbone organique-eau : Ce paramètre représente le potentiel de rétention de cette substance active sur la matière organique du sol) et fort KoW (coefficient de partage octanol-eau : Ce paramètre mesure l’hydrophilie (valeurs faibles) ou la lipophilie (valeurs fortes) de la substance active)
Concernant la sélectivité, voici les points de vigilance :
- La qualité du semis est prépondérante avec une profondeur supérieure ou égale à 2,5 cm et un sillon refermée
- Un sol rappuyé
- Pas de pluie importante >15mm annoncée dans les 24h qui suivent le traitement surtout pour les orges
- limiter les doses sur des sols caillouteux, pierreux et hydromorphes et ne pas appliquer sur des cultures stressées, déchaussées ou en mauvais état végétatif
- Traiter en conditions poussantes donc en absence de gelées et avec des amplitudes thermiques inférieures à 8 degrés
En cas d'utilisation d'un herbicide racinaire, il ne faut pas oublier que le produit doit passer à travers les résidus de couverts ou de la culture du précédent et donc que la pluie est impérative pour que le produit descende. Plus le mulch est important et plus le produit risque de perdre en efficacité. Quant à la pluie, elle doit intervenir au plus vite derrière la pulvérisation et 5 mm peut suffire à retrouver une très bonne efficacité. Ceci ne signifie pas, bien sûr, qu’il faille pulvériser avant de grosses pluies qui pourraient entraîner de la phytotoxicité ou de la perte de produit. De plus il faut que ce produit soit épandu suffisamment tôt pour bloquer la germination de l'adventice.
5) Désherbage des prochaines années
Le Flufénacet connaîtra un retrait de son AMM en France en décembre 2025 avec un délai de vente jusqu'en juin 2026 et un délai d'utilisation jusqu'en décembre 2026. Ceci s’explique par la présence fréquence de cette matière active dans l'eau, étant classée comme PFAS (« polluants éternels »).
Pour la Pendimethaline, il y a une évolution sur les retraits d'usage et les restrictions.
Pour les autres matières actives, il n'y a pas d'évolution mais il faut rester très vigilant sur les bonnes conditions d'application ; en particulier pour le prosulfocarbe, un produit très volatile qui pourrait vite être mis sur la sellette si des contaminations d’autres cultures étaient avérées (buse Anti-derive -90% obligatoire)
Pour cet automne il y a eu l'homologation de l’Acloduo de chez Bayer qui est composé de 600 g d'Aclonifen et 120 g de DFF. Il est utilisable à 1,2 L par hectare pour le blé tendre d'hiver et l'orge d'hiver en post-semis / prélevée et en post levée précoce jusqu'à une à trois feuilles. Il a une bonne efficacité sur raygrass et assez bonne sur vulpin. Il y a des restrictions sur sol drainé, une ZNT de 20 m et un maximum d’une application par an. Attention à la sélectivité de l’aclonifen (positionnement grain / rappuyage)
Pour 2026, est attendu le Luximo de chez BASF. Il serait homologué en post levée précoce en étant vigilant sur la sélectivité car il peut vite impacter la culture. Ce produit est déjà utilisé depuis 4 campagnes en Grande-Bretagne. Cependant, pour l'Europe, il est toujours en attente d'homologation ce qui n'est pas forcément bon signe.
Enfin en 2027 ou 2028 pourrait être homologué le bixlozone de FMC herbicide de la même famille que le Centium et fortement phytotoxique sur les céréales, imposant de semer encore plus profond (3-4cm)
Ces 2 nouveaux herbicides ne vont pas révolutionner le désherbage RG et Vulpin car leurs niveaux d’efficacités seront proches des standards actuels (mateno - fosburi)
Enfin la société Bayer annonce l'arrivée d'une nouvelle matière active : l’icafolin-methyl qui sera un désherbant pour interculture. Cette matière active appartient à une classe chimique unique et pourrait être utilisée à des doses faibles et avec un profil de sécurité et de durabilité élevé. Son efficacité serait élevée sur les graminées résistantes notamment au glyphosate. Cette matière active pourrait s'utiliser seule ou associée au glyphosate. Pour l'instant il n'existe aucune date d'homologation en Europe.
Nous ne pouvons mettre ici tous les programmes possibles de désherbage car ils sont multiples en fonction de la date de semis, de l’adventice ciblée en priorité et du précédent (en particulier la quantité de résidus laissés au sol). Nous pouvons cependant nous projeter pour 2026 voire 2027 avec l’arrêt du flufénacet.
Voici les programmes qui peuvent s’envisager aujourd’hui sans Flufénacet:
Défi (800 g/l de prosulfocarbe) à 2.5 l + Diflanil SD (500 g/l de DFF) à 0.2 l puis Constel (25 g/l de DFF + 400 g/l de Chlorto) à 3 ou 4 l.
Ou
Défi à2.5 l + Codix (40 g/l de DFF + 400 g/l de Pendi) à 2l puis CTU à 1500 g
Et à l’avenir en fonction des homologations :
Acloduo à 1.2 l puis Luximo à1.25l
Témoignage de Mathieu Marguerie, Ingénieur Régional PACA – Animateur réseau SCV Arvalis

Herbicides racinaires en ACS : efficaces, mais combinés à d’autres leviers
La gestion des adventices reste une problématique centrale, et une préoccupation majeure, pour la réussite des systèmes en ACS. Dans un contexte de développement des résistances au raygrass, en particulier vis-à-vis du glyphosate, il convient de mobiliser une palette de leviers complémentaires.
La rotation, levier central de gestion des adventices
La rotation est centrale pour gérer les adventices en ACS : l’introduction dans des rotations céréalières de colza ou de légumineuses annuelles permet de diversifier les modes d’action efficaces sur les herbicides avec l’emploi de la propyzamide, pour laquelle il n’y a pas de résistance des populations de raygrass ou de vulpin. Ces données sont confirmées par deux essais de longue durée d’Arvalis en semis direct :
- A Boigneville dans l’Essonne, la dérive de populations de raygrass en semis direct dans des monocultures de blé dur a été cassée par l’introduction de pois d’hiver et de colza.
- A Oraison, en Provence dans un système sans irrigation et un contexte climatique contraint rendant impossible l’implantation de cultures de printemps, le temps de retour efficace entre deux céréales d’hiver est a minima de deux ans. L’introduction de luzerne, dont les fauches successives permettent d’exporter des raygrass hors de la parcelle a également été identifiée comme un levier de gestion.
Interactions entre herbicides et matière organique
Compte tenu de la très forte résistance des raygrass et vulpins aux herbicides foliaires employés en sortie d’hiver, l’emploi de racinaires en pré ou post-levée (prosulfocarbe, chlortoluron, flufénacet) est aujourd’hui central dans la stratégie de désherbage des raygrass et des vulpins. Néanmoins, des spécificités de l’ACS peuvent venir interagir avec ces substances. Premièrement, l’augmentation de la matière organique en surface, généralement observée en ACS peut adsorber de nombreux herbicides racinaires et ainsi diminuer leur biodisponibilité. La baisse d’efficacité peut atteindre 50% pour une variation du taux de MO en surface de 0.5 à 1 point. Ces effets sont différents selon les matières actives, mais les triazines ou les urées substituées (chlortoluron) sont généralement les plus concernées, comme le montre la figure 1. Ce risque de moindre efficacité des racinaires est d’autant plus vrai que la dose appliquée est faible.

Figure 1 : coefficient d’adsorption du chlortoluron selon le niveau de matière organique du sol.
Les résidus de culture, potentiels obstacles aux herbicides
Par ailleurs, la présence de résidus en surface en ACS peut également faire « écran » aux herbicides racinaires qui n’atteignent pas totalement le sol et amoindrir leur efficacité. Les effets semblent marqués pour des biomasses supérieures à 4-5 tonnes de matière sèche par hectare. Une pluie après application permettra de limiter le phénomène (Figure 2). A contrario, s’il est réussi, le maintien d’un mulch dans la culture suivante peut aussi limiter la levée des adventices.

Figure 2 : évaluation de l’efficacité d’herbicides racinaires (en bleu et en vert) 10 jours après le semis d’une plante par observation de son émergence (Banks et Robinson, 1986).
Combiner les leviers pour maîtriser les adventices
Si les herbicides, notamment racinaires, ont des risques d’être moins efficaces en ACS, leur utilisation reste centrale dans la panoplie des stratégies de désherbage efficaces sur les adventices graminées des céréales. Il convient même de ne pas s’aventurer à trop baisser leur dosage et de les utiliser en complément des autres leviers agronomiques mobilisables que sont par exemple la rotation ou la date de semis. Dans les situations avérées de résistance au glyphosate ou de dérive de populations d’adventices, le retour à un travail du sol ponctuel pourra être un levier supplémentaire pour répondre à une situation d’impasse, l’innovation actuelle en machinisme ne permettant pas de le faire sans bouleversement.
Pour en savoir plus : https://www.perspectives-agricoles.com/conduite-de-cultures/desherbage-acs-herbicides
Témoignage de Christophe Délye, chargé de recherche à l’INRAE sur la résistance des adventices aux herbicides

Mon travail de recherche consiste à traquer les adventices résistantes aux herbicides pour comprendre les mécanismes génétiques mis en jeu. Ceci peut permettre d’apporter des solutions aux distributeurs et agriculteurs confrontés à cette problématique grandissante. En fait, tout repose sur un phénomène de sélection naturelle. L’application répétée d’un herbicide favorise progressivement les individus porteurs d’une ou plusieurs mutations qui leur permettent de survivre à ce traitement. Ces mutations peuvent être de deux types : soit elles confèrent à la plante la capacité à neutraliser ou détoxifier l’herbicide, soit elles modifient la cible sur laquelle agit cet herbicide, rendant ainsi cette cible résistante. Par exemple, il peut exister une mutation génétique de l’enzyme ciblée par les herbicides avec la synthèse d’un nouvel acide aminé qui modifie la configuration spatiale de l’enzyme et l’herbicide ne peut plus se fixer sur son site d’action.
Je considère qu’il est inéluctable que tout herbicide finisse par devenir inopérant à terme. Le délai d’apparition de résistances varie selon plusieurs facteurs : le mode d’action de l’herbicide, la fréquence initiale des mutations dans les populations d’adventices, la surface traitée et la fréquence d’utilisation d’un même mode d’action. Par exemple, les inhibiteurs de l’ALS sélectionnent des résistances bien plus rapidement que le glyphosate ou les herbicides auxiniques. En France, on a observé l’apparition de résistances en seulement trois à quatre ans pour certains inhibiteurs de l’ALS, alors qu’il a fallu plusieurs décennies pour le glyphosate.
Les résistances se transmettent d’une région à l’autre par différents moyens. Une partie du transfert s’effectue grâce au pollen, notamment pour les espèces anémophiles comme le vulpin ou l’ivraie (Raygrass), dont le pollen est transporté par le vent, ou pour les espèces entomophiles comme le coquelicot, dont le pollen est transporté par les insectes. Cependant, la dissémination la plus importante se fait par les semences. Certaines espèces, comme le séneçon ou la vergerette, produisent des graines légères pouvant être dispersées naturellement par le vent sur plusieurs kilomètres. Mais la machinerie agricole joue un rôle encore plus déterminant : les semences peuvent se retrouver transportées d’une parcelle à l’autre, voire d’une région à une autre, notamment lorsque les moissonneuses ne sont pas nettoyées entre deux interventions.
Dans les systèmes d’Agriculture de Conservation des Sols (ACS), j’observe que la résistance au glyphosate est plus fréquente que dans les autres systèmes de grandes cultures. Cela s’explique notamment par l’usage plus régulier et exclusif de cet herbicide dans ces pratiques.
Concernant le glyphosate, plusieurs hypothèses peuvent expliquer sa moindre efficacité. On évoque parfois une évolution des formulations, certains glyphosates génériques étant moins bien formulés que les produits d’origine. Cependant, ce facteur est aujourd’hui moins déterminant qu’autrefois. Les causes principales sont souvent liées à de mauvaises conditions d’application : hygrométrie trop basse, doses trop faibles, stades trop avancés des adventices ou plantes peu « poussantes ».
Contrairement à d’autres herbicides, le glyphosate est très peu concerné par les mécanismes de détoxication. Les résistances observées reposent surtout sur une réduction de la pénétration du produit ou sur sa séquestration dans certaines parties de la plante, comme les vacuoles ou les pointes des feuilles, où il cause moins de dégâts. Il existe aussi des cas plus rares de mutations au niveau de l’enzyme EPSPS (voie du shikimate), mais ces résistances de cible restent marginales.
D’après ce que j’ai pu constater, la moindre efficacité du glyphosate s’explique avant tout par un mauvais emploi — notamment un sous-dosage ou une application tardive — qui favorise l’évolution de mécanismes de résistance liés à une réduction de la pénétration et/ou une séquestration du produit. Lorsque ces mauvaises pratiques entraînent une prolifération des adventices, cela crée un contexte favorable à l’apparition de résistances de cible (mutation de l’EPSPS), qui viennent alors s’ajouter aux autres mécanismes.
Christophe Délye interviendra cet hiver dans 2 formations organisées par l’APAD :
à l’APAD dans les Hauts-de-France, le 9 septembre secteur Abbeville et à l’APAD CA : des journées passionnantes en perspective !
Contactez les animateurs locaux si ces rencontres vous intéressent.
Témoignage de Stéphane Ollivier en ACS depuis 10 ans en Charente
À mon installation, les parcelles avaient de gros problèmes d’enherbement avec de l'ambroisie, du chiendent et de la folle avoine en particulier. Pour ne pas exploser les prix du désherbage j'ai opté pour une rotation du type blé, colza, blé, tournesol. Il me semble indispensable de mettre une culture de printemps pour optimiser la gestion du désherbage même si cette culture ne donne pas une marge très importante. Grâce à cette rotation et une forte vigilance j’ai résolu le problème d’enherbement en 5 à 6 ans.
Cependant, depuis 2- 3 ans, je vois arriver du raygrass. Il est arrivé principalement par les entrées de parcelles donc on peut supposer par la batteuse. De plus, les deux derniers hivers très humides ont facilité son implantation.
J'ai une stratégie de tolérance zéro pour les adventices en utilisant tous les moyens disponibles. En plus de la rotation dont on vient de parler et le semis direct, je recule la date de semis au début du mois de novembre. Un semis à cette date permet de limiter fortement la pression des graminées ainsi que la diminution des risques de JNO. Le fait d’être en ACS sans aucun travail du sol facilite également le semis en novembre car mes parcelles sont bien plus portantes. Je le vois d'autant plus que le moindre travail du sol pour du tournesol, même à 5 cm de profondeur, va impacter le semis de blé de l'année culturale suivante avec une stagnation de l’eau en surface. D’après mes diverses expériences, ce sont toujours les parcelles semées en novembre qui ont donné les meilleurs rendements. En effet, au-delà de mieux gérer les parasites, j'ai aussi moins de risques de gel d’épi avec les gelées tardives du printemps.
Au niveau chimique je désherbe en 3 passages en plus du glyphosate :
- Un traitement en prélevée à base de prosulfocarbe + DFF + Flufenacet.
- Un traitement en post levée (1ère feuille sortie à 100 %) avec 1.5 l de Daiko et 0.4 de Fosburi.
- Un rattrapage fin mars - début avril pour gérer en particulier les RG, l'ambroisie et le gaillet. J’utilise de l’Axial + Allier + Florasulabe.
Enfin, si je sais qu'une parcelle est très infestée en graminées je n'hésite pas à changer de culture et à ne pas faire de blé pendant 2 ou 3 ans. Je sais que je perds un peu en marge mais ça me permettra ensuite de pouvoir refaire du blé avec des intrants maîtrisés. Je préfère anticiper les problématiques et les résoudre rapidement plutôt que d'y être confronté et que ça me coûte très cher.
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